Dans la nuit de jeudi à vendredi, les détenus du Hirak du Rif transférés de Casablanca aux prisons Tanger 2 et Fès ont suspendu leur grève de la faim et de l'eau. Ce n'est pourtant pas le cas de Rabii Ablaq, dont la famille affirme qu'il n'a toujours pas pris de décision dans ce sens, contrairement à l'annonce de l'administration pénitentiaire. La Délégation générale à l'administration pénitentiaire et à la réinsertion (DGAPR) a annoncé ce vendredi, dans un communiqué relayé par l'agence MAP, que les détenus du Hirak du Rif transférés de Casablanca aux prisons locales Tanger 2 et Ras El Ma de Fès, Nasser Zefzafi parmi eux, ont présenté aux administrations des deux prisons des préavis de suspension de leur grève de la faim et de l'eau. La DGAPR indique aussi avoir coordonné avec le Conseil national des droits de l'Homme (CNDH) «une série de mesures visant à améliorer les conditions de détention des prisonniers», tandis que les concernés ont «pu contacter leurs familles pour leur annoncer cette nouvelle». Ce n'est cependant pas le cas du journaliste Rabii Ablaq, selon ses proches. Ce matin, son frère Abdellatif a encore tenu à le préciser sur sa page Facebook, soulignant que le journaliste condamné à cinq ans de prison ferme parmi les détenus du Hirak à la prison de Tanger 2, «n'a pas encore annoncé quoi que ce soit, ce qui signifie qu'il n'y a pas de suspension». Une version corroborée par des informations obtenues par Yabiladi auprès de membres du comité de soutien, créé il y a deux jours dans la ville. Rabii Ablaq toujours en grève de la faim ? Zohra Koubia, membre du conseil administratif de l'Association marocaine des droits humains (AMDH) à Tanger, qui fait partie du comité de soutien, l'affirme encore ce matin à Yabiladi. «Rabii Ablaq n'a pas mis fin à sa grève de la faim», déclare-t-elle. «Nous attendons de connaître sa décision entre aujourd'hui et demain. Je suis moi-même en contact avec la présidente de la Commission régionale des droits de l'Homme (CRDH) de Tanger, qui est sortie d'une visite des détenus ce matin en confirmant également cette version». Auteure d'un rapport sur le Hirak du Rif, la militante nous confie aussi que «la décision des détenus s'est faite dans des conditions qu'il est nécessaire de faire savoir, en l'occurrence au sujet du journaliste Mohamed El Asrihi». Selon elle, la sœur de ce dernier «a tenté hier depuis 9 heures du matin d'obtenir une autorisation de visite à son frère hospitalisé, jusqu'à la nuit, mais chaque service la renvoyait vers un autre, entre le tribunal de première instance, la cour d'appel, la direction de prison et l'hôpital». Ainsi, Aouatif El Asrihi «n'a pu obtenir le document qu'à la dernière minute, essentiellement pour annoncer elle-même à son frère que les autres détenus avaient suspendu leur grève de la faim et tenter de le convaincre de faire pareil», souligne Zohra Koubia. Cette dernière ajoute enfin que «les détenus n'ont pas suspendu leur grève de la faim parce que la DGAPR leur a promis de les regrouper tous dans une même prison, comme ils le demandent, mais pour avancer vers des négociations dans ce sens». «La Direction générale dit qu'elle examinera cette demande ultérieurement», nous indique la militante. Le comité de soutien à Tanger veut investir l'espace public Ces annonces interviennent au lendemain d'un premier sit-in organisé par le comité de soutien aux détenus du Hirak du Rif et à leurs familles, dont la création à Tanger a été annoncée il y a deux jours. Le sit-in commencé à 19 heures sur la place des Nations en présence des proches des détenus, lui, ne s'est pas déroulé comme prévu. Selon Zohra Koubia, il a été mis à mal par des «baltajis» qui ont pris à partie les manifestants, tandis que d'autres évoquent des agressions physiques à l'égard de membres des familles présentes. Des "baltajis" agressent les familles des prisonniers politiques rifains et les activistes solidaires avec eux lors d'un rassemblement à Tanger. pic.twitter.com/qd0CG3DfgM — Fouad Bouziani (@fouad_bouziani) 25 avril 2019 «A notre arrivée, il y avait une forte présence de la police, mais nous avons été le plus surpris par près de 200 personnes violentes qui occupaient déjà les lieux. A la levée des premières pancartes, ceux qui les portaient ont été attaqués physiquement par ces inconnus, sous le regard de la police qui n'est pas intervenue.» Zohra Koubia, AMDH - Tanger «L'AMDH a interpelé les forces de l'ordre en leur disant que ce n'était pas juste de laisser faire ce qu'ils étaient en train de voir et que si le sit-in était interdit, c'était à eux de nous le signifier ou de disperser le rassemblement et non pas laisser des baltajis s'en occuper», raconte encore Zohra Koubia, ajoutant que les policiers leur ont signifié que les manifestants devaient partir. La militante dénonce ainsi : «Les inconnus ont commencé à provoquer les manifestants, à passer surtout près des femmes en demandant les uns aux autres de sortir les couteaux et nous avons été pris au milieux des deux : la police qui nous bousculait d'un côté pour nous pousser à quitter les lieux et eux qui nous assénaient des coups, en volant quelques téléphones au passage.» Zohra Koubia indique que le sit-in s'est tenu malgré tout, dans un côté de la place où les manifestants ont également été molestés par les «baltajis» qui, à la fin du rassemblement, «ont même commencé à suivre les femmes en petits groupes dans les rues avoisinantes, contraignant la plupart à prendre des taxis pour les semer». Malgré la tension, le comité envisage de nouvelles actions pour appeler à la libération des détenus et à améliorer leurs conditions de détentions, promet la militante.