Déjà repoussé à 9 reprises, le procès d'Ali Aarrass devrait enfin débuter jeudi prochain. Suspecté d'appartenir au réseau terroriste Belliraj, ce citoyen maroco-belge risque jusqu'à 20 ans d'emprisonnement. Depuis le début de l'affaire, ses avocats dénoncent le manque de transparence dont fait preuve la justice marocaine. Incarcéré en Espagne depuis avril 2008 pour des liens présumés avec le réseau terroriste Belliraj, Ali Aarrass (47 ans), citoyen belge d'origine marocaine, a été extradé au Maroc en décembre 2010. Plusieurs fois repoussé, ce qui est décrit comme le «Le procès de la torture» va enfin avoir lieu jeudi prochain, à la cour d'appel de Rabat-Salé, selon un communiqué diffusé par ses avocats ce lundi. Une accusation lourde, mais un dossier léger Contactée par nos soins, Maître Dounia Alamat, avocate de la défense, explique que les chefs d'accusations retenus par la justice marocaine contre Ali Aarrass sont la participation aux activités d'un réseau terroriste, et le trafic d'armes. La juriste s'étonne cependant du fait que le dossier ne présente pas d'éléments tangibles pour soutenir une telle accusation. «Si on était en Belgique, il n'y aurait même pas de dossier», nous a-t-elle déclaré au téléphone. En effet, toujours selon Me Alamat, l'accusation se fonderait principalement sur le fait qu'Ali Aarrass aurait rencontré Abdelkader Belliraj en Belgique en 2005. Le dossier ne présenterait aucun élément prouvant qu'une telle rencontre a eu lieu, ni même que la conversation entre les deux hommes portait sur une éventuelle collaboration dans des projets terroristes. Autre élément qui retient l'attention dans cette affaire. La justice marocaine aurait ordonné l'arrestation d'Ali Aarrass après que le nom de ce dernier ait été cité dans des témoignages de membres du réseau Belliraj, dont un certain Ben Jettou. A la demande des avocats, une confrontation aurait eu lieu entre ledit Ben Jettou et Ali Aarrass, au terme de laquelle il a été avéré que les deux hommes ne se connaissaient pas. «Etrangement, le dossier ne porte aucune trace de l'audition de Ben Jettou», a déclaré Me Alamat. Plusieurs violations Outre le flou épais autour des raisons ayant motivé l'arrestation d'Ali Aarrass, plusieurs irrégularités ont été constatées depuis son incarcération jusqu'à son extradition. «Le 26 novembre 2010, le Comité des Droits de l'Homme des Nations-Unies a officiellement demandé à l'Espagne de ne pas extrader Ali Aarrass vers le Maroc, en raison du risque sérieux et avéré qu'il subisse des mauvais traitements», rapporte le communiqué. Malgré cela, il sera extradé vers le Maroc, ce qui pour Me Alamat, constitue «une violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques», de la part de l'Espagne. De plus, le magistrat Espagnol Baltasar Garzon, qui a instruit le dossier au niveau de l'Espagne, aurait blanchi Aarrass des accusations qui pesaient sur lui. La justice espagnole pouvait donc le relacher lors que la période de détention légale a expiré. «Au lieu de cela, ils ont préféré le renvoyer devant la justice marocaine, malgré la menace avérée de torture». On constate également que l'extradition d'Ali Aarrass, le 14 décembre 2010, s'est faite sans que ni sa famille, ni ses avocats n'en soient informés. «Ce sont des journalistes espagnols qui ont appelé son avocat pour lui demander ce qu'il pensait de l'extradition de son client. Il n'en savait rien», nous a encore déclaré Me Alamat. Entre le 14 et le 24 décembre 2010, personne n'aurait eu de nouvelles d'Ali Aarrass, qui aurait passé cette période avec des agents des services secrets marocains. Ces derniers lui auraient fait signer des aveux sous la torture. Ces aveux auraient d'ailleurs été rédigés en arabe, langue que ce dernier ne comprend pas. Depuis qu'il a pu rencontrer ses avocats, Ali Aarrass n'a pas cessé de clamer son innocence. Il a d'ailleurs déposé une plainte contre les sévices qui lui ont été infligés. «Aucune enquête n'a été ouverte, nous avons été surpris de recevoir une lettre du procureur qui a décidé de ne pas donner suite à la plainte, alors qu'il peut identifier ses tortionnaires. C'est pourtant facile d'obtenir une expertise médicale, puisqu'il porte encore des séquelles physiques et psychologiques de sa détention». Sur la base de ces différents éléments, la défense va donc tenter de se faire entendre une nouvelle fois ce jeudi, alors que le procès a déjà été repoussé à 9 reprises, selon le communiqué des avocats d'Ali Aarass. Un verdict est attendu le jour même. Ali malgré l'apparente légèreté de l'instruction de ce dossier, Ali Aarass risque jusqu'à 20 ans d'emprisonnement.