Si Juan Carlos était disposé à céder Melilla au Maroc, son premier ministre avait une autre opinion. Adolfo Suarez, qui n'était guère en bons termes avec Hassan II, était pour le maintien de Ceuta et Melilla sous souveraineté espagnole. Pour ce faire, il avait dans un premier temps envisagé une solution militaire avant de se résoudre à la mettre en sourdine. En mai dernier, un document de la CIA révélait que le roi Juan Carlos était disposé à céder Melilla au Maroc. Une position nullement partagée par son premier chef du gouvernement, Adolfo Suarez (3 juillet 1976 au 7 février 1981), également secrétaire général du parti de l'Union du Centre Démocratique, une formation complétement happée par le PP. Une différence de vue que vient de rappeler l'attaché de presse de l'UCD, José Maria Campos, lors de sa participation à une conférence organisée à Ceuta, indique le site Ceutaldia. Le chroniqueur a rappelé des échanges peu diplomatiques entre Suarez et Hassan II à l'occasion de la visite effectuée par ce dernier en Espagne, le 27 janvier 1978, soit deux année après le lancement de la Marche verte qui s'est conclue par le retrait de l'armée espagnole du Sahara occidental. Pour sauver Ceuta et Melilla, Suarez pariait sur des adhésions à l'OTAN et la CEE Campos affirme que feu Hassan II a ouvertement menacé d'attaquer Ceuta et Melilla. Face au silence de Juan Carlos, Adolfo Suarez a immédiatement répliqué sur le même ton en évoquant l'option de «bombarder Rabat et Casablanca». L'ambiance était évidemment électrique. L'ancien attaché de presse de l'UCD précise que Suarez était «déterminé» à mener jusqu'au bout ses menaces. Au terme de la visite de Hassan II, le chef du gouvernement s'est réuni avec les cadres de son parti pour leur faire part de ses divergences avec le souverain marocain. Campos raconte qu'Adolfo Suarez lui avait confié que «si les Etats-Unis et la France nous appuieraient» dans la guerre contre le Maroc «tout ira bien» mais dans le cas où les pays arabes apporteraient leur soutien au Maroc et arrêteraient les livraisons de pétrole, comme ce fut le cas en 1973, «ce serait très difficile de se maintenir». Conscient que la solution militaire ne garantissait pas la pérennisation de la présence espagnole à Ceuta et Melilla, Suarez pariait sur une double adhésion de son pays à l'OTAN et la CEE (la Communauté économique européenne, ancêtre de l'Union européenne). Certes depuis 1982, Madrid est membre de l'Alliance atlantique mais les enclaves de Ceuta et Melilla en sont restées exclues. L'OTAN n'a pas traité l'Espagne sur le même pied d'égalité avec le France. En 1949, l'organisation militaire avait intégré l'Algérie, alors sous colonisation française, dans le champ de son action. Adolfo Suarez, en sa qualité de chef du gouvernement, s'était rendu à Melilla le 6 septembre 1980. Trois mois plus tard, il effectuait un déplacement à Ceuta.