Le 27 janvier 1978, le roi Hassan II et le Premier ministre espagnol, Adolfo Suarez, eurent un échange peu diplomatique au sujet de l'avenir de Ceuta et Melilla. Une opportunité immédiatement saisie par Alger pour «convaincre» le chef de l'exécutif de rencontrer dans la capitale algérienne le chef du Polisario, Mohamed Abdelaziz. Le 1er mai 1979, le chef de l'exécutif espagnol, Adolfo Suarez, effectuait une courte visite officielle à Alger. Le même jour, le quotidien El Pais expliquait l'objectif du déplacement de Suarez en Algérie. «Les discussions porteront sur un seul problème : le Sahara. Suarez est arrivé à Alger dans un moment de tension sur le Sahara, alors que des nouvelles font état d'un accord sahraoui-mauritanien via la Libye et avec le soutien de la France», écrivait le quotidien espagnol. El Pais ajoutait que le voisin de l'Est souhaite «engager publiquement l'Espagne en faveur du Polisario (…) à l'ONU et dans la région». Alger ne comptait pas uniquement sur des paroles pour amener Madrid à se rapprocher du Front, mais elle avait en main deux cartes à jouer. Les Iles Canaries et la peur de Suarez de perdre Ceuta et Melilla Durant les années 60, la diplomatie algérienne avait réussi à convaincre Antonio Cubillo, le chef d'une formation indépendantiste, de s'installer chez elle. Elle avait mis à sa disposition une radio pour diffuser ses messages et de forts moyens de logistique. L'opposant eut même droit à une audience avec le président Houari Boumédiène. Cet appui officiel lui permit de présenter, en avril 1978, le cas des Iles Canaries devant les Nations unies. A l'occasion de la réunion du Comité de libération de l'Organisation de l'unité africaine (OUA), tenue en février de la même année à Tripoli, la délégation algérienne avait proposé l'envoi d'une «commission d'investigation de la situation coloniale» aux Iles Canaries, et l'apport d'un soutien logistique et économique au Mouvement pour l'autodétermination de l'archipel des Canaries. Néanmoins, lors du sommet de l'OUA en juillet 1978 à Khartoum, sa recommandation portant sur l'«intégrité territoriale de l'Afrique et des îles qui entourent le continent» fut rejetée. Faisant fi de ce petit revers, la diplomatie algérienne accentua sa pression sur l'Espagne, en ajoutant à la carte de Cubillo la crainte d'Adolfo Suarez des revendications marocaines sur Ceuta et Melilla. En janvier 1978 à Madrid et devant le roi Juan Carlos, Hassan II et le Premier ministre espagnol eurent un échange peu diplomatique à ce sujet. Si le premier menaça d'attaquer les deux villes pour les reprendre, le deuxième lui opposa l'option de «bombarder Rabat et Casablanca». Suarez imagina même l'entrée en guerre contre le Maroc avec son jeu d'alliances. Dans la capitale algérienne, le chef de l'exécutif espagnol se réunit avec des représentants du Polisario. «Ce fut un simple échange de vue», déclara-t-il brièvement à la presse, comme le rapporte l'édition d'El Pais du 4 mai 1979, sans toutefois donner davantage de détails. Pour sa part, le Front avait une autre version à proposer : les entretiens entre Suarez et Mohamed Abdelaziz ont été «historiques», «réalistes» et «attendus», déclara Salem Ould Salek (l'actuel «ministre des Affaires étrangères») lors d'un point de presse. Et de rappeler avec fierté qu'à la veille de la rencontre, l'ambassadeur espagnol José María Ullrich s'était rendu personnellement au siège du Polisario à Alger. Article modifié le 2019/05/05 à 23h04