L'ultimatum fixé par les talibans pour la libération de deux otages français enlevés le 3 avril dernier expire demain samedi, et non aujourd'hui, a indiqué le porte-parole des talibans. "L'ultimatum n'expire pas aujourd'hui, mais demain, samedi" a affirmé vendredi Yousuf Ahmadi, un porte-parole habituel des talibans. Les talibans avaient, le 20 avril, donné une semaine à la France pour retirer ses troupes d'Afghanistan afin d'obtenir la libération de deux Français employés d'un ONG humanitaire enlevés le 3 avril dans le sud-ouest du pays. À L'APPROCHE de l'expiration de l'ultimatum fixé par les talibans, les dernières nouvelles des deux humanitaires français enlevés le 3 avril dans le lointain Sud-Ouest afghan ne sont pas forcément rassurantes. « Ils mangent bien et ils sont nos invités », a déclaré hier un porte-parole des « étudiants en religion » en indiquant qu'il n'y avait « pas de négociation majeure directe ou indirecte ». Désignés par leurs seuls prénoms, Éric et Céline, employés de la petite ONG Terre d'enfance, étaient apparus très éprouvés dans une vidéo où ils imploraient les autorités françaises d'accéder aux demandes de leurs ravisseurs. La silhouette de leurs trois accompagnateurs afghans, entravés et les yeux bandés, dramatisait encore la scène. Vendredi dernier, dans un message diffusé sur Internet, les talibans demandaient « au gouvernement français de retirer ses soldats d'Afghanistan dans une semaine » et à « l'administration de Kaboul une réponse rapide à propos d'un échange de prisonniers ». Face à cette pression, Paris a renforcé sa mobilisation. La semaine dernière, le Quai d'Orsay a dépêché à Kaboul son plus haut diplomate, le secrétaire général du ministère Philippe Faure, qui a été reçu par le président Hamid Karzaï. Jacques Chirac a appelé ce dernier à deux reprises en lui demandant que « tous les efforts puissent être faits » pour la libération des deux Français. Le président de la République « suit toujours très attentivement la situation », et son chef d'état-major particulier, le vice-amiral Édouard Guillaud, « participe à la cellule de crise », indiquait-on hier à l'Élysée. Extrême discrétion oblige, rien ne filtre des efforts déployés en coulisses par la diplomatie et les services français. À Kaboul, Philippe Faure a transmis la « très ferme volonté » de voir libérer les otages « dans les plus brefs délais ». Avec l'émissaire français, Hamid Karzaï se serait montré relativement coopératif. Mais il a réaffirmé son refus de toute solution « à l'italienne », référence à un précédent quelque peu cuisant pour lui. En effet, retenu en otage, le journaliste de La Reppublica Daniele Mastrogiacomo avait été libéré, le 19 mars, en échange de cinq responsables talibans détenus par les autorités afghanes. Le chef de l'État avait alors été accusé d'avoir cédé au chantage et d'autant plus âprement critiqué que le chauffeur afghan du journaliste italien avait, lui, été exécuté. Piste crapuleuse La France entretient en Afghanistan un dispositif militaire d'un millier d'hommes (voir encadré ci-dessous) dont le retrait est irréaliste. Mais Paris partage le souci de Kaboul de ne pas donner à l'adversaire de gage politique trop manifeste, comme dans le dénouement de l'affaire Mastrogiacomo. Récupérer les otages par la force apparaît a priori exclu. La solution, espère-t-on à Paris, pourrait résider dans la souplesse que s'accorderait malgré tout Hamid Karzaï pour aménager un règlement, pourvu qu'il ne soit pas trop visible. Encore faudrait-il savoir avec qui négocier et qui détient les otages. Ceux-ci auraient été capturés par des membres de tribus baloutches parmi lesquels pullulent les trafiquants, dans cette province du Nimroz, frontalière avec l'Iran. La piste crapuleuse offre des possibilités de règlement « classiques » quoique jamais évoquées ouvertement, en espèces sonnantes et trébuchantes. Mais en l'occurrence, les ravisseurs seraient l'objet de fortes pressions de la part des talibans. De plus, la connexion entre ces groupes criminels et les réseaux talibans n'apparaît pas clairement aux yeux des spécialistes français. Dans ces régions éloignées de la capitale, la marge de manoeuvre des autorités de Kaboul est réduite. Paris ne nourrit guère d'espoir non plus vis-à-vis du Pakistan. Malgré des liens avérés avec les talibans, les experts estiment n'avoir pas trop à attendre dans cette affaire de la « carte pakistanaise » dont même les États-Unis ne parviennent pas à user dans leur traque d'Oussama Ben Laden. La fin de l'ultimatum laissera-t-elle suffisamment de temps aux autorités françaises et afghanes pour poursuivre des tractations ? Même si l'inquiétude est forte, on estime à Paris que les otages sont trop « précieux » pour être exécutés si vite. Terre d'enfance a lancé hier un appel aux ravisseurs pour qu'ils leur laissent «la vie sauve». Le facteur électoral ne jouera probablement pas, comme ce fut le cas il y a vingt ans lorsque les otages du Liban avaient été libérés au forceps diplomatique entre les deux tours de la présidentielle de 1988. Mercredi soir, sur France 2, Ségolène Royal s'est refusée à évoquer l'affaire pour ne pas « mettre les otages en danger » tout en estimant par ailleurs que « les troupes françaises ont toute leur place aujourd'hui en Afghanistan ».