Depuis midi, la rumeur sur la censure du dernier numéro du Canard enchainé enfle sur le web. La presse en ligne rapporte que l'hebdomadaire satirique francophone a été, encore une fois, muselé par les services de la censure. Pour cause : un article dévoilant l'achat par le Maroc d'un logiciel d'espionnage informatique à la France, caricature de Mohamed VI à l'appui. Le titre, «La haute technologie française fait le bonheur des tyrans», assorti d'une caricature de Mohamed VI se vantant que «Pour à peine le prix d'un rafale» il a pu s'offrir «une bonne petite Stasi» aurait-il suffit à faire interdire le dernier numéro du Canard enchainé au Maroc ? En tout cas, la rumeur sur son interdiction va bon train sur le web depuis ce midi. Nombre de journalistes, simples bloggeurs ou accros à facebook et à la twittoma ont relayé l'information avec le lien vers l'article en question à l'appui. Sauf que, contacté par yabiladi, Sochepress, premier distributeur de titres de presse au Maroc, dément. Intox «Le numéro en question est en vente sur le marché. Il suffit de le chercher chez votre vendeur habituel» assure-t-on auprès de Sochepress. D'autres journalistes confirment. «Tout a l'heure dans le kiosque sur boulevard Ziraoui, j'ai vu le numéro» en vente, indique ce journaliste officiant chez Actuel. «On l'a même reçu à la rédaction, je l'ai lu en version papier», assure-t-il. Un autre journaliste affirme l'avoir vu en vente à l'aéroport également. Mais au delà de la polémique suscitée par la rumeur de sa censure, cet article du Canard risque de faire des remous. Hormis le fait que le Maroc soit mis dans le même panier que la Syrie en termes de respect des droits de l'homme, cet hebdomadaire satirique dévoile que le royaume chérifien a fait un curieux achat à la France : un logiciel informatique pour traquer du contenu internet. Silence, vous êtes fliqués D'après le Canard, la société Amesys du group français Bull a décroché un contrat de 2 millions de dollars pour la livraison d'ordinateurs et de disques durs de stockage mais surtout l'installation du logiciel d'espionnage Eagle. L'opération a le comique nom de code de «Popcorn». Moins comique, le logiciel Eagle permet de passer au crible des millions de messages enregistrés pêle-mêle et relever des noms et des mots-clés douteux, même déformés légèrement à l'écriture. Il identifie également les connexions sur les sites classés suspects, peut identifier qui envoie du courrier à qui et même accéder au contenu des courriels et intercepter les appels téléphoniques. Amesys se chargera de fournir l'ingénierie nécessaire au bon fonctionnement de son produit «et, peut être, comme en Libye, quelques «conseillers» des services français, anciens barbouzes ou semi-retraités», ajoute le Canard enchainé. «Il y a de quoi surveiller toute la population» Peut-on lire sur la légende d'une copie de la facture de l'opération «Popcorn». En gros, la récréation est terminée. Le Maroc "Rabat-joie" ? Si la rumeur de la censure du Canard était si crédible, et même relayée comme une information vérifiée par certains, c'est parce qu'il n'y a pas de fumée sans feu. Le 12 septembre 2007, le Canard enchainé a été effectivement censuré pour beaucoup moins que le numéro de cette semaine. L'article derrière l'interdiction s'intitulait « Elections Rabat-joie » et analysait le scrutin de 2007. Son auteur, Nicolas Beau affirmait que la victoire de l'Istiqlal n'était pas « un cadeau pour le monarque ».