Participant mercredi à une rencontre tenue au siège de l'USFP, le ministre de la Justice Mohamed Benabdelkader a estimé que le débat sur l'enrichissement illicite était réducteur par rapport à la question de la réforme pénale. Pour lui, son traitement reflète un «populisme judiciaire». Mercredi au siège de l'Union socialiste des forces populaires (USFP), à Rabat, le ministre de la Justice a dit tout le mal qu'il pensait des textes de loi relatifs à la criminalisation de l'enrichissement illicite, ainsi que de la manière dont le débat ce sujet est posé. Intervenant au sein de son parti, il a en effet estimé que centrer le débat relatif à la réforme du Code pénal sur cette question uniquement est «un populisme judiciaire». Pour Benabdelkader, seul l'article 83 évoque l'enrichissement illicite, sur un Code pénal qui en compte 600 «et non pas 83 justement». De ce fait, il estime qu'un débat portant principalement sur un seul texte est réducteur. Etablissant un lien avec la criminalisation de l'enrichissement illicite, le ministre a affirmé que le renforcement d'un réel modèle du développement ne peut se faire sans la consécration d'une paix judiciaire, qui ne passerait pas, selon lui, par la forme actuellement donnée au débat. Dans son plaidoyer, le ministre invoque même la place de l'investissement étranger et de la confiance économique, par rapport à la polémique qu'a suscitée la question de criminaliser l'enrichissement illicite. «Un investisseur sensé ne peut pas investir dans un pays où la sécurité judiciaire est absente», tranche Benabdelkader. Et d'ajouter que «la justice exige un Etat fort pour mettre en œuvre des décisions judiciaires contraignantes, sans lesquelles la confiance et la légitimité seront sapées». L'USFP, de défenseur de la magistrature à celui de l'impunité des administrations Un discours populiste sur la déclaration du patrimoine Après moults controverses, la mouture du texte approuvée par la majorité des parlementaires n'a pas inclus de mesures de privation de liberté. Ce vote s'est fait quelques mois après leur adoption de l'article 9 du PLF 2020, qui rend optionnelle l'application des décisions de justice en défaveur des administrations publiques. Dans ce contexte, Benabdelkader s'est demandé pourquoi la criminalisation de l'enrichissement illicite «n'est incluse que dans un seul article du Code pénal, au lieu qu'elle ait une loi spécifique, comme est le cas Tunisie et en Jordanie». Le ministre va jusqu'à avancer que la situation traduit «l'absence d'une vision claire de la politique pénale», ce qui contraste considérablement avec ses précédentes prises de position sur la question. En janvier dernier, le ministre de la Justice avait en effet suggéré une généralisation de la déclaration du patrimoine comme moyen de lutte contre l'enrichissement illicite. Avant de se rétracter en supprimant le Tweet à ce sujet, il a évoqué l'idée d'élargir cette obligation à des travailleurs du privé, sans pour autant débattre d'un cadre législatif permettant de lutter efficacement contre la corruption dans ce secteur. Déclaration généralisée du patrimoine : «Une fuite en avant» de Mohamed Benabdelkader «La déclaration des biens ne devrait pas se limiter à la fonction publique ou aux élus. Les journalistes, responsables de médias, d'associations, de partis ou de syndicats devront également s'y plier, au même titre que les responsables de sociétés d'Etat», a-t-il écrit. Ce point de vue a fait tâche alors que les parlementaires s'exprimaient justement contre la pénalisation des fraudes financières des élus via l'enrichissement illicite. Il a également été donné, au lendemain de la tenue d'une conférence nationale sur la question, sous les auspices de l'Association marocaine de protection des biens public (AMPB). Code pénal : L'emprisonnement écarté des sanctions prévues pour l'enrichissement illicite ? Dans le temps, son président Mohamed El Ghelloussi a considéré auprès de Yabiladi que «le ministre sous-entend que les militants associatifs, les syndicalistes et les journalistes pourraient toucher des pots-de-vin et il leur dit en gros "si vous nous demandez des comptes, rendez les vôtres aussi"».