Dans cette série, Yabiladi revient sur les grands lieux de pèlerinage juif au Maroc, visités annuellement par des milliers de fidèles et de curieux. Dans ce dix-neuvième épisode, nous partons à la découverte du cimetière juif d'Errachidia avec l'histoire de Rabbi Yahia Lahlou, Rabbi Moul Tria et Rabbi Moul Sedra. La tombe de Rabbi Moul Sedra, dans le cimetière juif situé au nord d'Errachidia. / Ph. Diarna La tombe de Rabbi Yahia Lahlou, dans le cimetière juif situé au nord d'Errachidia. / Ph. Diarna Sur la route nationale n°13, reliant Errachidia à Rich, dans l'Oriental marocain, les juifs de la région avaient choisi, il y a plusieurs siècles, d'installer un cimetière propre à eux. Dans ce coin reculé, plusieurs tombes luttent toujours contre l'érosion et le changement climatique. Mais en réalité, il s'agit, en fait, de deux cimetières bien séparés. «Dans la première, peu de tombes du début des années 1900 étaient en bon état : beaucoup ont été soit détruites par la nature, soit complètement profanés par des enfants de la région», raconte l'anthropologue socioculturelle Aomar Boum, né au Maroc. Quant au deuxième, se distinguant par «une grande porte verte, décorée de hannukiot» (chandelier), il accueille principalement trois tombeaux de tzaddikims : Rabbi Yahia Lahlou, Rabbi Moul Tria et Rabbi Moul Sedra. Le très furieux Rabbi Yahia Lahlou Selon l'anthropologue socioculturelle, qui cite les traditions locales, ces trois saints seraient tous arrivés au Maroc, ou du moins pour le cas de Rabbi Yahia Lahlou, à l'époque de la destruction du Premier Temple de Salomon, en Jérusalem, en 587 avant av. J.-C. Si cette période de l'histoire fait référence aussi à une immigration de juifs vers d'autres pays, notamment le Maroc, on ignore les raisons pour lesquelles Rabbi Yahia Lahlou s'installe précisément à Errachidia avant d'y mourir et d'y être enterré. La tombe de Rabbi Yahia Lahlou. / Ph. Diarna «Mon beau-père, ayant vécu 100 ans, m'avait raconté l'histoire de Rabbi Yahia Lahlou et des deux autres tzaddikims», raconte dans une vidéo datant de plusieurs années Yakout Abbou, une Marocaine de confession juive. Depuis le cimetière juif d'Errachidia, et plus précisément la partie réservée aux trois saints, elle raconte l'histoire du premier, telle qu'elle l'avait entendue. «Lorsque les juifs avaient su qu'il (Rabbi Yahia Lahlou, ndlr) s'agissait d'un tasdik, ils avaient construit un temple. Le lendemain, il était détruit. Les juifs avaient alors accusé les musulmans», rapporte-t-elle. Les musulmans de Ksar Souk - l'ancien nom de la ville -, étonnés des accusations qu'ils avaient catégoriquement réfutées, invitent ainsi leurs voisins juifs à «tout reconstruire et monter une garde, la nuit, pour surveiller les lieux. «Le lendemain aussi, la construction était rasée. Ils avaient compris que le tasdik n'avait pas apprécié qu'on construise ce bâtiment sur sa tombe», explique Yakout Abbou. D'ailleurs, selon les récits, certains juifs avaient à l'époque fait le même rêve du tasdik leur déclarant que ceux voulant effectuer un pèlerinage pouvaient le faire sans construction. Rabbi Moul Sedra. / Ph. Diarna Une tombe qui s'illumine et un saint «jaloux» Le pèlerinage de la tombe de Rabbi Yahia Lahlou commence alors. Après quelque temps, les musulmans informaient alors les juifs que les vendredis après-midi, après la prière de Laasr, une sorte de «lampe commence à illuminer la tombe avoisinant celle de Rabbi Yahia Lahlou. Une lampe qui descend du ciel», raconte la Marocaine dans un darija mélangé de prières en hébreu. Les juifs, y voyant un miracle, décident alors d'inclure cette deuxième tombe dans le pèlerinage aussi, en donnant le nom de «Rabbi Moul Tria» à ce tasdik, qui restera ainsi un saint inconnu. C'est aussi de la même manière qu'une troisième tombe sera incluse aussi dans ce pèlerinage. Enrobée par les branches d'un arabe (sedra), les juifs n'arrivaient pas à distinguer que celui-ci cachait une sépulture. «Ils commençaient aussi à faire le même rêve: le tasdik venait leur dire qu'ils passaient près de l'arbre, sans lui rendre visite. Il leur aurait informé qu'il était, de son vécu, un hakham.» Yakout Abbou En racontant cette dernière histoire, Yakout Abbou, penchée sur la tombe de Moul Sedra, affirmait spontanément avoir «eu la chair de poule». Rabbi Moul Sedra. / Ph. Diarna Et ce n'est pas la seule histoire liée à ce mystérieux saint. Selon le billet écrit par un Juif sur le blog Jewish Morocco, l'arbre du tasdik «était habillé avec toutes sortes de vêtements pour femmes». Apparemment, «les femmes de la région pensent que se baigner sur une tombe juive protège ou guérit [ce qui explique] les vêtements si proches de la Moul Sedra». Une version confirmée par Tablet Mag, qui assure que «les visiteurs de la région d'Errachidia au sud du Maroc, également connus sous le nom de Ksar Souk, remarqueront des piles de vêtements, des poils, des chaînes et parfois des soutien-gorge et des sous-vêtements féminins sur un arbuste» près de la tombe de Moul Sedra. A en croire la plateforme Diarna, les pèlerins arrivent généralement de Kerrandou, au Nord d'Errachidia après la visite d'une synagogue dans ce village, avant d'effectuer leur pèlerinage sur les trois tombes de Rabbi Lahlou, Rabbi Moul Tria et Rabbi Moul Sedra.