L'annonce de l'indépendance de l'Azawad vient de brouiller davantage les cartes au Sahel. Si pour le moment, la communauté internationale opte pour le rejet, il est lieu de noter des positions nuancées qui se manifestent, comme celle des Etats-Unis. La proclamation, jeudi, de l'indépendance de l'Azawad au nord du Mali par les rebelles Touaregs (Amazighs) est rejetée, unanimement, par les pays du Maghreb. Le Maroc, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, qualifie cette décision de «totalement inacceptable». Mieux encore, Saâdeddine El Othmani appelle tous les Etats de la région à «assumer leurs responsabilités pour traiter cette question». Même son de cloche auprès des autorités mauritaniennes, «le gouvernement de la République islamique de Mauritanie rejette catégoriquement la proclamation unilatérale d'indépendance de l'Azawad publiée ce matin" vendredi et réaffirme son attachement à l'unité, à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de la République sœur du Mali», indique un communiqué du chef de la diplomatie de Nouakchott. Contrairement au Maroc, la Mauritanie partagent 2500 kilomètres de frontières avec le Mali, dont une grande partie est constitué par l'Azawad. En Tunisie, c'est pratiquement le même ton, le pays de Moncef Marzouki «réaffirme son attachement absolu au principe du respect de la légitimité constitutionnelle et à la préservation de l'intégrité territoriale du Mali, ainsi qu'à sa sécurité et sa stabilité». Par ailleurs, cette crise malienne est du pain béni pour les autorités algériennes. Elle leur a donné l'occasion de régler des comptes avec certains pays concernant la Libye. Ahmed Ouyahya, le premier ministre, dans un entretien au quotidien Le Monde, dont le timing est tout sauf fortuit, a précisé que « Chaque fois qu'un acteur étranger joue un rôle essentiel, c'est un dérapage programmé, immédiat ou six mois plus tard : les exemples sont nombreux». Une allusion plus que transparente aux conséquences de la chute du régime de Kadhafi, longtemps soutenu par Alger. Et de conclure par «l'Algérie n'acceptera jamais une remise en cause de l'intégrité territoriale du Mali». Outre cette interview, la presse algérienne a fait d'un déplacement de Ahmed Ouyahya à Tamanrasset pour s'entretenir avec Ahmed Idabir, le chef suprême des tribus touaregs vivant dans la région de Hoggar. Le Congrès mondial amazigh pour le fédéralisme «Je n'arrive pas à comprendre les raisons du rejet de la proclamation d'indépendance de l'Etat d'Azawad par le Maroc et le reste de la communauté internationale. Je pense que c'est une décision légitime, sachant que le Nord du Mali a pâti, pendant des années d'une marginalisation systématique menée sous la dictature du lieutenant Moussa Traoré (1968-1991, ndlr) et qui, malheureusement, s'est poursuivie avec les civils», nous confie Khalid Zirari, vice-président du Congrès mondial amazigh. Optimiste, il croit que «l'indépendance de l'Azawad contribuera à favoriser le développement de cette région». A notre question de savoir si les Touaregs sauront imposer à la communauté internationale la reconnaissance de leur Etat, Zirari assure que ces «amis de l'Azawad se disent prêts aux négociations, lesquelles devraient conduire à l'instauration du fédéralisme. Au Congrès mondial amazigh, nous préconisons cette option non seulement à l'Azawad mais également au Maroc, en Algérie et en Libye». Les Américains cherchent un pied à terre La proclamation de l'Azawad est également refusée par les Etats-Unis. Une position exprimée par un simple porte-parole du département d'Etat, «nous rejetons la déclaration d'indépendance du MNLA (Mouvement national de libération de l'Azawad) et répétons notre appel à préserver l'intégrité territoriale du Mali». En France, c'est Alain Juppé, le chef de la diplomatie, qui s'est exprimée là-dessus. Washington ne souhaite pas brûler toutes ses cartes avec les Touaregs. Le très menaçant danger de AQMI y est pour quelques chose. Devant la débandade de l'armée régulière du Mali, les Touaregs de l'Azawad pourrait constituer l'ultime chance pour les Américains de stopper l'avancée de Al Qaida. Un arrangement autour d'une éventuelle base militaire américaine à Azawad n'est pas exclue. Washington cherche depuis des années un pied à terre en Afrique du nord pour ses soldats de l'AFRICOM, toujours stationnés à Stuttgart en Allemagne. Le Maroc et l'Algérie ont refusé d'accueillir ces unités, l'Azawad pourrait bien l'accepter.