Un «scandale du siècle», une «affaire juridique grave», des pratiques qui «violent la Constitution et la Loi»,… les qualificatifs pleuvent dans la bouche des militants des droits du consommateur et de lutte contre la corruption suite à nos révélations sur les procès expéditifs au tribunal de première instance de Casablanca. Les révélations de Yabiladi sur l'industrialisation de la justice et la privatisation du Tribunal de première instance de Casablanca a choqué particuliers, entreprises, professionnels du droit, mais aussi les ONG de défense des consommateurs. Ces dernières fustigent une atteinte aux droits du consommateur, annonçant même la saisie des autorités compétentes pour enquêter sur les révélations. Ainsi, Bouazza Kherrati, président de la Fédération marocaine des droits des consommateurs (FMDC), contacté par Yabiladi, confirme avoir «reçu des plaintes de certains consommateurs lésés notamment dans la région à Marrakech». «Le dossier est complexe, raison pour laquelle notre fédération a mandaté un expert pour l'analyser», nous explique-t-il. «Je peux vous dire que c'est l'affaire du siècle au Maroc, du point de vue juridique», ajoute-t-il, en appelant à ce que la justice soit «traitée comme un service accordé aux citoyens» et qu'elle soit «incluse, comme tout autre service, dans le cadre de la Loi n°31-08 édictant des mesures de protection du consommateur, même en respectant sa primauté». «Nous nous interrogeons sur la cadence des constats des huissiers dans une seule et même journée. Ont-ils des pouvoirs magiques ? Mais je laisserai l'expert que nous avons mandaté répondre à cette question. Nous réagirons bien évidemment par communiqué dès la réception de ses conclusions.» Bouazza Kherrati Et le président de la FMDC d'émettre le souhait que ces révélations puissent être «l'occasion de rompre avec ces pratiques afin que la justice soit à la hauteur attendue par les citoyens et au service de celui-ci». Une affaire juridique «grave» Pour sa part, Ouadie Madih, président de l'association de protection du consommateur Uniconso, et secrétaire général de la Fédération nationale des associations des consommateurs au Maroc (FNAC), déclare aussi avoir été saisi concernant cette affaire. «Nous avons reçu un appel d'une victime puis un mail il y a deux semaines et nous avons alors commencé nos investigations», précise-t-il, en notant que son ONG a «remis tous les éléments à [ses] experts juridiques» puis saisi la FNAC. «Effectivement, il s'avère qu'il y a un grave problème. Des consommateurs se trouvent ainsi dans des situations délicates dès lors qu'ils reçoivent des jugements lors de procès dont ils ignoraient l'existence, lors d'audiences auxquelles ils n'ont même pas été convoqué», dénonce-t-il. Pour le responsable d'Uniconso, «il y a quelque chose qui ne va pas lorsqu'on convoque des personnes habitant dans une autre ville en leur envoyant ces convocations à de fausses adresses à Casablanca». «Ce n'est plus une affaire de recouvrement, mais une affaire juridique grave. Car, 1800 dossiers instruits en un jour c'est inimaginable et inconcevable.» Ouadie Madih, Uniconso - FNAC Transparency Maroc pourrait porter plainte Une réunion du bureau de la FNAC s'est tenue hier, mercredi. «Nous sortirons un communiqué sur cette affaire et saisirons toutes les instances concernées, notamment le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ), le ministre de la Justice et la présidence du Parquet général», a-t-il déclaré. «Ce n'est pas normal que ce genre de pratiques qui violent la Constitution, la Loi et les droits du consommateur persistent», conclut le secrétaire général de la FNAC. De son côté, Ahmed Bernoussi, président de l'association Transparency Maroc, promet de réagir à cette affaire. «Nous avons pris connaissance des révélations des médias sur cette affaire. Il y aurait certainement un communiqué de notre association au cours des prochains jours», déclare-t-il. Interrogé sur une éventuelle plainte de son ONG, reconnue d'utilité publique, Ahmed Bernoussi a temporisé. «Nous allons étudier» ce dossier, a-t-il réagi en rappelant que l'association «ne peut porter plainte que si certaines victimes le font». «Nous ne pouvons pas prendre l'initiative, car la réglementation ne le permet pas», précise-t-il. «Nous sommes en train de discuter, dans nos instances, de la réaction appropriée», conclut le président de Transparency Maroc.