En ce mois de mai de l'année 2007, le Maroc est (enfin) entré dans l'ère du nucléaire. Le réacteur de recherche, un Triga Mark II de fabrication américaine d'une puissance de 2 Mégawatts (MW), installé au Centre d'Etudes Nucléaires de la Mâamora (CENM), est entré en activité cette semaine. Ce n'est pas encore la production d'énergie électronucléaire, ni même un réacteur de puissance pour le dessalement de l'eau de mer, mais c'est déjà un énorme pas en avant en matière d'utilisation pacifique de la fission atomique. Les chercheurs, universitaires et ingénieurs nucléaires, marocains disposent enfin de l'outil dont ils ont longtemps rêvé, pouvant déjà produire des radioisotopes à usage médical, jusqu'ici importés. Cela fait près d'un demi siècle que les technologies nucléaires sont appliquées au Maroc, aussi bien en médecine qu'en industrie. Ce secteur demeure, toutefois, peu connu du grand public qui n'entend souvent parler, à travers les médias, que des tensions internationales que soulèvent les applications militaires du nucléaire. Pour remédier à cette méconnaissance, l'Association des Ingénieurs en Génie Atomique du Maroc (AIGAM), en partenariat avec l'Association Marocaine de Radioprotection (AMR), le Groupement Marocain de la Technologie des Réacteurs (GMTR) et l'Association Marocaine de la Physique Médicale (AMPM), a organisé, à l'intention de la presse, une journée d'information pour "éclairer l'opinion publique et contribuer aux débats nationaux où les technologies et les sciences nucléaires peuvent constituer des solutions techniques, économiques et environnementales", selon les propos de M Abdelhamid Mekki-Berrada, premier ingénieur atomiste morocain, président fondateur de l'AIGAM, nommé également par le Premier ministre président de la commission nationale de la sûreté nucléaire. Au Maroc, l'avenir est au nucléaire. Le pays n'est pas producteur d'hydrocarbures qu'il achète de plus en plus cher. L'espoir de trouver du pétrole a d'ailleurs contribué à retarder le programme nucléaire marocain, "alors que l'éventuelle découverte d'hydrocarbures sur le sol national pourrait constituer une source de devises pour un Maroc déjà producteur d'énergie électronucléaire", estime M Jawad Tajmouati, ingénieur atomiste. Le 30 octobre 2006, le premier débat national sur l'énergie a mis l'accent sur trois principes fondamentaux qui doivent guider la polotique du Maroc en ce domaine. Il s'agit d'assurer un approvisionnement sûr et suffisant, des marchés et des prix compétitifs et un développement durable. Le nucléaire a, justement, l'avantage d'être une source d'énergie propre, abondante et compétitive. Un kiloWatt/heure (kWh) d'énergie électronucléaire revient à 0,312 Dhs alors qu'une centrale thermique qui fonctionne au charbon produit de l'énergie élèctrique à 0,352 Dhs et au gaz à 0,385 Dhs. 1000MW, soit 9 milliards de kWh, nécessite 80 à 100 tonnes d'uranium enrichi. Pour produire la même puissance, il faudrait 2,3 millions de tonnes de charbon ou 1,9 million de tonnes de pétrole, 1,4 milliard de m3 de gaz, 3.500 éoliennes d'un MW, de 70m de diamètre et d'au moins 100m de hauteur ou encore 100km2 de panneaux solaires ! En 2006, les besoins de l'ONE étaient d'une puissance appelée de 3760MW et d'une énergie appelée de 21 milliards de kWh. Les prévisions de croissance sont de 8% par an, développement économique oblige. En raison du renchérissement des hydrocarbures et de l'épuisement prévu des réserves, la tendance mondiale est au retour au nucléaire, après une brouille due aux inquiétudes que suscite cette source d'énergie. Il existe actuellement 441 réacteurs, en activité dans 31 pays, qui produisent 17% de l'électricité mondiale. Le Maroc dispose déjà d'une étude de faisabilité pour la construction d'une centrale nucléaire et même des sites potentiels pour l'accueillir ont été identifiés. Outre la production d'énergie électronucléaire, le dessalement de l'eau de mer constitue une autre motivation au recours à la fission de l'atome. Le programme nucléaire marocain se distingue par sa démarche légaliste et transparente. Le pays est signataire du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et a signé ou ratifié 8 conventions de l'Agence Internationale de l'Energie Atomique. La loi cadre qui régit ce secteur est celle du 12 octobre 1971, outre les décrets d'application de 1994 sur le contrôle des installations nucléaires, de 1997 sur la protection contre les rayonnements ionisants et 1999 qui autorise la construction du Centre des Etudes Nucléaires de la Mâamora. Toutes les infrastructures nucléaires marocaines sont conformes aux normes de sûreté établies par l'AIEA. Le Maroc dispose, en outre, d'un accord de coopération bilatérale en ce domaine avec les Etats-Unis d'Amérique, pays qui a d'ailleurs fourni le premier réacteur de recherche national.