Le soutien apporté par la France à la résolution des Nations unies condamnant les opérations dans la bande de Gaza a achevé de dégrader les relations entre Tel-Aviv et Paris. LA LUNE de miel entre Paris et Tel-Aviv aura été courte. Après deux ans de relations apaisées, le climat est de nouveau électrique. Le ton monte depuis plusieurs semaines, en raison notamment des survols de chasseurs israéliens au-dessus du territoire libanais et des positions des Casques bleus français de la Finul, la force intérimaire des Nations unies au Liban. Mais aussi à cause du ralliement de la France à une initiative de paix espagnole pour le Proche-Orient. L'orage a éclaté à la suite de l'adoption, vendredi, par l'Assemblée générale de l'ONU d'une résolution condamnant les opérations militaires d'Israël dans la bande de Gaza. L'ambassadeur israélien aux Nations unies, Dan Gillerman, a mené la charge contre la France, hier, l'accusant d'avoir « lancé des fleurs aux terroristes » en poussant à l'adoption de cette résolution. « La France n'enverrait pas des fleurs à ceux qui se livreraient à des tirs de missiles contre ses villes. Le soutien à cette résolution revient en fait à envoyer des fleurs aux terroristes, des fleurs qui seront peut-être un jour déposées sur la tombe d'une victime israélienne supplémentaire », a lancé Gillerman à la radio publique israélienne. (Lire ci-dessous). L'État hébreu accuse la France d'avoir joué un rôle particulièrement « hostile » contre Israël en adoucissant le langage du texte, ce qui facilita son adoption. Votée à une écrasante majorité, la résolution réclame la fin des violences entre Israël et les Palestiniens, dont les opérations militaires de Tsahal à Gaza et les tirs de roquettes palestiniennes sur le territoire israélien. La résolution demande également l'établissement d'une mission d'enquête sur l'action de l'artillerie israélienne, qui a tué dix-neuf Palestiniens, dont treize femmes et enfants, le 8 novembre à Beit Hanoun, dans le nord de Gaza. Israël reproche à la France d'avoir convaincu l'Allemagne, la Grande-Bretagne et la Pologne, qui avaient prévu de s'abstenir, de voter en faveur de la résolution. Mais surtout, des responsables israéliens, cités par les médias, s'étonnent que la France n'ait pas réclamé une enquête de l'ONU sur « l'utilisation systématique de la violence dirigée contre des civils, par les groupes terroristes palestiniens ». « La France est devenue l'ambassadeur des pays arabes au sein de l'Union européenne », s'emporte un diplomate israélien. Poussée de fièvre Hier, en Conseil des ministres, le premier ministre israélien Ehoud Olmert s'est abstenu d'invectiver directement la France. « C'est à ceux qui tirent systématiquement et depuis longtemps contre des civils israéliens, sans que les donneurs de leçons n'y voient une raison pour faire voter des résolutions à l'ONU pour les condamner, qu'il faut demander des explications », a affirmé Olmert. Mais l'allusion à la France « donneuse de leçons » est limpide pour les Israéliens. L'engagement de la France au sein de la Finul a jeté un froid sur le réchauffement entrepris par Ariel Sharon et Jacques Chirac en juillet 2005. À la veille d'une visite officielle en France, Sharon avait alors loué l'action des autorités françaises dans la lutte contre l'antisémitisme, après avoir appelé un an plus tôt les Juifs à fuir « l'antisémitisme sauvage » régnant, selon lui, dans l'Hexagone. Voici la France de nouveau jugée comme outrageusement proarabe. La poussée de fièvre antifrançaise s'est déclarée au lendemain du cri d'alarme lancé par le ministre français de la Défense, Michèle Alliot-Marie, le 8 novembre. Devant l'Assemblée nationale, Alliot-Marie avait révélé que des Casques bleus français avaient été « à deux secondes », le 31 octobre, de tirer des missiles sol-air sur des chasseurs-bombardiers israéliens qui avaient piqué sur leur position au Liban-Sud. Paris avait formellement protesté auprès d'Israël après ce simulacre d'attaque. « Nous avons invité les autorités israéliennes à une meilleure coopération, pour éviter ce genre d'incident», explique un diplomate français. De leur côté, «les Israéliens minimisent les faits et jugent que nous avons surréagi ». Israël a aussi eu du mal à digérer le ralliement de la France à une initiative de paix espagnole dans le dossier israélo-palestinien. Au lendemain de la défaite de Bush au Congrès, l'État hébreu redoute un réajustement de la position européenne au Proche-Orient. Israël a aussi eu du mal à digérer le ralliement de la France à une initiative de paix espagnole dans le dossier israélo-palestinien. Au lendemain de la défaite de Bush au Congrès, l'Etat Hébreu redoute un réajustement de la position européenne au Moyen Orient. «Nous craignions une érosion dans la position européenne vis-à-vis de l'Iran, de la Syrie, du Hezbollah et du Hamas», confirme un diplomate israélien. «Israël considère l'Italie et l'Espagne comme les nouveaux mauvais joueurs au sein de l'Europe, ajoute le diplomate français. Le gouvernement israélien a eu l'impression que cette initiative a été élaborée dans son dos et redoute que la France ne rejoigne l'axe italo-espagnol». La charge anti-française est perçue comme un acte d'auto-défense visant à rappeler Paris à l'ordre.