La profanation du drapeau marocain lors d'une manifestation organisée samedi à Paris continue de susciter l'indignation au Maroc. Plusieurs politiques, associatifs et proches du Hirak du Rif ont condamné un «acte irresponsable» qui ne manquera pas d'«entraver» le règlement du dossier des détenus politiques. Depuis dimanche, l'heure est à l'indignation, notamment sur les réseaux sociaux, au lendemain d'une manifestation pro-Hirak à Paris, lors de laquelle le drapeau national a été profané. En effet, durant la marche du samedi 26 octobre à Paris pour commémorer le troisième anniversaire du décès de Mohcine Fikri, l'emblème national a été piétiné puis brûlé par des participants. Ces derniers ont réclamé «l'indépendance du Rif» et brandi des drapeaux de la république du Rif. Dimanche, cette atteinte au drapeau national a fait réagir les familles des détenus du Hirak. Contacté par Alyaoum 24, Ahmed Zefzafi, père du leader du Hirak Nasser Zefzafi, s'est interrogé sur «les raisons» de brûler le drapeau national par «ces personnes». «Il faut qu'on sache d'où elles viennent et qui les envoie. Nous devons aussi nous interroger sur ceux qui sont apparus après l'arrestation des activistes, ceux qui les envoient et ceux qui les payent», déclare-t-il au média. Ahmed Zefzafi a également insisté sur le fait que «le Rif n'est pas séparatiste», rappelant que la région «a unifié les Marocains lors de la manifestation à Rabat». De son côté, Mohamed Ahamjik, frère de Nabil Ahamjik, a affirmé sur sa page Facebook que «ceux qui ont brûlé le drapeau à Paris ne font pas partie du Hirak». «Ils n'ont rien à voir, de près ou de loin, avec le Hirak et ses justes revendications, ni même avec ses détenus innocents», a-t-il ajouté. Un acte dénoncé de part et d'autre L'atteinte au drapeau national a également fait réagir certains milieux, à commencer par celui des Marocains du monde. Le Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME) a condamné, dimanche dans un communiqué, ces agissements. «Cet acte "enfantin et lâche" est une "atteinte grave à l'un des symboles de la souveraineté nationale et à la dignité des Marocains" aussi bien dans le royaume qu'ailleurs», dénonce-t-il, fustigeant un «comportement barbare» qui «nuit à des générations de Marocains et Marocaines, du nord comme du sud du royaume, qui ont consenti à d'immenses sacrifices pour l'indépendance du Maroc, l'unité de ses terres ainsi que pour son progrès et son développement». De son côté, le Conseil fédéral maroco-allemand a fustigé, dans un communiqué, des «actions d'un groupe de séparatistes affiliés au mouvement du Hirak et hostiles à l'intégrité territoriale du Royaume du Maroc», déplorant des «actes irresponsables». La profanation du drapeau national a également fait réagir la sphère politique. Amina Maelainine, parlementaire du Parti de la justice et du développement (PJD), a affirmé sur sa page Facebook que «ceux qui commettent des actes aussi mineurs cherchent à perpétuer la congestion et à entraver tous les efforts pour trouver un moyen de régler le dossier des détenus du Hirak du Rif». «La lutte a besoin d'une maturité, d'une intention sincère, d'un esprit national qui connaisse le sens de la patrie et d'une tendance humaniste qui n'investisse pas dans la souffrance du peuple», a-t-il ajouté. Salah El-Ouadie, président du mouvement politique Damir et membre de l'Initiative civile pour le Rif, a affirmé de son côté : «S'ils sont Marocains, alors ils ont brûlé leur peau avec ce drapeau.» Un coup dur pour les tentatives de régler le dossier ? De son côté, Hassan Bennajeh, membre du cercle politique du mouvement Al Adl Wal Ihsane, a déclaré que «si l'Etat avait un esprit prospère, il n'hésiterait pas à choisir le moment pour s'alléger du lourd dossier des détenus du Hirak» pour les relâcher immédiatement. Critiquant des «actes d'empoisonnement» et les tentatives de certains de surfer sur cette vague, il a qualifié la profanation du drapeau national d'«incident suspect, isolé et condamnable». Pour sa part, Cheikh Mohammed Fazazi, connu pour ses positions contre le Hirak, a affirmé que cette «poignée de personnes (…) ne représente ni le Rif ni les Rifains». Dénonçant un «comportement juvénile» et traitant ses instigateurs de «traîtres», il affirme que ces personnes «ne veulent pas libérer les prisonniers des manifestations». Mohammed Fazazi ne manque cependant pas de critiquer Nasser Zefzafi, faisant le lien entre l'atteinte du drapeau national et la «réclamation officielle» de la déchéance de nationalité marocaine, émise par six détenus du Hirak, dont son leader. Le politologue et professeur universitaire Omar Cherkaoui a estimé, quant à lui, que cet acte n'est «ni de l'héroïsme, ni de la victoire». «Il est l'apogée de la futilité et de l'insouciance», dénonce-t-il, qualifiant de «chimérique» le fait de penser «que le drapeau marocain appartient à un juge, à un ministre, à un gouvernement ou à une personne». «Ne laissez pas votre haine vous aveugler et ne transformez pas la cause de ces jeunes en un bois de chauffage pour vos rêves et votre utopie», conclut-il. Enfin, le journaliste marocain originaire d'Al Hoceima, Mohammed Ahaddad considère que «ceux ayant brûlé le drapeau marocain à Paris ont également brûlé toutes les nobles initiatives visant à tourner cette page douloureuse et à trouver une issue à ce dossier». «Ce sont des actions lâches qui ne sont liées ni au Rif, ni aux Rifains», conclut-il.