En mai dernier, le sportif Karim Mosta qui vit entre le Maroc et la France a commencé un périple qui l'a mené de Casablanca à La Mecque. En tout, il aura parcouru 7 626 kilomètres à vélo en trois mois et six jours, en passant par douze pays et en ne s'autorisant que 13 jours de repos. Ce mardi, il vient de terminer son pèlerinage et il revient sur ce voyage auprès de Yabiladi. Comment est née l'idée chez vous de faire ce périple ? Avant d'entreprendre ce tour, j'ai fait de la course à pieds, de la natation, de la boxe. En 38 ans, j'ai couru le Marathon des sables et remporté deux coupes du monde d'ultra-Marathon et plus de 165 raids dans 135 pays, j'ai bouclé cinq fois le tour du globe et couru 217 000 kilomètres au total. J'ai donc traversé plusieurs routes à travers le monde. Mais il me manquait d'effectuer une traversée qui me permettrait d'arriver à La Mecque car c'était important pour moi d'y faire le pèlerinage un jour. Comme j'ai fait toutes les routes à pieds, j'ai pensée à faire ce voyage à vélo pour boucler ma carrière sportive, d'autant plus que personne ne l'a encore fait avant moi. C'est un périple qui joint l'utile à l'agréable, avec son aspect d'endurance physique, mais aussi spirituel et culturel, puisqu'il m'a permis de découvrir des cultures différentes en cours de route et que je ne connaissais pas, notamment en Bulgarie, en Croatie et en Arabie saoudite. Le rythme du vélo est un très bon moyen pour la découverte, dans toutes ses dimensions. J'espère que mon initiative donnera l'idée à d'autres personnes de faire pareil. Quelles sont les valeurs que vous aspirez à transmettre à travers ce voyage ? Parallèlement aux aspects que je viens de citer, j'essaye de donner à chacun de mes parcours une dimension solidaire et humanitaire. Tout au long de ce dernier voyage, une cagnotte Leetchi est ouverte pour la collecte de fonds qui serviront, à mon retour au Maroc, à aider des orphelins pour continuer leur scolarité, à l'approche de la rentrée, mais aussi pour mieux les faire profiter des vacances. L'objectif est aussi de transmettre le goût de l'effort, des valeurs de persévérance et de détermination pour renforcer le mental. C'est une manière de dire aux gens qui ne font pas de sport, jeunes et moins jeunes, qui se laissent aller, qu'aucun objectif n'est impossible et qu'il n'y a pas d'âge pour le faire, puisque je le fais encore du haut de mes 65 ans. Avez-vous fait des rencontres qui vous ont marqué ? Chaque coup de pédale est annonciateur d'une nouvelle rencontre humaine, d'une nouvelle découverte du monde, que ce soit un paysage ou un élément de la culture d'une des régions par lesquelles je suis passé. Au cours de ce voyage, j'ai rencontré des milliers de personnes toutes aussi exceptionnelles les unes que les autres et elles m'ont toutes suivies au cours de mes différentes étapes, en Espagne, en France, en Turquie, en Grèce, au Liban, en Jordanie, en Arabie saoudite. Dès qu'elles en savaient plus sur mon voyage, elles s'organisaient en me proposant un hébergement, un repas et un lit, surtout en France où j'ai rencontré plusieurs Marocains résidents dans le pays. Karim Mosta reçu ici à l'ambassade du Maroc à Ankara Je me rappelle notamment de ma traversée de Turquie au Liban par bateau, avec des camionneurs de différentes nationalités à bord. Nos échanges étaient agréables et j'ai eu la chance de partager le repas avec leur commandant de bord qui était Syrien. En Arabie saoudite, j'ai dormi notamment dans des casernes militaires, puisque l'environnement est majoritairement désertique. Chaque séjour dans un pays a été exceptionnel grâce à la population locale. Plusieurs représentations diplomatiques marocaines m'ont reçues dès qu'elles ont pris connaissance de mon passage. C'était le cas à Sofia, Ankara, Istanbul, Beyrouth et Amman, où ma présence a coïncidé avec les célébrations de la Fête du trône à l'ambassade du Maroc en Jordanie. Emission spéciale MRE : Karim Mosta, le papy qui a fait cinq fois le tour de la Terre Comment avez-vous financé votre voyage ? Dans la vie, rien n'est facile mais tout est possible. Cela s'est fait comme en préparation de mes courses à pieds. J'ai constitué un dossier et j'ai frappé à plusieurs portes. Certains ont refusé de le prendre charge, mais d'autres m'ont encouragé, notamment Abdelouahed Rahal qui est issu de mon quartier natal, Derb Tazi à Casablanca. J'ai aussi été aidé par Mohamed Bouzoubaa, mais également mes amis d'enfance et de quartier avec qui mes liens sont restés intactes. Cependant, il a fallu deux ans de préparation avant de pouvoir prendre la route, 6 000 kilomètres d'entrainement et un repérage de mes itinéraires par carte ou via Internet, puis l'achat du matériel nécessaire. Quelles ont été les principales difficultés que vous avez traversées ? A mon arrivée en Espagne, je suis tombé très malade et j'ai dû rester en arrêt pendant quatre jours, mais je n'ai pas souhaité en faire part à mes proches et à mon épouse pour ne pas les inquiéter. Je m'en suis remis doucement et j'ai rattrapé mon retard, jusqu'à ce que mon vélo tombe en panne en Slovénie. J'étais à 12 Km d'un village que j'ai rallié comme j'ai pu et où j'ai eu la chance de rencontrer une personne qui m'a aidée à le réparer. Ce qui était difficile aussi, c'était d'avoir fait l'équivalent de deux fois et demi le Tour de France, avec un vélo qui pesait 40 kilogrammes (celui des cyclistes du Tour en fait six) en étant chargé de mes bagages, pour mon poids qui fait 63 kilos, sans accompagnement de massage et de conseil pour la condition physique comme l'exige le sport professionnel. Par ailleurs, je me suis confronté à de forts orages en Bulgarie et à une très forte chaleur avec le climat sec de l'Arabie saoudite, ce qui met véritablement votre endurance à rude épreuve. Côté administratif, l'obtention des visas n'a pas été très difficile, sauf pour celui me permettant de me rendre en Arabie saoudite et pour lequel j'ai dû attendre huit mois. Cela dit, je suis arrivé à Médine et maintenant que j'ai terminé mon pèlerinage, je vais y revenir pour récupérer mon vélo et terminer les trois étapes sportives qui me restent à faire afin de boucler le chemin tracé au début du voyage. Et votre prochain défi ? J'aurai véritablement fait le tour du monde, une fois l'étape sportive de La Mecque accomplie. Ce que je peux faire par la suite consiste surtout à la transmission, à l'accompagnement et à l'encadrement de celles et ceux qui ont besoin de conseils, notamment par le biais de conférences et de mon site Internet, où ce voyage peut être suivi étape par étape. J'ai déjà donné des conférences en entreprises ou encore en prison en France. Je voudrais le faire dans le milieu carcéral au Maroc. L'objectif est de faire bouger un maximum de gens, au sens propre ! Par ailleurs, j'organiserai deux marathons en octobre prochain, l'un à Chefchaouen et l'autre dans le désert, au sud du Maroc. J'ai l'idée aussi d'organiser une course à vélo, mais je vais y réfléchir davantage.