L'ancien espion russe Alexandre Litvinenko a accusé le président Vladimir Poutine de l'avoir assassiné, selon une déclaration lue par son entourage au lendemain de son décès par empoisonnement dans un hôpital de Londres. Le Kremlin a qualifié cette allégation d'"insensée". "Vous pourrez peut-être me faire taire, mais ce silence a un prix. Vous vous êtes montrés aussi barbares et impitoyables que le disent vos détracteurs les plus virulents", a déclaré Litvinenko, selon ses proches. "Vous pourrez peut-être faire taire un homme. Mais un concert de protestations venant du monde entier va se faire entendre, M. Poutine, et résonner dans vos oreilles pour le restant de votre vie. Que Dieu vous pardonne pour ce que vous avez fait." Un membre de la délégation russe au sommet UE-Russie de Helsinki a déclaré: "Cet homme a été empoisonné. Mais les accusations visant le Kremlin sont incroyables, elles sont trop insensées pour être commentées par le président ou qui que ce soit côté russe." Litvinenko est décédé jeudi soir dans l'hôpital de l'University College de Londres, où il avait été admis le 17 novembre. Agé de 43 ans, cet ancien membre du FSB, les services de sécurité russes qui ont succédé au KGB, dit être tombé malade après avoir rencontré deux Russes dans un hôtel. Opposant au président russe Vladimir Poutine, il menait une enquête sur le meurtre de la journaliste russe Anna Politkovskaïa, spécialiste de la Tchétchénie, tuée le 7 octobre à Moscou. L'unité antiterroriste de la police britannique a ouvert une enquête lorsqu'il s'est avéré, la semaine dernière, qu'il avait été empoisonné. Pour Scotland Yard, sa mort reste pour le moment "inexpliquée". UN NOUVEAU TÉMOIGNAGE A Moscou, un autre ex-espion russe du FSB, a déclaré avoir rencontré Litvinenko avec deux autres Russes dans un hôtel londonien le 1er novembre, jour où il est tombé malade. Cet homme, Andreï Lougovoï, a déclaré au journal russe Kommersant qu'ils avaient parlé "affaires". Lougovoï a rencontré jeudi dans la capitale russe un responsable de l'ambassade de Grande-Bretagne et a fait savoir qu'il répondrait à toute question que voudrait lui poser la police sur cette affaire. L'ambassade n'a pas donné de précisions quant à la teneur de cette conversation. Selon Lougovoï, Litvinenko l'a appelé au lendemain de leur rencontre, le 2 novembre, pour annuler une autre entrevue car il ne se sentait pas bien. Litvinenko, qui a obtenu le mois dernier la citoyenneté britannique, est passé à Londres il y a six ans, devenant l'un des transfuges les plus importants du FSB. Avant d'intégrer les rangs du FSB, il avait servi au sein de l'unité de contre-espionnage du KGB. "Il luttait contre les forces du mal en Russie, contre le KGB, contre les autorités qui portent atteinte à la démocratie et aux libertés fondamentales", a affirmé Oleg Gordievski, ami du défunt et, comme lui, ancien membre des services secrets exilé en Grande-Bretagne. "C'est une victime de (...) la rancune et de la malveillance de ces forces en Russie." Un médecin a déclaré qu'on ne saurait peut-être jamais quel poison l'a tué. Des experts ont exclu des hypothèques évoquées auparavant, telles que le thalium ou une substance radioactive. Litvinenko s'est attiré les foudres de ses camarades, en 1998, en affirmant lors d'une conférence de presse en présence d'hommes masqués présentés comme des agents secrets russes que le FSB avait eu l'intention d'assassiner l'oligarque russe Boris Berezovski. Le FSB l'a arrêté à plusieurs reprises, mais la justice a ordonné sa remise en liberté et l'abandon des poursuites.