Les musulmans vivant en Alsace (est de la France) peuvent désormais enterrer leurs morts dans leur propre cimetière, construit avec un financement des pouvoirs publics, et inauguré lundi à Strasbourg, une première en France, où l'Etat ne finance pas les religions, ni les lieux de culte ou funéraires. Sur une population totale de 270.000 habitants, la cité alsacienne compte quelque 20.000 musulmans. La communauté turque est la plus importante avec près de 7.000 personnes, suivie par les communautés marocaine (6.000), algérienne (2.500 personnes) et tunisienne avec moins de 1.000 personnes. Jusqu'à présent, les musulmans avaient deux possibilités: rapatrier les dépouilles mortelles vers le pays d'origine ou les ensevelir dans un des huit coins réservés à cette religion, dits «carrés musulmans», dans les cimetières publics à majorité chrétiens de la ville de Strasbourg. Mais ces espaces arrivaient à saturation depuis plusieurs années. D'où la nécessité de doter la ville d'un cimetière musulman à part entière que seule Strasbourg, en raison du statut particulier de la région Alsace-Lorraine dans le domaine religieux, pouvait se permettre. Très attendu par la communauté musulmane, ce projet a été rendu possible, en effet, grâce au statut du Concordat (accord entre l'Etat et le Vatican) en vigueur en Alsace et dans le département de la Moselle, qui en fait la seule région de France où la loi sur la laïcité prônant la séparation de l'Eglise et de l'Etat, ne s'applique pas. De ce fait et grâce aux bonnes dispositions du maire socialiste de Strasbourg, M. Roland Ries, un militant de la cohabitation entre les cultures et les religions pratiquées par ses administrés, la mairie a débloqué en 2009, un budget de 800.000 euros pour la construction de ce cimetière confessionnel en collaboration avec le Conseil Régional du Culte Musulman (CRCM). De plus, la gestion du cimetière sera assurée sur fonds publics par la municipalité. Ce cimetière «honore les obligations du rite musulman», indique-t-on auprès de la mairie où on insiste sur le respect des rituels. Le plan général du cimetière se développe selon une orientation Sud-Sud-est en direction de la Mecque (Qibla). Le site permet d'accueillir à terme sur 1,25 ha d'emprise un millier de sépultures avec inhumations possibles sur 2 niveaux. Une extension est prévue le cas échéant. Les services de la ville de Strasbourg estiment que le nombre annuel de personnes inhumées dans les carrés musulmans est passé d'»une vingtaine dans les années 90 à une quarantaine dans les années 2000». «Cela démontre l'évolution des pratiques des familles lesquelles souhaitent de plus en plus inhumer leurs défunts sur le sol français», expliquent les responsables du projet.