Quel point commun entre les 10 plaies d'Egypte et les 10 plaies de Casablanca ? Si on écoute de nombreux Casablancais, la réponse est évidente : l'apocalypse. La ville ogresse n'a jamais laissé indifférente ses habitants, mais ces dernières années, beaucoup de voix appellent à un peu plus de douceur pour que Casa redevienne la Blanche. Cette série d'articles propose une plongée dans les méandres d'une cité partagée entre crimes et châtiments. Voilà bien une pratique qui transcende les classes sociales, et dont personne ne pourrait dire qu'il ne s'en est jamais plaint : les cafés et restaurants dont les terrasses se vautrent sur les trottoirs, obligeant les badauds à en descendre et à côtoyer les voitures sur l'asphalte. Ou quand l'occupation du domaine public devient anarchique, pour ne pas dire illégale. «Il y a bien une réglementation, mais elle n'est pas appliquée, soit pour des raisons électoralistes ou d'incompétence. Pour moi, ce sont les seules explications», estime Ahmed Hamid Chitachni, coadministrateur de la page Facebook «Save Casablanca», qui se demande bien «comment les personnes à mobilité réduite ou les mères avec poussette parviennent à se déplacer» dans de telles conditions. «Pas besoin de sortir de Polytechnique pour trouver des solutions !» Par occupation illégale du domaine public, il faut aussi comprendre commerce informel. Les habitants pointent du doigt ces vendeurs, les accusant d'être la source de déchets et d'ordures qui jonchent les rues de Casablanca. Pour se défendre, ces derniers plaident leurs conditions de travail difficiles, dans un pays où le taux de chômage officiel frôle la barre des 10% (9,8%, pour être précis). Ils réclament auprès des autorités compétentes de leur fournir des magasins appropriés afin de pérenniser leurs emplois et rendre leur commerce formel. «On laisse les marchands ambulants pour assurer le maintien de la paix sociale», croit savoir Ahmed Hamid Chitachni. «Pourquoi ne pas réaménager l'ancien marché de gros à Casablanca pour donner de l'espace à ces marchands, avec une patente ? Ils pourraient travailler dignement, sans être les occupants illégaux d'un espace public», suggère-t-il. «Pas besoin de sortir de Polytechnique pour trouver des solutions !» Pour Ahmed Hamid Chitachni, cette urbanisation sauvage s'explique surtout par l'absence d'une vision sociale sur le long terme. «Il n'y pas un Casablanca, mais des Casablanca. Les communes ne se ressemblent pas : chacune a ses problématiques et les solutions qui s'y réfèrent.» Lueur d'espoir ? Un avant-projet de loi publié le 20 février dernier prévoit une refonte globale du cadre juridique de l'occupation du domaine public, alors que l'actuelle loi remonte à… 1918. Son caractère désuet n'est donc plus à prouver. En effet, les dispositions de la loi ne sont plus en adéquation avec «l'évolution économique, sociale et la promotion de l'investissement», reconnaissait le ministère de l'Equipement, du transport, de la logistique et de l'eau auprès de Médias 24. La nouvelle mouture prévoit notamment de renforcer les conditions d'octroi des autorisations et de lancer un appel à la concurrence, des autorisations directes pouvant être délivrées à titre exceptionnel. Ahmed Hamid Chitachni ne cache pas son scepticisme : «Les communes n'ont pas su gérer ce domaine public.» Et quand bien même elles parviennent à faire déguerpir quelques occupants trop prompts à s'étaler, «le problème finit toujours par revenir !» Pas de quoi rassurer les badauds. Les occupants, eux, vont encore pouvoir dormir sur leurs deux oreilles…