Il y a un an presque jour pour jour, le 6 avril 2012, le Mouvement national pour la libération de l'Azawad (MNLA) a décidé de proclamer unilatéralement l'indépendance de l'Azawad, soit treize jours après que le coup d'Etat militaire qui a renversé le président du Mali, Amadou Toumani Touré (ATT). Cette auto-proclamation s'inscrit dans le droit fil d'une longue revendication des Touaregs du nord du Mali, regroupés au sein du MNLA, mais épuisés par cinq décennies de guerre. En proclamant l'indépendance de l'Azawad, ces derniers ont précipité la déstabilisation du Mali et contribué à sa désintégration. Cependant, quelques semaines après, des groupes d'obédience islamistes, notamment AQMI et le MUJOA ont surgi sur la scène et ont pris d'assaut la région, se heurtant aux combattants de l'Azawad. Ils les ont tout simplement supplantés et marginalisés. Le Nord du Mali n'était pas simplement soumis à la revendication indépendantiste des Touaregs, mais placé sous la férule islamiste qui, de ravages à en assassinats, a mis la main sur la région tout entière. Il n'est pas jusqu'à Bamako, après Goa et d'autres villes, qui n'aient été menacées d'une occupation islamiste et de violences. « Il ne faut pas se tromper sur la nature de ces bandes armées. Elles sont puissantes. Elles sont riches et bien armées. Elles disposeraient de quelques milliers d'hommes, prêts, s'ils le décident, à descendre sur Bamako, la capitale du Mali. Elles ont bénéficié d'un afflux d'armes et de combattants en provenance de Libye » . Ce propos , publié par « Le Monde », témoignait d'une inquiétude répandue d'une capitale à l'autre, et nourrissait pendant des mois un débat insolite sur l'impératif d'une intervention armée au Mali. Le pilier à cinq têtes… Aussi, dans le souci d'éclairer l'opinion publique, la Compagnie Méditerranéenne d'Analyse et d'Intelligence Stratégique (CMAIS) vient de nous gratifier d'un document d'une trentaine de pages, intitulé « Les enjeux du conflit de l'Azawad » ! Il ne faut pas se tromper de situations, en effet, parce que l'Azawad constitue un problème géopolitique de plus de quarante ans. Population minoritaire, les Touareg sont « a contrario » implantés sur un territoire immense qui du Tchad, au Mali, au Niger, voire en Algérie et en Libye. Leur présence dans les régions de ces pays respectifs forme ce qu'on appelle le pilier à cinq têtes. Ils ont été victimes des partages arbitraires menés par les colonisateurs qui, crayon en main, avaient taillé et refait les cartes à leur guise. Ils sont ainsi dispersés et victimes de la politique des Etats qui les ignorent. Au Mali, l'Azawad est constitué de trois régions du nord : la région de Kidal ; la région de Tombouctou où les sultans Sâadiînes du Maroc avaient bâti d'importants monuments – détruits l'année dernière par les terroristes d'Al-Qaïda – , enfin de la région de Gao, sur laquelle se sont acharnés les islamistes, terrorisant, massacrant et violant les populations. Il reste qu'une certaine confusion préside à l'appréhension de la crise malienne et que la question des Touaregs – donc de l'Azawad – relève d'une problématique éthnico-politique. La dimension islamiste est venue seulement après se superposer sur une revendication nationalitaire que le colonel Kadhafi, dans sa perfide volonté de fédérer les groupuscules et mettre à son profit leurs frustrations, a repris à son compte. Il a utilisé les Touaregs, les a enrôlés dans son armée et les a dressés contre le pouvoir central malien. Olivier Roy , spécialiste du monde arabo-musulman témoigne à ce propos : « Un second problème, qui va bien au-delà du Mali, est la radicalisation religieuse de mouvements qui sont avant tout ethno nationalistes. Les mouvements touareg étaient représentés par des groupes plutôt séculiers – comme l'est le Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), à l'origine de la révolte –, mais ils se sont faits doubler par des mouvements salafistes, qui sont aussi touareg, comme Ansar Eddine, qui mettent en avant la mise en œuvre de la charia et la construction d'un émirat islamique, qui comme par hasard occupe de fait les zones revendiquées par les mouvements nationalistes » ! La nouvelle donne Le document du CMAIS nous rappelle avec intérêt que ces « divers mouvements présents dans l'Azawad profitent du vaste espace démilitarisé que leur fournit le désert pour s'adonner à toutes sortes de trafic : drogues, cigarettes, trafic d'armes, enlèvements, escorte de trafiquants...qui leur permettent de financer leurs opérations( ...) Les salafistes font également office de transitaires vers les pays du Maghreb et par la suite vers l'Europe, prélevant au passage un impôt sur le transit... ». Le coup d'Etat au Mali, la déconfiture de l'armée malienne face aux rebelles du nord, l'entrée en lice des salafistes, Ansar Eddine , AQMI et le MUJOA ont changé la donne du conflit malien, menaçant et sa stabilité et son intégrité territoriale. Fin juin 2012, le MNLA n'était plus en position de force, ni le « libérateur » du nord, il perdait le contrôle total de ses territoires conquis, au profit de mouvements des trois mouvements salafistes, qui étaient aux yeux des Occidentaux plus des « bandes criminelles » que des combattants... C'est en janvier 2013, le MNLA souhaite être le « seul rempart contre les groupes salafistes et par conséquent être un interlocuteur fiable et convainquant, pour les futures négociations avec le pouvoir central de Bamako ». Le document du CMAIS est une véritable présentation kaléidoscopique du conflit de l'Azawad, de ses acteurs, grands et petits, des groupes en confrontation, des moyens déployés, des hommes qui font son actualité... On y trouve les éléments d'analyse d'un contexte complexe qui nous interpelle et d'une menace qui se profile à nos portes : la déstabilisation géopolitique.