Entre le démenti de la DGAPR de la grève ouverte de la faim entamée par plusieurs détenus et le témoignage de leurs avocats, l'Observatoire marocain des prisons a tiré lundi la sonnette d'alarme sur la détérioration de l'état de santé des détenus du Hirak à la prison locale Ain Sbâa à Casablanca. Parallèlement, les manifestations ont repris dans la province du Rif, tout comme les interpellations. Le procès de l'activiste Nawal Ben Aissa est programmé au 23 octobre. Détails. Le calme n'aura duré que quelques semaines. Le Rif a renoué dimanche soir avec ses manifestations en solidarité avec les détenus du Hirak, rapportent lundi plusieurs médias locaux. A Imzouren, les Rifains ont investi les rues de la ville pour appeler à la libération des détenus du Hirak et à la concrétisation des revendications de la population, nées en octobre dernier au lendemain du décès de Mohcine Fikri. Manifestation à Imzouren et interpellation de Nawal Ben Aissa «Les forces de l'ordre, présentes en masse aux alentours de la ville, ne sont pas intervenues pour empêcher le déroulement de cette nouvelle manifestation», a rapporté hier le média local Rif Online. Ce dernier de préciser que «les centaines de manifestants, qui ont sillonné les rues de la ville, se sont dispersés sans aucun incident après la fin de la manifestation». La rupture de la trêve instaurée dans le Rif après plusieurs mois de manifestations et formes de protestations s'est finalement soldée par une nouvelle interpellation. Cette fois, c'est Nawal Ben Aissa, figure féminine du mouvement contestataire qui a été arrêtée. L'arrestation de la jeune rifaine de 36 ans a été confirmée par Silya Ziani. Cette dernière a indiqué hier sur sa page Facebook que Nawal Ben Aissa, mariée et mère de 4 enfants, a été placée en garde à vue à Al Hoceima. Lakome rapporte ce mardi que la militante rifaine, libérée lundi, est poursuivie en état de liberté provisoire pour notamment «incitation à commettre des délits et des crimes conformément à l'article 299 du Code pénal». Son audience aurait été fixée pour le 23 octobre devant le tribunal d'Al Hoceima. Le média arabophone précise dans un précédent article qu'elle n'aurait pas pris part à la manifestation d'Imzouren. Son arrestation serait intervenue, toujours selon la même source, en raison d'une publication sur Facebook dans laquelle la jeune rifaine a critiqué de manière virulente l'attitude des autorités vis-à-vis du Hirak et du Rif. «Je ne vais pas me taire et je continuerai à écrire, puisque nos pères et nos grands-pères se sont tus malgré leur combat contre le colonisateur pour l'expulser du Rif. Ils ne savaient pas que viendrait le temps où ceux qui les gouverneraient seraient pires que le colonisateur», avait-elle écrit. L'Observatoire des prisons tire la sonnette d'alarme Ce nouveau procès ainsi que les actualités relatives aux détenus du Hirak à la prison locale Ain Sbâa 1 de Casablanca risquent de faire renforcer les tensions dans le Rif. En effet, 31 détenus du Hirak ont entamé une grève ouverte de la faim depuis plusieurs jours déjà, à en croire leurs avocats. Quatre autres détenus auraient même catégoriquement refusé de boire de l'eau mélangée à du sucre. Il s'agit de Mohamed Jelloul, Nabil Ahmijaq, Rabie Al Ablaq ainsi que Badreddine Boulehjel. Dans un communiqué de presse repris lundi par plusieurs médias nationaux, l'Observatoire marocain des prisons (OMP) a tiré la sonnette d'alarme sur les conséquences dramatique de la grève ouverte de la faim entamée par les détenus. L'ONG a ainsi exprimé sa grande préoccupation, se disant profondément inquiète de la détérioration de l'état de santé et des conditions psychologiques des détenus du Hirak. L'OMP a également appelé la Délégation générale de l'administration pénitentiaire et de la réinsertion (DGAPR) et la direction de la prison d'Oukacha, à ne pas faire pression sur les grévistes et à surveiller leur état de santé de plus près. La grève de la faim, entre le démenti de la DGAPR et les témoignages des avocats Une mise en garde qui a été suivie d'un énième communiqué de presse de la DGAPR pour démentir cette grève ouverte de la faim. Lundi, la délégation présidée par Mohamed Salah Tamek a confirmé pour la première fois que trois prisonniers du Hirak mènent une grève de la faim : Mohamed Jelloul, Nabil Ahmijaq et Rabie Al Ablaq. La DGAPR s'est contentée de rappeler que le groupe de Nasser Zafzafi n'a pas entamé de grève de la faim. «Un autre groupe de 31 détenus consomment ce qu'ils reçoivent de leur famille, notamment divers aliments et conserves», insiste la DGAPR, au grand dam des avocats. Ces derniers affirment avoir rencontré lundi plusieurs détenus qui ont tous confirmé leur grève de la faim. L'avocate Bouchra Roussi a écrit lundi que l'état de santé de Badreddine Boulehjel se détériore après cinq jours passés sans même avoir consommé de l'eau mélangée au sucre, et 12 jours de grève ouverte de la faim. «Il s'évanouit souvent à cause de la fatigue», a-t-elle indiqué sur Facebook. Membre du comité de défense des détenus du Hirak, Bouchra Roussi rapporte aussi que Zakaria Dahchour, en grève de la faim depuis 12 jours également, «vomit du sang et ne peut plus boire de l'eau». Wassim Elbesstati et Mohamed Mkouh s'évanouissent quant à eux plusieurs fois par jour, alors que Youssef Hamdioui souffre de saignements de nez, toujours selon l'avocate. Une situation inquiétante à laquelle doit répondre le chef du gouvernement Saâdeddine El Othmani, saisi par des députés de sa formation politique pour s'exprimer sur les mesures entreprises par son exécutif quant à la situation des détenus du Hirak.