A Casablanca, la douane portuaire a saisi une quantité de produits phytosanitaires importés et destinés à des exploitants de fruits et de légumes. Ce coup de filet survient peu après la saisie d'une production menthe impropre à la consommation car concentrée en produits chimiques. Au port de Casablanca, les services de la douane ont récemment mis la main sur une grande quantité de pesticides, dont l'emballage ne mentionne que rarement les composantes chimiques et encore moins les certificats de production. L'édition du quotidien arabophone Al Massae de ce lundi explique en effet que ces produits sont passés au peigne fin par la douane, qui a reçu une liste de pesticides agréés officiellement par l'Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA). En effet, l'étau se resserre sur le contrôle des pesticides et herbicides commercialisés au Maroc, d'autant plus que «sur la liste des cinq pesticides prohibés par le Centre international de recherche sur le cancer qui relève de l'OMS, trois étaient importés régulièrement, et en toute légalité, au Maroc jusqu'à une date récente», rappelle le quotidien. Aussi, une circulaire a été adressée aux services des douanes au niveau des postes frontaliers, incluant les noms des pesticides interdits d'importation, notamment ceux qui seraient à l'origine de cancers, d'Alzheimer, de Parkinson ou de dérèglement hormonal, mais également de malformations congénitales ou de stérilité. Ces risques ont été confirmés par des analyses effectuées par des laboratoires spécialisés, poussant l'OMS à interdire l'usage de produits contenant du malathion, du diazinon ou certaines combinaisons au glyphosate, largement utilisé jusque-là au Maroc, indique la même source. Les herbicides importés sont sous les radars C'est la présence en quantités anormales de ces composantes dans la menthe qui a poussé l'ONSSA, pendant le mois du ramadan, à retirer en urgence cette lamiacée tant prisée par les Marocains et indispensable à la préparation traditionnelle du thé. Mais avant de constituer un danger pour les consommateurs, ces produits menacent d'abord la santé de celle et de ceux qui les manipulent quotidiennement dans les champs, à savoir les agriculteurs et les ouvriers ruraux. Dans ce sens, le secrétaire général du Syndicat national des paysans (SNP), Faïçal Ouchen, confie à Yabiladi avoir réitéré «à plusieurs reprises auprès du ministère de tutelle que l'usage de ces pesticides représentait un grand danger sur la santé des agriculteurs, voire un scandale sanitaire, avant celle des consommateurs». «A l'issue du congrès national de la Fédération nationale du secteur de l'agriculture (FNSA) à laquelle notre syndicat est affilié, prévu samedi prochain, nous allons également rendre public un document relatif à l'utilisation de ces substances et à son encadrement par le ministère ainsi que les conseillers agricoles.» Faïçal Ouchen, SNP Dans ce document, le syndicaliste promet par ailleurs que les associations professionnelles de la FNSA appelleront à «l'interdiction stricte des produits les plus néfastes à la santé et à l'environnement qui seraient encore en circulation dans le marché national». Le Maroc utilisera-t-il encore les produits à base de glyphosate ? Parmi ces substances, le glyphosate reste l'un des plus en vogue au Maroc, contenu dans les produits Roundup de Monsanto – rachetée par Bayer – et mis en cause par la justice américaine dans des cancers de jardiniers ayant été en contact quotidien avec ces substances. A la question de savoir si cette récente interdiction de l'ONSSA s'étend aux produits contenant le glyphosate, l'instance n'a pas donné de suites à nos sollicitations. Au Maroc, le sujet est en effet peu évoqué et s'apparente même à un tabou. Mais au sein du SNP, Faïçal Ouchen fait part des efforts des centrales syndicales pour sensibiliser les agriculteurs là-dessus. «A chaque fois que nous allons à leur rencontre sur leur lieu de travail, nous organisons des séances de formation aux paysans et agriculteurs et abordons notamment avec eux tous dangers des herbicides ou encore de la surutilisation des semences industrielles», explique-t-il en regrettant que les efforts des syndicats restent limités face aux institutions censées assurer cette mission. Il souligne à ce sujet : «L'ONSSA estime que ces produits ne sont pas néfastes s'ils sont utilisés selon les normes, mais pour que les agriculteurs acquièrent un savoir-faire dans le traitement à base de ces substances, ils ont besoin d'un accompagnement quasi-quotidien dans leurs champs, notamment en matière de connaissance de ces produits et de leur technique d'utilisation.» «C'est l'Etat qui doit prendre ses responsabilités dans cet encadrement puisqu'il est doté d'institutions dédiées à cette tâche mais qui ne l'accomplissent pas correctement», indique encore le militant. S'agissant d'éventuelles réparations pour les agriculteurs victimes de l'utilisation quotidienne de ces produits au Maroc, Faïçal Ouchen estime que «cela ne peut se faire que dans le cadre d'une justice libre et indépendante, équitable, et qui ne risque pas de se plier au bon vouloir des grands groupes politiques et de multinationales – telle que Monsanto –». «Ce n'est malheureusement pas le cas au Maroc à l'heure actuelle», conclut-il avec amertume.