Mouna Izddine Emigrés par nécessité économique ou familiale, par vocation professionnelle, ou mus par désir d'épanouissement personnel ou social qu'ils disent ne pas trouver au Maroc, ils ont fondé leur famille de l'autre côté des mers et des océans, et sur les papiers, leurs enfants sont à la fois marocains et «autres». Mais s'ils sont sans conteste unis par le même attachement à leurs racines, les 3,4 millions de «Marocains du Monde», de leur nouvelle dénomination plus romanesque, ne sont plus tout à fait les mêmes. Plus de la moitié d'entre eux sont nés à l'étranger, y ont grandi, s'y sont établis et s'y sentent plus logiquement chez eux qu'au Maroc, le pays de leurs parents ou grands-parents. En outre, l'émigration marocaine, qui fait chaque année 10 à 20 000 candidats légaux, est de plus en plus féminine et qualifiée. C'en est donc bientôt fini du stéréotype de l'immigré masculin originaire du Maroc rural, ancien ouvrier dans l'industrie française, anachronique dans son regard mélancolique. Comme de l'image exclusive du «petit Maghrébin de banlieue», à la dégaine désinvolte et provocatrice de jeune en mal de reconnaissance et d'identité. L'immigration marocaine d'aujourd'hui est multiple, riche de ses différences culturelles, socio-économiques et politiques. Et c'est avec ces nouveaux Marocains du Monde que le Maroc doit désormais composer. En commençant d'abord par briser les préjugés douloureux dont les «Marocains du Maroc» les affublent. En leur offrant ensuite de véritables raisons de revenir régulièrement au Maroc, et de solides arguments pour défendre son image aux quatre coins de la planète. Sans quoi, ce sont des milliers d'ambassadeurs itinérants que le Royaume perdra dans quelques décennies. Qu'est-ce qui donnera en effet envie à un jeune Bruxellois natif du plat pays de venir passer ses vacances dans le Haut Atlas de ses aïeux quand, animé de desseins romantiques, il se retrouve traité comme une machine à sous là où il met les pieds à terre? Qu'est-ce qui motivera une jeune chef d'entreprise franco-marocaine à venir monter sa boîte à Casablanca quand elle doit payer le mouton de l'Aïd d'un douanier véreux pour sortir sa marchandise bloquée anormalement au port? Pour quelles raisons une femme au foyer melaliya, échappée du «triangle de la mort» pour mieux tomber sous les coups de son immigré de mari à Bologne, penserait-elle à faire aimer le Maroc à ses enfants quand son pays natal ne lui offre aucune assistance juridique digne de ce nom? Pourquoi des ados maroco-canadiens dépenseraient-ils les dollars épargnés durant l'année scolaire pour 7 nuitées dans un hôtel de Marrakech alors que pour un prix équivalent, ils pourraient s'offrir 15 jours sur la Costa Del Sol ou sur la côte adriatique? Que pourrait-on reprocher à un commerçant marocain de Barcelone qui inscrit ses enfants dans des cours d'arabe dans une association tenue par des islamistes radicaux algériens, quand c'est la seule «école musulmane» du quartier ?. Car, derrière les slogans publicitaires, se cachent bien des réalités peu réjouissantes. Les Marocains du Monde ont plus que jamais soif de reconnaissance. Reconnaissance de leurs problèmes spécifiques, par pays et par catégorie socio-professionnelle. Reconnaissance de leur apport matériel mais aussi immatériel à leur pays natal. Reconnaissance de leur citoyenneté marocaine à part entière et de leur droit subsidiaire à la représentativité politique. La nouvelle Constitution, plébiscitée juillet dernier, promet de répondre à toutes ces attentes. L'action sur le terrain sera-t-elle à la hauteur du texte suprême? Affaire à suivre… «Nous sommes un des pays les plus actifs dans la réflexion migratoire.» Entretien réalisé par Salaheddine Lemaizi L'Observateur du Maroc. Et si on vous demandait de faire un état des lieux succinct de l'immigration marocaine? Driss El Yazami. En deux décennies, elle a connu des transformations fondamentales dont il faut tenir compte. D'abord l'expansion démographique: au milieu des années 90, il y en avait 1,4 million, aujourd'hui nous sommes à plus de 3,4 millions. Lorsque finira le processus de délivrance des cartes biométriques, nous saurons exactement combien de Marocains vivent à l'étranger. Puis il y a eu une mondialisation et une diversification extraordinaires : 80% des Marocains du Monde (MDM) vivent en Europe, 20% vivent ailleurs. Ensuite, cette émigration est continue. 10 à 20.000 personnes quittent le Maroc légalement chaque année. En plus, il y a un bouleversement de la pyramide des âges, avec la prédominance des personnes du troisième âge et des jeunes. Plus de la moitié des MDM n'ont émigré de nulle part: ils sont nés dans leur pays de résidence. Enfin, cette émigration a changé de profils socioculturels. Elle s'est féminisée et elle est composée à hauteur de 17% de profils hautement qualifiés. Vous êtes sur le départ du CCME. Quel bilan faites-vous du travail que vous avez effectué à la tête de cet organisme ? Il s'agit de faire un bilan sur trois ans de travail, en tenant compte du diagnostic que je fais et de notre rôle qui est plutôt de réflexion et de consultation. Nous essayons de changer la conception qu'a le Maroc de son émigration et vice versa. Des deux côtés, il y a de fausses perceptions. Les MDM considèrent la société marocaine comme inerte, attardée et où rien ne marche. Nous, on a essayé de montrer, d'une part, les mutations de l'immigration marocaine en les divisant par sujets et par thèmes, et, d'autre part, la diversité de cette population et de ses attentes. Un chercheur universitaire n'a pas les mêmes attentes qu'un responsable d'un lieu de culte en région parisienne ou qu'une jeune de troisième génération. Notre travail a également porté sur la diversité des acteurs marocains. Il y a des centaines d'associations de MDM dans tous les domaines. Donc c'est une seule communauté, unie par l'appartenance, mais diversifiée par les trajectoires. Notre travail a été scientifiquement rigoureux et nous avons publié la grande majorité des actes de colloques que nous avons tenus. Je ne crois pas qu'il y ait une institution publique marocaine en charge de ce dossier qui ait publié plus de 35 livres en 3 ans. Nous donnons des éléments de connaissance. Maintenant, l'enjeu des prochaines semaines est de capitaliser ces réflexions en politiques publiques. Le premier pas dans ce sens, ce sont les réformes contenues dans la nouvelle constitution. Pour certains MDM vous avez déçu car le CCME n'a pas apporté de solutions politiques à la problématique de l'immigration au Maroc… Ces personnes n'ont pas lu le texte fondateur du conseil. Avant même de créer le CCME, nous avons organisé, en tant que CCDH, la plus grande consultation qu'un pays ait faite au monde au sujet de l'immigration. Cela s'est fait en quatre séminaires liés à la thématique de l'immigration et de la citoyenneté, à la femme, au développement et à l'identité et la culture. Et l'avis consultatif du CCDH, soumis à Sa majesté, était le prélude de la mise en place du CCME. De ce document ressortait une vision qui se résume comme suit : le principal enjeu dans le rapport du Maroc avec son immigration est celui de l'identité culturelle. On y disait que le Maroc doit trouver des réponses aux attentes d'une population qui s'enracine dans son lieu de vie, tout en gardant des racines marocaines. Un exemple : un jeune de la troisième génération à Amsterdam entend parler rifain dans sa ville et, en même temps, il fait face à des discours religieux différents. Comment peut-il se situer ? Qu'il y ait quelques acteurs parmi les MDM qui pensent que la seule question importante est celle de la participation politique et d'être parlementaire, c'est leur droit. Nous avons fait deux sondages auprès de cette population. Le premier sur un échantillon de 3500 MDM et le deuxième de 2800 MDM. L'attente politique n'est pas celle qui émerge et la diversité des MDM déclenche des attentent différentes. Quelles sont donc, plus précisément, ces attentes? La réalité historique est en train de changer devant nos yeux. Les Marocains sont en train de s'insérer dans leurs pays de résidence. La communauté qui se naturalise le plus parmi celles d'Europe ce sont les immigrants marocains. Et ce, depuis 15 ans. En même temps, cette population garde des attaches avec son pays d'origine, comme le montre le volume des transferts d'argent. Comment expliquer ce paradoxe ? C'est un paradoxe d'apparence seulement. Les MDM qui parlent de politique revendiquent une présence dans les pays de résidence. Lorsque dans la présidentielle française de 2007, les deux porte-parole des candidats de gauche et de droite sont d'origine marocaine, en l'occurrence Najat Belkacem et Rachida Dati, cela signifie quelque chose. Peut-être que c'est un hasard, mais cela reste significatif. Il n'y a pas une seule municipalité où des Marocains ne se présentent pas dans les élections. Ces personnes n'envoient pas des communiqués aux journalistes pour dire qu'ils sont mécontents du CCME ! Avec la nouvelle constitution, doit-on s'attendre à la révision de la composition du CCME ? Dans le dahir de création du CCME, on parle de période provisoire, donc ce n'est pas version définitive. Quelle que soit la structure du futur conseil, quel que soit le nombre de personnes qui y siègent, même si on en met 250, la quasi-totalité des talents marocains ne sera pas représentée. L'enjeu est d'arriver à travailler avec ceux qui ne sont pas dedans. Un des acquis de l'actuel conseil, c'est que nous avons constitué un réseau de 4000 personnes différentes. Cette idée de travailler en réseau vient de la conviction que ce conseil doit être un réseau de réseaux. Est-ce que la place consacrée par la constitution aux MDM satisfait le CCME ? Les articles liés à l'immigration dans le nouveau texte ont suscité l'enthousiasme. Je ne dis pas ça parce que je participais à la rédaction du texte, mais puisqu'ils sont le fruit direct du travail du Conseil. Quand on reconnaît la réciprocité des droits civiques et la double appartenance, c'est une empreinte du CCME. Il faut savoir que peu de constitutions dans le monde ont eu le courage d'affirmer ces principes. Ce n'est ce n'est pas un cadeau, mais la concrétisation du rôle des MDM dans le soutien de l'économie nationale... Cette consécration constitutionnelle est inscrite dans 5 articles du texte. Je ne crois pas qu'il y ait un seul pays dans le monde qui consacre autant à sa diaspora. On ne se rend pas compte, mais nous sommes un des pays les plus actifs dans la réflexion migratoire. Cette dimension est présente dans les débats, sa présence dans tous les discours royaux en est l'illustration. Lors du référendum, j'ai vu des jeunes de la troisième génération tout faire pour pouvoir voter. C'était une manière de signifier leur attachement et leur fierté de voir que le Maroc entreprend des réformes. Les MDM n'ont pas été intégrés dans la liste nationale. Etait-il possible de faire participer ces Marocains dans le jeu politique ? La liste nationale ouvre la question de la parité, qui est loin d'être tranchée. Mais en général, comment voulez-vous assurer la régularité de la campagne et d'un scrutin qui se déroule à l'étranger ? Comment un MDM habitant aux Etats-Unis peut bien assurer son travail de député? Les élections, ce sont des règles, une campagne et une présence régulière dans le parlement en tant que député. Le droit de vote est garanti pour se présenter. Le MDM peut le faire, comme tout citoyen marocain, à partir du Maroc. Là où il y a débat, et qui nécessite de plancher dessus, c'est de faire des circonscriptions à l'étranger. Et ça, ce n'est pas si simple à appliquer. MRE, la manne intarrissable Karim Rachad L'économie marocaine est redevable pour une grande part aux transferts des six millions de Marocains résidant à l'étranger. De 23 milliards il y a encore cinq ans, ces transferts ont atteint 54 milliards de dirhams en 2010. Ainsi, les MRE participent au PIB à hauteur de 8%. Leurs transferts équivalent à 40% de la valeur des exportations et absorbent 80% du déficit commercial. Selon le Centre marocain de conjoncture (CMC) «les transferts financiers effectués par les Marocains résidant à l'étranger représentent un enjeu important pour l'économie marocaine non seulement en tant que soutien au revenu des ménages mais aussi et surtout en tant qu'apport supplémentaire en épargne et en tant que ressource essentielle en devises». L'importance de la contribution des MRE n'est pas seulement une force. Elle peut aussi être considérée comme une source de fragilité dans la mesure où l'économie marocaine est fortement dépendante de ces transferts. D'ailleurs, à l'occasion de la réforme constitutionnelle, l'importance des MRE n'a pas échappé aux rédacteurs du nouveau texte qui ont pris en compte la population expatriée. Le Conseil de la communauté marocaine de l'étranger a été constitutionalisé, ce qui lui donne une présence plus forte dans les institutions marocaines. Une réponse aux revendications des MRE qui veulent que leur poids politique corresponde au poids économique de leurs transferts. La question, qui était au départ purement économique, s'est transformée en question politique, au fur et à mesure que les MRE prennent conscience de leur position. Pour le Maroc, le challenge est très grand. Les nouvelles générations de Marocains à l'étranger n'ont pas les mêmes attaches avec le pays que les générations des pères et des grands-pères. Nés dans les pays d'accueil, ils y sont parfaitement intégrés et, parfois, ils ne connaissent de leur pays d'origine que les histoires que leurs racontent les aînés et les quelques semaines de vacances. Sur la base de ces faits, les analystes n'hésitent pas à prévoir une baisse graduelle des transferts. Néanmoins, à l'heure actuelle, il est difficile de prévoir le tarissement de cette manne. D'une part, les transferts ont continué à augmenter et d'autre part, les efforts fournis par l'Etat pour maintenir le lien avec la communauté marocaine à l'étranger ne sont pas sans effet. La méthode a elle-même changé. Les MRE sont incités à s'intéresser à leur pays non pas comme source de devises mais, plus encore, comme investisseurs. D'ailleurs certains d'entre eux ont réalisé des investissements tellement importants qu'ils ont changé de dimension pour investir à l'international. Pour le moment, il est vrai que les motifs d'inquiétude ne sont pas légion. Selon une étude de l'Institut nationale de statistiques et d'économie appliquée, 9 MRE sur 10 déclarent effectuer des transferts réguliers. En outre, 34% environ des personnes ayant répondu à l'enquête ont déclaré transférer plus du tiers de leurs revenus au pays d'origine. En moyenne, les MRE ont transféré entre 10.000 et 50.000 DH chacun entre 1996 et 1998. 13% d'entre eux ont transféré plus de 100.000 DH. Pour sauvegarder cet apport important pour l'économie marocaine, l'Etat essaie d'innover. Une étude du ministère de la Communauté marocaine à l'étranger a été lancée pour définir la stratégie de mobilisation des MRE. Les difficultés qui se dressent devant les transferts ont été recensées, identifiant déjà un gros obstacle : le coût élevé du transfert. Par ailleurs, la même étude a révélé que les MRE sont réticents à investir des projets locaux. L'investissement continue à souffrir de blocages institutionnels et de l'indisponibilité du MRE pour prospecter et réaliser son projet. Réactions Jamal Eddine Ryane Président du Mouvement des MRE démocrates, Responsable medias et Communication au Forum civil des Marocains d'Europe. Le vote par procuration n'est vraiment pas une bonne idée. Je n'abuserai pas en disant que cela pourrait virer à la catastrophe. Personnellement, qui pourrait me garantir que mon choix sera respecté et que je ne serai pas victime de rouages ? Dans ce genre de question, soit on est citoyen marocain, soit on ne l'est pas. Bien qu'une nouvelle constitution ait été adoptée et malgré tous les discours royaux qui ont été faits sur la question, la situation des MRE est toujours louche. Et dire qu'on a eu l'idée de créer un nouveau parti pour les MRE. On est dans le flou total. Comment 5 millions de Marocains résidant à l'étranger pourraient-ils faire confiance à un nouveau parti tandis que les trente autres qui composent l'échiquier politique n'ont toujours pas prêté attention à leur situation ? Excusez- moi messieurs les créateurs du nouveau parti. Actuellement, on a plus besoin d'être intégré dans la politique intérieure, de faire partie des listes nationales et de gagner une place dans le pays d'accueil. On a envie que les prochaines générations des MRE soient fières de leurs pays d'origine. Parce qu'en continuant dans cette voie sombre, nos enfants couperont court le contact avec le Maroc. C'est dommage… Aujourd'hui, on doit militer. Il ne faut pas oublier qu'on est des agents d'import de la devise. Le Maroc compte vraiment sur ses MRE. Pourquoi les fait-il fuir alors ? En 2009, j'ai intégré le mouvement «Daba 2012 pour tous» qui a pour but l'intégration des Marocains du Monde dans le processus de décision politique dès les législatives de 2012. Les responsables nous ont ensuite promis plus de représentativité politique. En vain. On est en 2011 et on se plaint encore de dénigrement politique. On exige que la nouvelle constitution soit établie. Sommes-nous représentés au CCME, au CCE, au CNDH ou à la Fondation Hassan II ? Malheureusement non. Pourquoi on n'encourage pas la participation des MRE dans la politique intérieure ? On n'a pas besoin du parlement, on exige une représentativité dans la chambre des conseillers. Il est temps qu'on soit considéré comme de vrais citoyens. D'urgence ! HAMZA SAQRI élève-ingénieur, école polytechnique de Montréal et jeunesse USFP. En tant que citoyen marocain résident a l'étranger, je considère que le vote par procuration n'est pas crédible et me prive de mes droits citoyens tels que prévus dans la nouvelle constitution marocaine qui permet au marocains du monde de se présenter aux circonscriptions nationales et de participer au scrutin afin d'évoluer vers une représentativité au parlement. Ceci d'une part. D'autre part, le vote par procuration facilite la manipulation des votes et la corruption. En ce qui concerne la représentativité, je crois que le discours royal exposant les grandes lignes de la constitution était clair sur le fait de donner aux MRE leurs droits politiques de vote et de candidature aux circonscriptions nationales et de fournir les conditions efficaces pour assurer l'efficacité de leur représentation au parlement. Pour ce qui est du projet électoral de parti des marocains du monde, la commission du programme partisan n'a pas encore terminé ses délibérations et je pense que ce ne sera que l'achèvement des projets et chantiers initiés par deux ministres socialistes antérieurs. Abderrahim Khouibaba - Canada Directeur du Maghreb Observateur On refuse que les votes lors des prochaines élections législatives du 25 novembre 2011 soient falsifiés. D'ailleurs, cette nouvelle mesure du vote par procuration faciliterait bien la tâche. Les MRE n'exigent que leurs droits. Ils veulent que leur voix soit entendue, qu'ils aient plus de représentativité politique et qu'ils élisent eux-mêmes leurs représentants. Sur cette question précisément, c'est le flou total. Tous ces gens qui sont censés parler en notre nom ne représentent que ceux qui les nomment. Comment pourrait-on leur faire confiance alors qu'ils sont élus sans notre accord ? De toute façon, comme la plupart des MRE, j'estime que la nouvelle constitution n'a pas été claire sur notre sujet. Même dans son discours, le Roi a parlé de «constitutionnalisation», pas de «démocratisation». On a besoin d'une vraie démocratie pour faire bouger les choses. Prenons l'exemple de la Tunisie qui vote par internet. Sommes-nous loin de ce système ? Tout le monde est conscient que le Maroc a besoin de l'argent de ses MRE pour pallier ses problèmes (pauvreté, santé…). On n'a pas besoin de ces fêtes dans nos pays de résidence pour se rappeler du Maroc. On n'en veut plus ! Ils croient qu'ils nous font plaisir. Mais ils doivent comprendre qu'à présent, notre voix doit se faire entendre au-delà des frontières. Je ne veux ni être élu, ni représenter la communauté marocaine à l'étranger, mais j'exige de vivre dans une vraie démocratie, loin de toute manipulation. Maintenant, on veut juste reprendre confiance en notre pays. Je comprends maintenant la raison pour laquelle les gens ne votent pas. On n'a même pas besoin d'un nouveau parti. Les trente autres existants suffisent largement. Si le Maroc s'inquiète que nous suivons les partis islamistes, qu'il se détrompe. Personnellement, je n'ai jamais visité une mosquée. Youssef Seddiki - Canada Directeur des comptes PME dans une compagnie de cellulaires Je trouve que le vote par procuration est une bonne idée pour encourager les gens à donner leurs voix et choisir leurs représentants. Mais si le consulat est accessible et que mes horaires me le permettent, je préfère y aller moi-même. Le vote par procuration encourage les gens qui ont un empêchement de boulot ou de déplacement à exprimer tout de même leur voix. Cette nouvelle mesure donne une bonne image politique au Maroc à l'étranger. Pour les gens qui refusent ce changement, j'estime personnellement que les MRE en général ne sont jamais satisfaits des changements établis ou des nouvelles mesures prises. C'est devenu une habitude pour la communauté marocaine dans le monde de se plaindre et de contester tous les changements. Malheureusement, on n'est jamais content. Pour les listes nationales, les MRE doivent avoir le droit de se présenter comme tout citoyen marocain. Mais personnellement, cela ne m'intéresse pas. Je crois que c'est à cause de mon pays de résidence. Contrairement aux Marocains des pays européens, ceux du Canada sont délaissés, moins informés sur l'évolution de la situation des MRE. Ici, on est livrés à nous-mêmes. Le consulat est désormais plus accessible, mais on sent toujours que les choses ne sont toujours pas au beau fixe. Abdou El Menebhi – Pays-Bas Directeur du centre euro-méditerranéen de migration et de développement (EMCEMO). Membre du CCME. Voter par procuration ? Plutôt mourir. Ce n'est vraiment pas une bonne idée. Comment pourrait-on avancer en donnant le droit de vote à quelqu'un d'autre ? Ont-ils peur que le taux de participation soit faible ? Ce n'est nullement une raison valable. D'ailleurs, je peux vous assurer que cette nouvelle mesure n'est pas au goût des MRE. Un marocain résidant à l'étranger peut facilement aller voter s'il en a l'envie. Je trouve que c'est une mesure illégitime qui établit une politique de plus en plus malsaine. Le Maroc entretient un dialogue de sourds avec ses MRE. N'a-t-il pas confiance en leur représentativité ? Parce que même quand on demandé à ce que 10% de la population de la communauté marocaine soit inclus dans la liste nationale, personne n'a été à l'écoute de nos propositions. On a le droit de participer à l'avancement de notre pays. Malheureusement, le gouvernement ne laisse croire à aucune volonté politique. L'intégration des MRE dans les listes nationales est une grande valeur ajoutée pour les partis politiques et pour tout le système. Pourquoi parler maintenant de création de nouveau parti pour les MRE ? Moi je l'appellerai plutôt un «parti de ghetto». On n'est pas une communauté à part. On est des marocains à part entière qui refusent d'être mis à l'écart. On a envie d'aider le pays, de jouer notre rôle de citoyens, de défendre nos droits et de militer pour établir cette représentativité politique qui n'a jamais existé pour nous. On refuse de tomber dans le piège du passé. Même la nouvelle constitution n'est pas crédible quand elle traite la question des MRE. On est considéré comme des citoyens de seconde zone. Malheureusement, on nous pousse à nous radicaliser ou à carrément intégrer le mouvement du 20 février. Peut-être que cela pourrait enfin les secouer ! Mjid El Guerrab Membre du Conseil fédéral du Cantal au Parti socialiste - France. Je trouve que la nouvelle mesure du vote par procuration est une excellente idée. C'est une bonne option dans les pays démocrates. Même si l'idéal reste d'aller voter en personne. Maintenant, tout le monde est conscient que les MRE représentent une grande force sociale, économique et culturelle pour le Maroc. Parler d'inexistence de représentativité politique des marocains n'est pas dénué de tout fondement. Quelles répercussions sur le Maroc si ses MRE participaient à la politique intérieure du pays ? C'est une question de faisabilité. On doit construire le fondement d'une démocratie vivante pour que les MRE puissent participer au développement de leur pays. *Il faut tout de même faire attention pour ne pas brûler les étapes. On a besoin de temps pour que les MRE réussissent à avoir leur place dans les listes nationales. D'ailleurs, la création d'un parti pourrait contribuer à la réussite de cette démarche. J'avais parlé avec les dirigeants du projet sur le sujet. Mais on devrait éviter de tomber dans le communautarisme en créant ce semblant de mouvement. Je refuse qu'on fasse la distinction entre les MRE et les marocains du pays. On a besoin d'un parti qui nous représente. Il est temps de faire bouger les choses. La politique qui fâche noura mounib L'article 69 du code électoral ramène du nouveau. Aujourd'hui, les Marocains résidant à l'étranger n'ont qu'à désigner un délégataire qui procédera au vote à leur place le 25 novembre 2011, date du prochain scrutin pour l'élection des membres de la Chambre des représentants. Conformément à cet article, les MRE sont tenus de remplir des formulaires disponibles aux consulats et aux ambassades du Maroc dans le monde. Chaque délégataire n'a le droit de voter que pour un seul électeur MRE. Si le gouvernement estime que c'est une bonne mesure pour plus de représentativité politique pour les 5 millions de Marocains de l'étranger, ces derniers remettent ce changement en question et approfondissent le débat. Contre la constitution «Comment peut-on faire confiance et permettre ainsi le vote par procuration ? C'est aberrant», se plaint Souad, Marocaine résidant en France depuis plus de 20 ans. Ce médecin estime que cette mesure ne fera que creuser le fossé entre le Maroc et ses MRE. «Pourquoi n'a-t-on pas proposé d'intégrer les MRE dans les listes nationales des partis politiques ? Nous sommes des citoyens marocains à part entière. Cette discrimination n'est plus à notre goût» ajoute-t-elle. Même son de cloche chez la plupart des Marocains de l'étranger qui souffrent de dénigrement et qui estiment que le Maroc paiera le prix fort lorsque les prochaines générations couperont tout contact avec leur pays d'origine. «Si l'on se rappelle du 1er juillet 2011, jour du référendum constitutionnel, les MRE ont répondu présent à l'appel citoyen. Cela prouve que cette catégorie de Marocains qu'on représente reste attachée à la mère patrie et compte vivement participer à la construction de l'avenir», soutient Karim, Marocain résidant en Hollande. Maintenant, alors que les voix s'élèvent contre cette nouvelle mesure de vote par procuration, les MRE s'insurgent et clament leur droit de jouir de leurs droits, y compris celui d'élire leurs représentants au parlement marocain à partir de leurs pays de résidence. Un nouveau parti Quelques mois après l'adoption d'une nouvelle constitution qui reconnaît le droit de vote et l'éligibilité des Marocains résidant à l'étranger, un nouveau parti s'ajoute aux partis qui composent l'échiquier du pays : «La coalition pour la patrie». Créé par des cadres résidant à l'étranger, ce parti pour MRE compte proposer une nouvelle conception de la pratique politique au Maroc. Si le programme reste à définir, ce nouveau parti aspire à une collaboration du plus grand nombre de MRE de différentes idéologies pour un projet sociétal d'un pays démocratique et moderne. Il compte également traiter tous les problèmes rencontrés par les Marocains de l'étranger et s'attaquer à la question de la représentativité relative de ces 5 millions de gens à travers le monde. Maintenant, si le parti verra le jour dans quelques mois, 130 sur 5 millions de Marocains résidant à l'étranger seulement auront intégré le projet. Des cadres pour la plupart, dont des élus locaux en Europe, d'origine marocaine. Ce détail prouve que ce projet de parti n'a pas réussi à convaincre les millions de MRE à travers le monde. D'ailleurs, rien ne plaide pour l'instant en sa faveur, alors que la principale revendication des Marocains de l'étranger actuellement est d'intégrer les listes nationales des partis déjà existants.