«Sans le concours et la volonté de l'Etat marocain, les murs ne tiendraient pas une semaine» «La réaction des autorités marocaines et ses conséquences relèvent plus d'une volonté de canaliser et de faire face aux débordements que de la volonté délibérée de porter atteinte à la dignité et surtout à la vie des Subsahariens. Dans la gestion malheureuse de ces événements, le Maroc s'est avéré aussi comme une victime ». C'est la principale conclusion à laquelle a abouti le rapport du Conseil consultatif des droits de l'Homme relatif aux événements de Sebta et Mellilia et qui avaient fait, en son temps, 14 morts. Loin de juger ou de déterminer les responsabilités dans ces événements dramatiques, l'objectif de ce rapport, quelque peu «tardif », est d'établir les faits tels qu'ils se sont déroulés dans la réalité et surtout de constater si les droits de l'Homme ont été ou non bafoués lors de la gestion de ce phénomène, comme l'a souligné Driss Ajbali, membre du CCDH. Pour ce faire, une enquête a été menée par une commission du CCDH qui a été rendue publique dans un rapport présenté hier à Rabat. D'abord les faits : dans la nuit du 28 au 29 septembre 2005, 500 migrants ont tenté de pénétrer par force dans l'enclave de Sebta. Résultat, quatre morts dont deux de chaque côté du grillage et plusieurs blessés. L'autopsie a montré que le décès de deux Maliens sur le territoire marocain est causée par des armes à feu. « Néanmoins, 200 personnes vont réussir à traverser. 132 d'entre elles seront refoulées par les Espagnols dont 18 blessés », souligne le rapport. La réaction des soldats espagnols et marocains a été tout aussi ferme suite à la tentative qui s'est déroulée la nuit du 05 au 06 octobre, cette fois-ci, à Mellilia. On parle également de six morts et plusieurs blessés. « Face aux assauts, les forces de l'ordre, en très petit nombre, ont paniqué et reconnaissent, pour certains d'entre d'eux, que des tirs ont bien eu lieu » ajoute le rapport. Selon Driss Ajbali, le Maroc a été par la suite victime d'un «tsunami » médiatique, sur fond d'images, pour l'essentiel issues des caméras infrarouges espagnoles de surveillance. « Ce sont elles, avant les morts, qui ont provoqué le «tsunami médiatique » que subira le Maroc», poursuit le rapport. Une situation aggravée par la réaction du Maroc, empreinte, ajoute le rapport, d'une forme de panique et d'inexpérience. Sans être défaillante, la gestion de ce phénomène a surtout pâti du manque de moyens dont dispose le pays face aux assaillants. Résultat : le Maroc s'est trouvé dans une situation de bouc émissaire. « Montré du doigt et/ou critiqué pour sa gestion des flux migratoires par les uns, soutenu et/ou félicité par les autres, il aura l'insigne mais sinistre honneur, de servir de parfait support de transfert de culpabilité», ajoute le rapport dans son analyse. Pour le CCDH, se contenter de souligner la seule responsabilité du Maroc dans ces événements relève du «raccourci facile et commde ». Le fait est que la problématique est d'ordre intercontinental où l'Africain, le Maghrébin et l'Européen s'emmêlent. Cela dit, le Maroc a réussi par la suite à redorer son blason en organisant le rapatriement des clandestins, en accord avec leur pays d'origine, dans des conditions qui l'honorent certes mais avec un coût exorbitant, indique le rapport. En effet, le coût de cette opération s'est élevé à 120 millions d'euros, soit le triple de l'enveloppe promise par l'Union européenne pour appuyer les efforts de Rabat dans ce domaine. Outre l'analyse des faits, le rapport a émis un certain nombre de recommandations qui versent dans l'ensemble dans la nécessité d'une meilleure appréhension de ce phénomène. Le CCDH a de ce fait appelé à la création d'une police de l'air et des frontières afin de mieux gérer ce phénomène. De la même manière qu'il recommande au gouvernement marocain de favoriser la délégation à la société civile du traitement humanitaire de certaines situations.