Idh Yennayer célèbre la terre, l'homme et la mémoire La commémoration du nouvel an amazigh 2963, dit Idh Yennayer, est au fond une célébration de la terre, de l'Homme et de la mémoire, en tant que composantes essentielles d'une identité nationale multiple et forte de ses affluents sans exclusion aucune, a affirmé un chercheur concerné par la culture amazighe. «Lorsqu'on parle de la mémoire, on évoque nécessairement l'identité, les racines et les origines, tant que celui qui n'a pas d'origine n'a pas d'avenir», a souligné Khalid Al Ayoud, enseignant-chercheur et acteur associatif. «C'est comme un arbre, on ne peut supplanter la culture d'un peuple et lui demander d'être autrement», a-t-il dit, soutenant que le Japon, par exemple, trône sur la technologie la plus avancée du monde, sans pour autant ne rien sacrifier à son âme, sa quintessence et à ses racines socioéconomiques. Il a relevé que la célébration d'Idh Yennayer (le 12 janvier de chaque année) marque le début de la saison agricole chez les Amazighs et renvoie, de ce fait-même, à l'attachement à la terre dans la mesure où l'événement est lié à l'activité agricole qui domine particulièrement dans les zones montagneuses, les plaines et les oasis à forte concentration amazighe. Il a fait observer que Idh Yennayer augure de ce fait les préparatifs de la saison agricole et invoque en même temps des vœux et prières pour une année fertile, tout en scellant des retrouvailles lors desquelles les migrants se réunissent à nouveau autour de mets que l'on ne prépare qu'une fois par an, dont «Orkimen», un plat à base de sept céréales (maïs, orge, fèves, lentilles, etc.) M. Al Ayoud, qui penche sur la préparation avec d'autres partenaires d'un «défilé culinaire d'une cinquantaine de plats» pour la journée du 13 janvier, a signalé que «Orkimen» est un mets qui clôt une année agricole avec ce qui reste de céréales tout en aiguisant l'appétit pour une année qui s'amorce. La préparation de ce plat avec des pieds de chèvre ou d'agneau renvoie à une autre dimension identitaire, celle de l'agriculture et de l'élevage en particulier en tant que source de subsistance, a-t-il indiqué, notant que ce genre de mets était voué à la disparition si ce n'était pour les efforts consentis par certains intellectuels et acteurs de la culture amazighe. Il a aussi cité «tagulla», une sorte de purée devenue un plat-symbole d'Idh Yennayer à l'image de la tarte du nouvel an, rappelant que ce plat, confectionné à base de maïs rouge, requiert une cuisson douce pouvant durer jusqu'à cinq heures. Il s'agit, a-t-il encore expliqué, d'un mets très délicieux que l'on sert avec un mélange de miel et d'argan ou de miel et de beurre. Le chercheur a fait observer que la célébration du nouvel an amazigh se distingue par la dissimulation d'un noyau de datte dans le plat et quiconque tombe dessus est considéré comme «Ighermi», le chanceux de l'année sur tous les plans. Au sujet de la résistance de ces rituels, il a estimé que les Amazighs continuent de vivre avec la mentalité de la tribu et de l'appartenance aux origines et à la terre, soutenant que «l'Homme est ici à l'image de l'arganier: il cultive le retour aux origines où qu'il aille». Cet attachement à la terre n'a rien de chauvin, mais il constitue une partie indissociable de l'identité perçue comme une propension naturelle au vivre-ensemble dans le cadre d'une société solidaire, a-t-il souligné. Ces rituels ont résisté à l'érosion du temps au même titre que la langue amazighe et l'alphabet tifinagh, a-t-il signalé, considérant que la célébration d'Idh Yennayer devrait être perçue à ce titre comme occasion de rappeler l'identité marocaine multiple et riche de par sa diversité. Il a aussi fait remarquer que la célébration d'Idh Yennayer revêt, cette année, un caractère exceptionnel que la région du Souss n'a jamais connu, depuis «la Déclaration d'Agadir 1991» ou même depuis 2001 lorsque nombre d'associations amazighes ont appelé à commémorer cette date de manière officielle et unifiée. Il a indiqué qu'au moins trois grands événements organisés par des associations influentes devraient ponctuer la célébration du nouvel an à Tiznit, Inezgane et Agadir et Aït Baha, outre des célébrations similaires à Rabat et Casablanca, ainsi qu'à l'étranger, notamment en Belgique et France.