9 mois se sont écoulés depuis le 20 février, le début du mouvement de contestation au Maroc. 9 mois de gestation du Palais, qui déboucheront, dans quelques jours, sur des élections législatives. Mais de quoi vont-elles accoucher ? Le diagnostic de quatre militants du mouvement du 20 février à Paris est alarmant : Le Makhzen va accoucher d'un bébé à malformations complexes et majeures, un bébé qui aura beaucoup de mal à se faire accepter. L'enfant pourra notamment présenter des signes de fatigabilité et d'inattention. Un problème grave de transmission et de perception est à l'origine de ces signes cliniques. Des problèmes que le Roi aurait cependant aisément pu percevoir durant ces 9 derniers mois. Il est trop tard maintenant. Le 25 Novembre, le bébé va naître, car c'est le jour des élections législatives au Maroc. Pourquoi les législatives sont-elles un bébé handicapé ? Les élections législatives comme elles sont conçues et vont se dérouler ne correspondent en aucun cas aux aspirations du mouvement du 20 février. En effet, depuis le 20 février le mouvement ne cesse de crier haut et fort qu'une réelle démocratie passe : - Par une constitution démocratique émanant du peuple alors que le peuple marocain a eu droit à une constitution octroyée ; - Par la dissolution du parlement et destitution du gouvernement ; le fait d'anticiper les élections n'apporte aucun changement sur le fond. On assiste aux mêmes pratiques et on voit se présenter les mêmes têtes. Même les 30% de jeunes imposés sur les listes électorales n'ont aucune relation avec le militantisme et sont sélectionnés selon les critères habituels : héritage et clientélisme ; - Par le jugement de tous les responsables des crimes économiques et politiques contre le peuple marocain alors que ces coupables sont toujours au pouvoir, - par le respect des droits de l'homme et la libération des prisonniers politiques alors que la répression et les arrestations continuent et deviennent de plus en plus violentes. Pour toutes ces raisons et bien d'autres, nous considérons que ces élections ne sont qu'un trompe l'œil. Le palais aurait pu réagir différemment à nos revendications et par conséquent éviter cette naissance honteuse. Il aurait pu changer de partenaire en choisissant le 20 février qui lui proposait un bébé en bonne santé, amoureux de son pays, ayant la volonté de construire le Maroc de demain : Le Maroc de la liberté, la démocratie, de la dignité et de la justice sociale pour tous les Marocains. Boycotté, nous ne nous tairons pas Pour tout ce que l'on a évoqué précédemment, nous appelons à l'instar du mouvement au Maroc au boycott de cette mascarade électorale. D'autant plus que les MRE n'ont pas la possibilité de voter, si ce n'est par procuration. Nous considérons que cette décision est à l'encontre même de la constitution octroyée, qui garantit le droit de vote aux MRE (article 30 de la constitution). On nous boycotte, mais boycottés, nous ne nous tairons pas. Certains demanderont peut-être pourquoi, si nous ne pouvons pas voter, nous nous obstinons quand-même à appeler au boycott ? C'est tout sauf de la mauvaise volonté. Tout d'abord, nous sommes des Marocains à part entière (et non pas par procuration), et nous nous exprimons sur les affaires publiques de notre pays comme tout citoyen. Nous aimons ce pays et nous sommes attachés à son développement sur tous les niveaux. Nous nous exprimons aussi, car nous sommes directement affectés par certains dysfonctionnements flagrants au Maroc. Parmi les militants du 20 février Paris IDF, nombreux sont ceux qui sont partis en France pour étudier et ensuite apporter leur savoir-faire au Maroc, mais cet espoir a souvent été trahi. Nos expériences dans le monde du travail au Maroc nous ont même poussés à repartir du Maroc pour travailler en France. Plusieurs d'entre nous, ingénieurs ou autre, avons été confrontés dans les entreprises marocaines où nous travaillions à un certain blocage interne. Pour avancer, il ne suffisait pas d'être compétent, il fallait avoir le bon nom de famille... De manière générale, les capacités des MRE ont du mal à être prises en compte au Maroc, comme en témoigne cet incident récent auquel l'un d'entre nous a récemment été confronté. Devant intervenir en tant qu'expert dans le programme Maroc Numérique 2013, un responsable marocain a fait savoir qu'il préférait avoir un intervenant français. Un incident symptomatique, qui explique certaines des frustrations que nous pouvons avoir, nous les MRE, qui transférons pourtant en moyenne 46 milliards de DH par an au Maroc depuis 2000. Pour la France, le Maroc reste le plus beau pays du monde (après la France...) Les Marocains en France sont une chose, l'Etat français une autre... Cet Etat dans lequel nous vivons et travaillons, nous a profondément déçu ces derniers mois. Le roi a fait le discours du 9 mars, et le président Sarkozy était parmi les premiers à applaudir. Même scénario pour la constitution ; le 19 juin 2011, après la présentation du projet de constitution, Sarkozy saluait des «avancées capitales» et affirmait que la France «appuie pleinement cette démarche exemplaire». Son ministre des Affaires étrangères suivait le pas en qualifiant le discours du roi de «très courageux et même visionnaire». La constitution comporterait, pour Juppé, des «mesures ambitieuses» prises pour la protection des droits de l'homme. Aucune critique n'émane de la France, aucune prise de position sur les manifestations qui, pourtant, continuent au Maroc. Des militants sont blessés par les forces de l'ordre, intimidés, emprisonnés... Quand le mouvement du 20 février à Paris a fait un sit-in devant le quai d'Orsay, personne ne nous a reçus, et sur nos revendications, nous n'avons jamais eu de réponse. Par contre, les deux pays se félicitent sur le projet du TGV au Maroc, un projet mégalomane qui n'aidera en rien à désenclaver les populations amazighes ou rifaines. Allez-vous voter le 25 novembre ? Un des enseignements que nous tirons de la suite des événements depuis le 20 février est que la volonté du roi n'est pas le changement, mais plutôt endormir la volonté du peuple pour garder le statu quo. Comme le référendum sur la constitution, les élections législatives ne sont pas une échéance qui présente un réel potentiel de changement au Maroc. Et la France, pourtant si active en Libye et si critique envers la Syrie, se tait... Il reste cependant un enjeu important : le poids du bébé, ou, autrement dit, le niveau de participation des Marocains. Un sondage que nous avons effectué sur Facebook, même s'il n'est pas représentatif, indique que sur 1400 votants, 76% n'iront pas voter, 5% ne sont pas surs, et seul 19% iront se présenter au bureau de vote. Si cette tendance s'avérait, ce serait une claque pour le Makhzen. Le bébé sera donc illégitime et personne, ni même la France, ne pourra applaudir une avancée démocratique si moins d'un Marocain sur cinq aura voté. Article produit par Fatima et Siham Boucheikh, Khalid Zerrou, et Amine Salehi, mouvement du 20 février Paris / Ile de France