Les tentacules de la pieuvre L'affaire de la saisie du poulpe juvénile interdit à la pêche et destiné à l'export pour le compte de la société FRIGIMA, propriété d'un parlementaire à la Chambre des conseillers, continue de défrayer la chronique gadirie notamment après l'apparition de nouveaux éléments dans l'affaire. Des éléments qui jettent le discrédit sur la fonction de l'Office, prouvant ainsi la fragilité de la gestion du secteur de pêche à Agadir et dans d'autres villes, le pillage des ressources halieutiques du pays et la présence d'un lobby qui sévit en toute impunité dans le port, lieu de transit des opérations les plus sournoises et ruineuses du pays à l'heure où le secteur, paralysé par des semaines de grève, se cherche une base de relancement de ses activités. Le 11 février courant, les autorités portuaires d'Agadir, procèdent à la fouille d'un camion suspecté de fraude. Avec les 18 406 kg de poisson congelé réglementaires, déclarés dans la cargaison objet de contrôle, 2380 kg de poulpe juvénile, calibre 9, interdit à la pêche ont été saisis. Interrogé, un responsable de la société mise en cause a affirmé, document à l'appui, que la quantité saisie n'a pas été pêchée par ses bateaux mais acheté à l'Office à Agadir, Safi et Nador (les factures cachetées par les services des trois ports attestent de la bonne foi du responsable). A partir de là, la société rejette toute responsabilité dans cette affaire et si infraction il y a, c'est à l'Office qu'il faut en imputer la responsabilité puisque le poulpe juvénile de calibre 9 a été acheté légalement dans les halles des ports. Cet imbroglio laisse planer le doute quant à la gestion du secteur de pêche en dehors d'un contrôle efficace des pêcheries et de commercialisation de ses produits: Si la cargaison de poulpe juvénile de calibre 9, (objet de saisie le 11 février) interdit à la pêche a été achetée légalement dans les halles des ports, il y a lieu de s'interroger sur le rôle de l'Office dans le contrôle et l'application du règlement relatif au secteur de pêche maritime qui a permis aux bateaux qui ont réussi cette pêche interdite de débarquer leur frauduleuse cargaison dans les ports marocains, mis en vente publique le poulpe juvénile calibre 9 interdit à la pêche et délivré des factures de vente du poulpe en question En d'autres termes l'ONP, non seulement ne condamne pas la pêche non réglementaire mais en plus il parraine la vente légale du poulpe juvénile, dans ses locaux et en tire des bénéfices mais intercepte l'acheteur et saisit sa marchandise parce que jugée illégale. Un véritable imbroglio qui rend compte de l'anarchie qui règne dans un secteur pilier de l'économie du pays. De sources sûres, le comité mixte en charge de l'affaire de la saisie des 2083 kg de poulpe juvénile, a enregistré d'autres infractions de la société FRIGIMA qui a déclaré 178 caissons de poulpe calibre 8 alors que le nombre exact est de 619 caissons en plus de la falsification des documents relatifs à la cargaison du camion. En attendant la fin de l'enquête qui s'est poursuivie le 12 et 13 février par le passage au peigne fin des entrepôts de la société et l'affaire du poisson avarié importé du Chili, des interrogations se posent chez les hommes du métier au sujet notamment des compétences et des limites des responsables du secteur de pêche (douane, services vétérinaires…) Qui est responsable de la débandade dans laquelle s'empêtrent nos ports ? A qui profite cette situation confuse et dangereusement instable ? Pourquoi ne prend-on pas les mesures répressives adéquates pour condamner les véritables responsables et non seulement les exécutants, et parer à la destruction de nos ressources halieutiques ? Cet énième scandale, et probablement pas le dernier vu le laxisme et le flegme avec lesquels le ministère réagit face à ce lobby des produits de mer, remet sur scène le rôle de l'Office dans la gestion du secteur. Mais l'Office est-il suffisamment doté en ressources humaines, compétences et moyens pour surveiller, contrôler et inspecter sans relâche les entrepôts, bateaux…et présenter à la justice les contrevenants ? Le ministère se doit d'intervenir fermement et arrêter cette hémorragie qui profite à des éminences, une hémorragie qui, si l'on en croit les rapports des organismes internationaux, videra les eaux marocaines de ses richesses halieutiques en moins de 50 ans. Au rythme où va le pillage des ressources, le capital marin est en péril, son renouvellement est sérieusement compromis. Il ne sert à rien d'instaurer des plafonds annuels de capture et de périodes de repos biologique, il ne sert à rien de restreindre l'accès aux zones de pêches sensibles et il ne sert à rien non plus de réglementer les tailles des produits de pêches si le ministère n'engage pas des mesures répressives convenables pour sanctionner les vrais responsables.