Aux Pays-Bas, plusieurs Marocains se sont heurtés à l'impossibilité de rapatrier les corps de leurs proches pour un enterrement au Maroc. En attendant la levée de la fermeture des frontières, ils se mobilisent pour trouver des solutions alternatives, en soutenant notamment les plus démunis pour inhumer leurs morts dans des tombes éternelles. La pandémie du nouveau coronavirus condamne les Marocains résidant à l'étranger, à une double peine : perdre un être proche et ne pas pouvoir exhaucer sa dernière volonté, celle d'être inhumer dans sa terre natale. Comme pour les cas des Marocains de France, ceux des Pays-Bas se trouvent aujourd'hui entre l'enclume et le marteau. C'est le cas notamment de Hanane Abdellaoui, dont le père, âgé de 80 ans, est décédé le 10 mars. Dans une déclaration au média néerlandais NOS, elle confie que son parent «a été enterré à Nuenen, à son grand chagrin», car son souhait était d'être inhumé au Maroc. Sa dépouille est restée pendant dix jours, à la morgue de Schiphol, avant que sa famille abandonne tout espoir. «Il a payé toute sa vie une assurance pour organiser le rapatriement» de sa dépouille, confie Hanane, encore attristée par la perte de son père. Sa sœur Souad, qui vit à Marrakech, s'est envolée, plus tôt en mars, pour Berkane avec d'autres membres de la famille pour assister aux funérailles, avant que la décision d'interdiction des vols ne soit tombée. «Mon père aimait tellement le Maroc qu'il y allait très souvent et y restait longtemps», a déclaré Souad à Yabiladi. «En grandissant, mon père nous disait que dès que nous serions autonomes et indépendants, il retournerait au Maroc, même si sa maladie ne le permettrait pas. Il rêvait de retourner à la terre de ses ancêtres mais cela n'arrivera plus.» Souad Aux origines de la galère des Marocains des Pays-Bas Sahil Achahboun est membre de «Samenwerkingsverband Marokkaanse Nederlanders», une association maroco-néerlandaise. Contacté par Yabiladi, il confie que «la situation est très complexe pour beaucoup de gens en ce moment. Ce sont des moments difficiles à cause du virus, en particulier pour les personnes qui ne peuvent pas rapatrier leurs proches au Maroc». Il ajoute que c'est un voeux «qu'ils ont préparé toute leur vie. C'est très important pour les Marocains de première génération». «Ils veulent être enterrés dans des tombes éternelles, conformément à la tradition musulmane, contrairement à celles des Pays-Bas qui sont des concessions de 10, 20 ou 30 ans.» Sahil Achahboun De plus, même si les Pays-Bas disposent de cimetières pour les musulmans, l'associatif estiment qu'ils sont en «nombre insuffisant pour l'ensemble de la population musulmane», constituée essentiellement de Marocains et de Turcs. De son côté, Aicha, employée d'une entreprise de pompes funèbres aux Pays-Bas évoque aussi ce point. «Les tombes éternelles sont très chères», complète-t-elle, en précisant que le prix varie entre 8 500 et 12 000 euros pour une tombe de ce type. «Les Marocains sont remontés contre le gouvernement marocain parce qu'il ne veut pas rapatrier les dépouilles de leurs proches. La Turquie, par exemple, accepte le rapatriement des corps de leurs ressortissants décédés aux Pays-Bas.» Aicha La mobilisation des MRE pour des solutions temporaires Noureddine El Ouali, co-fondateur de Nida, parti local musulman à Rotterdam et membre de la municipalité, revient de son côté, sur la mobilisation des MRE ces derniers années pour trouver une solution. «Nous avons consulté les Marocains qui veulent investir pour être inhumé ici aux Pays-Bas. Auparavant, les moyens n'étaient pas disponibles», déplore-t-il. Il rappelle que «la génération de Marocains nés ici a des idées différentes de leurs parents» qui insistent pour être inhumés dans leurs régions natales. «Ces Marocains de deuxième et troisième générations estiment qu'ils peuvent être enterrés aux Pays-Bas étant nés ici, mais seulement si l'enterrement se fait en respect de la religion», rappelle-t-il. Après avoir pris contact dans le passé avec la municipalité de Rotterdam pour trouver un lot de terrain à acheter et à exploiter, les prix contrainderons les musulmans de cette ville à abandonner le projet. Toutefois, avec la situation actuelle et la fermeture des frontières du Maroc, la donne a changé. «Nous nous sommes mobilisés et nous avons trouvé les moyens. Pour le court terme, nous avons accepté de prendre un lot réservé aux musulmans dans le cimetière mixte de Rotterdam.» Nouredine El Ouali Ainsi, face au problème de la durée de vie «limitée» de ces lots, le politique annonce qu'une loi sortira bientôt pour «permettre à ceux qui le souhaitent d'acheter une tombe pour une longue période». «Ils seront soutenus par la municipalité, qui aidera aussi les familles nécessiteuses en prenant en charge le quart du coût», assure-t-il. Quant aux moyen et long termes, les musulmans de Rotterdam «militent toujours pour disposer d'un cimetière propre aux musulmans et la municipalité promet de proposer des localisations pour choisir», indique-t-il. Mieux encore, la situation actuelle a poussé la mairie de Rotterdam à revoir les conditions d'inhumation. «Dès janvier 2021, il sera possible d'être enterré indéfiniment dans un cimetière municipal de Rotterdam», écrit le média AD. Fort de cet appui des autorités locales, la communauté musulmane se mobilise aussi pour soutenir ceux ne pouvant pas se permettre ce genre de service, explique Aicha. «Des organisations ont aussi commencé à collecter des fonds pour mettre en place le premier grand cimetière réservé aux musulmans. Cette pandémie a remis le problème en première ligne», se félicite, de son côté, Sahil Achahboun. Article modifié le 2020/04/10 à 18h09