Grâce à la mobilisation d'une seule personne, les camps de Tindouf vivent ces derniers jours sur le rythme d'un scandale financier, amplifié par de précédentes révélations sur la corruption des dirigeants du Front Polisario concernant le partage du carburant offert par l'Algérie. L'année 2019 commence mal pour le Front Polisario. Alors que le mouvement séparatiste n'a toujours pas digéré l'approbation, par le Parlement européen, de l'accord agricole entre le Maroc et l'Union européenne, il doit désormais faire face à la colère des Sahraouis dans les camps. A l'origine de cette nouvelle affaire : le détournement de 2,5 millions d'euros d'aides accordées par l'Algérie. Dimanche, le média Pro-Polisario Futuro Sahara a fustigé les magouilles des dirigeants des camps de Rabouni, mettant en avant un «scandale de corruption révélé par un député». Ainsi, le média rapporte qu'après des années de gonflement de budget et de gaspillage d'argent, le Front se trouve dans l'impasse. Il est en effet dans l'incapacité de justifier des dépenses relatives à une subvention offerte par l'Algérie. Le mouvement de Brahim Ghali n'a pas pu «couvrir les incohérences entre son budget général et les rapports financiers de divers secteurs» pour l'année 2018. «Cela prouve l'étendue de la corruption et son enracinement dans les institutions, avec la bénédiction du Front, loin de tout contrôle du peuple», poursuit-il. Des scandales révélés par les relais du Polisario Ce scandale a été révélé par un «élu» dans les camps de Tindouf. Dans une réunion du «parlement sahraoui», Eddih Ennoucha a ainsi demandé d'interroger le gouvernement sur la dilapidation de ce fonds, menaçant de protester publiquement. «Ce scandale a carrément éclipsé le choc de la décision prise par le Parlement européen», poursuit le média qui rapporte aussi la colère des Sahraouis ayant soutenu Eddih Ennoucha et dénoncé ce détournement de fonds. Ce n'est pas la première fois qu'un relai médiatique du Polisario dénonce la corruption au sein des camps de Tindouf. La semaine dernière, le même média a mis en avant le partage illégal du carburant offert par l'Algérie à la direction du Polisario, faisant état d'une guerre froide entre les différents «ministères» du Polisario. Le média a dénoncé le monopole établi par la «direction chargée des carburants» sur une denrée offerte gratuitement par le voisin de l'Est au Polisario, mais vendue aux Sahraouis. Il a aussi rappelé que «seules 80 tonnes de fuel parviennent aux Sahraouis sur un total de 300 tonnes offertes mensuellement par l'Algérie». Son confrère Adamir fait état, dimanche, d'une flambée des prix des carburants, qui triple entre les villes algériennes et Tindouf. Egalement pro-Polisario, le média a critiqué à son tour le partage des carburants entre les dirigeants, fustigeant au passage l'impact de cette corruption sur les Sahraouis des camps et la passivité de la direction du front. Le mouvement de Brahim Ghali vit lui-même une crise Pour Mustapha Salma Ould Sidi Mouloud, contacté ce lundi par Yabiladi, ces affaires de corruption «mettent le Polisario face un problème de crédibilité». «Sans ce parlementaire, ayant refusé d'approuver le budget sans contrôle, ce scandale n'aurait pas été soulevé», rappelle-t-il. L'ancien inspecteur général de la police du Front Polisario, exilé en Mauritanie, nous informe que «la majorité des élus du Polisario ne voulaient pas enquêter sur cette affaire». «Ce n'est qu'un déficit financier de 2018 sachant que cela est monnaie courante depuis de nombreuses années. Nous n'avons pourtant jamais vu de responsables sanctionnés pour ces malversations financières.» Mustapha Salma Ould Sidi Mouloud Quant à l'affaire des carburants, notre interlocuteur n'hésite pas à pointer un réseau de contrebande qui exporte le carburant offert par l'Algérie vers la Mauritanie voisine. Il précise que les éléments du Polisario profitent d'un prix du baril de gasoil s'élevant à près de 200 dollars dans le nord mauritanien. «La situation est critique. Avec l'absence de perspective et la grogne sociale, surtout parmi les jeunes exaspérés par le chômage, l'Algérie tente, elle-aussi de faire pression sur le Front pour éviter toute forme de protestation», estime Mustapha Salma. Pour ce dernier, «le Front vit lui-même une crise à cause de la faiblesse de son dirigeant et l'incapacité des factions à trouver un remplaçant avant la fin de cette année».