Le chef du Front Polisario, Brahim Ghali, a désigné dimanche Mohammed Wali Oekaki à la «Primature». Il remplace ainsi Abdelkader Taleb Oumar, qui a occupé ce poste depuis 2003. Mustapha Salma Ould Sidi Mouloud nous livre un premier décryptage. Interview. Annoncée dimanche, la nomination d'un nouveau «Premier ministre» au sein du Polisario par Brahim Ghali suscite les interrogations sur les circonstances de l'éviction d'Abdelkader Taleb Oumar. Pour comprendre les raisons derrière cette initiative, Yabiladi s'est entretenu avec Mustapha Salma Ould Sidi Mouloud, ancien inspecteur général de la police du Front Polisario et revenant des camps de Tindouf Quelles sont les motivations d'Ibrahim Ghali derrière la nomination de Mohammed Wali Oekaki au poste de «Premier ministre» ? La nomination d'un nouveau Premier ministre au sein du gouvernement du Polisario était attendue. Elle aurait été annoncée tôt ou tard pour plusieurs raisons. Tout d'abord, Abdelkader Taleb Oumar a occupé ce poste pendant plus de 15 ans. Ensuite, la faible infrastructure et les services au sein des camps de Tindouf ne se sont pas améliorées sous son gouvernement. De plus, la corruption ronge l'administration du Front. Enfin, le nouveau dirigeant du Polisario veut se tailler un Premier ministre à sa mesure, pour que ce dernier lui reste inconditionnellement loyal. Mohammed Wali Oekaki est issu du deuxième rang de la direction du Polisario. Celui-ci est constituée de la composante tribale du nord des camps, la même qui appuie le mouvement dans les provinces du sud du Maroc, en périodes troubles. Par ailleurs, la nomination de ce Premier ministre est un message clair aux populations des camps, selon lequel Ibrahim Ghali est capable de créer un changement. C'est également un message aux tribus Tekna, faiblement représentées au sein des instances politiques du Polisario, depuis le décès de Mahfoud Ali Beiba en 2010. Donc, cette nomination est fortement empreinte d'une dimension tribale ? Oui, la dimension tribale y est bien présente. L'équation du pouvoir au sein du Front octroie la présidence à Reguibate. La primature, elle, est accordée aux autres tribus sur la base d'un principe d'alternance. Habituellement, le Premier ministre est issu des tribus du nord (Tekna) ou du sud (Oulad Dlim) et parfois des Aroussiyne. Le système politique du Polisario est clairement construit sur la base d'équations tribales. La décision de désigner Mohammed Wali Oekaki traduirait-elle des divergences en interne ? Les divergences au sein du Polisario existent toujours. D'ailleurs, les nominations au sein du nouveau gouvernement ne feront certainement pas l'unanimité. Mais en attendant que la composition de l'exécutif soit connue justement, il est difficile de déterminer la nature des divergences actuelles. Pensez-vous qu'Alger a joué un rôle dans cette nomination ? Je ne vois pas de signes d'intervention de l'Algérie dans la décision de Brahim Ghali. Mohammed Wali Oekaki a longtemps été le directeur du renseignement du Front, mais il ne fait pas partie du clan du Polisario influencé par Alger. Par cette nomination, le chef du Front veut surtout montrer que c'est lui le dirigeant, qu'il a le contrôle sur tout. En effet, le Premier ministre est responsable des budgets et des programmes d'aide aux camps. L'ancien chef du gouvernement avait la plus forte influence, une personnalité plus affirmée et un réseau de contacts plus importants que celui de son successeur.