L'utilisation des pesticides et des herbicides chimiques, notamment ceux produits par Monsanto (achetée par Bayer), a été au cœur du huitième congrès national de la Fédération nationale du secteur agricole (FNSA). Samedi dernier, ses membres ont recommandé des solutions pour une activité agricole affranchie de cette dépendance aux phytosanitaires. Depuis une semaine, les services de la douane marocaine ainsi que l'Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) ont annoncé un renforcement des contrôles sur les herbicides et les pesticides importés. L'activité agricole marocaine reste en effet dépendante de ces produits. Mais l'utilisation intensive n'est pas sans dégâts, malgré le silence qui entoure encore les conséquences de ces usages sur les agriculteurs, les consommateurs et l'environnement. Ce renforcement de contrôle est intervenu après les nombreux appels de la Fédération nationale du secteurs agricole (FNSA) pour une reprise en main concernant les produits en vente dans le marché national, notamment ceux composés de glyphosate et dont les dangers ainsi que les méfaits sanitaires sont reconnus désormais par la justice américaine. Samedi dernier, la FNSA a tenu son huitième congrès national à Rabat. Cette question a été à l'ordre du jour et au programme des actions pour les quatre prochaines années. Un programme de plaidoyer pour une loi interdisant les produits toxiques Dans les documents de cette rencontre, le syndicat lie le contrôle sur ces produits aux dispositions juridiques à réformer, relatives à la protection sociale et sanitaire des travailleurs agricoles ainsi qu'à leur prise en charge en cas de maladies professionnelles. Il rappelle aussi la responsabilité de l'Etat dans les failles du conseil agricole adressé aux concernés, qui ne sont pas souvent accompagnés sur le terrain pour une utilisation sûre de ces substances. Consultés par Yabiladi, les actes de cet événement appellent les pouvoir publics à se tourner vers «une réforme agraire populaire respectueuse des spécificités agricoles du pays, afin d'asseoir le principe d'une souveraineté alimentaire tenant compte de la dignité des ouvriers agricoles et ruraux, notamment en leur assurant un environnement de travail sans risques sanitaires liés à ces substances». Faïça Ouchen, secrétaire général du Syndicat national des paysans (SNP) affilié à la FNSA, explique à Yabiladi que cette revendication «prendra différentes formes dans les quatre prochaines années, à travers des formations pour les paysans, une sensibilisation sur la sécurité sanitaire et alimentaire, mais également un plaidoyer continu à l'adresse des pouvoirs publics locaux et centraux afin de les conscientiser sur les avantages d'abandonner l'utilisation de ces substances». «Les concernés sont principalement le ministère de tutelle et ses instances de contrôle et de sécurité alimentaire», indique le militant. L'émergence de «zones sans pesticides» Faïçal Ouchen ambitionne également d'impliquer davantage «les services de la douane qui contrôlent les produits importés, le ministère de l'Intérieur à travers les préfectures et les communes territoriales dans le monde rural qui veillent à l'application et au respect des circulaires et des décrets, parallèlement à un combat pour l'adoption d'une loi interdisant l'utilisation des substances toxiques dans les produits destinés à l'agriculture, impactant la santé comme l'écosystème». «Nous comptons sur les intervenants gouvernementaux à qui nous rappelons certaines obligations. Nous demandons au ministère de la Santé de se saisir de la question en établissant et en rendant publics des rapports périodiques sur les cas de maladies liées à l'utilisation de ces produits, tout en prenant les mesures sanitaires nécessaires de suivi et de prise en charge.» Faïça Ouchen, secrétaire général du Syndicat national des paysans (SNP) Par ces actions, les syndicats agricoles et paysans affiliés à la FNSA aspirent à voir émerger des zones agricoles écologiques au Maroc, qui concentrent les activités des paysans sans utilisation de produits nocifs, à l'image d'expériences observées dans les pays industrialisés où l'agriculture occupe une place importante. «L'exemple de l'Italie est inspirant à plusieurs égards. Il incarne réellement la coopération effective entre pouvoirs publics locaux et acteurs économiques concernés (les paysans et les petits agriculteurs en l'occurrence) pour la mise en œuvre de politiques publiques où l'objectif et de baisser le maximum possible des utilisations de produits chimiques dans les terres agricoles», nous explique Faïçal Ouchen. «Les acteurs locaux ont mis en place des zones agricoles 'zéro pesticides' en regroupant les agriculteurs et les petits paysans. En plus d'être un moyen de préserver et de garantir la non-contamination de ces productions par les substances chimiques en provenance de champs limitrophes non-écologique, ce procédé a permis de protéger les nappes phréatiques, la faune et la flore de régions entières, tout en innovant des solutions durables de production. Pourquoi ne pas en tirer les bons enseignements ?» Sur le plan européen, ces politiques ainsi que les réglementations régionales en matière de contrôle sur les pesticides ont aussi donné lieu à des blocages d'importation de fruits et de légumes en provenance d'autres pays qui ne suivent pas les mêmes normes d'emploi des pesticides. «C'est notamment le cas de l'Egypte», rappelle Faïçal Ouchen, en évoquant «des cargaisons refusées aux portes de l'Europe à cause des produits phytosanitaires». Phytosanitaire ne rime pas toujours avec productivité «Si le Maroc veut continuer à exporter ses fruits et légumes vers ces pays-là, il devra tôt ou tard se conformer aux réglementations européennes changeantes en matière de pesticides et d'herbicides», souligne-t-il. «Nous devons apprendre des expériences des pays avancés en la matière afin de ne pas tomber dans les mêmes erreurs qu'ils ont commises.» Les expériences existent également au Maroc, à seulement une cinquantaine de kilomètres de Rabat. «Dans la province de Benslimane, plusieurs paysans ont choisi cette nouvelle manière de penser l'agriculture. Ils ont bénéficié de l'appui des partenaires publics locaux et leur expérience a réellement porté ses fruits à une certaine échelle. Encore faut-il la renforcer, la soutenir et la dupliquer», souligne-t-il. En effet, si l'utilisation d'éléments chimiques tels que les produits Roundup est voulue comme un moyen d'améliorer la production en quantité comme en qualité, éliminant parasites et herbes indésirables, elle n'est pas une solution miracle pour la politique agricole marocaine. «Le rendement de l'agriculture national reste très faible, notamment pour ce qui est du blé, puisqu'on ne dépasse pas une production de 14 quintaux par hectare, contre 70q/ha dans les pays avancés», détaillent les actes du congrès de la FNSA. «Le Plan Maroc vert n'a pas atteint son but annoncé d'améliorer sensiblement la productivité des petits agriculteurs. Par exemple, la production nationale en blé couvre uniquement 65% des besoins internes, 48% pour le sucre et 9% pour les huiles», indique la même source. Dans un pays où «plus 90% des paysans exercent encore une agriculture familiale et commercialisent leur production sur des marchés locaux», la FNSA recommande d'en tenir compte pour repenser un modèle agricole national respectueux de l'environnement et de l'écosystème.