A l'issue de leur entretien avec Emmanuel Macron pour l'organisation de l'islam de France, des responsables du Conseil français du culte musulman se montrent plus apaisés, après les inquiétudes qu'ils avaient formulées début décembre dernier. Malgré les craintes qu'ils avaient initialement formulées, les cinq responsables du Conseil français du culte musulman (CFCM), reçus jeudi 7 janvier à l'Elysée par Emmanuel Macron, sont ressortis satisfaits. «Rassuré», a confié au Monde Anouar Kbibech, vice-président du CFCM, qui s'est dit également «ouvert à la discussion». Et de souligner : «Le président nous a assuré que ce ne sera pas une loi anti-islam.» Au cœur de leur entretien : l'organisation de l'islam de France. Un vaste chantier qui s'articule autour de cinq axes, explique l'Elysée au Monde. Parmi eux, il en est un qui cristallise toutes les tensions : la réforme de la loi de 1905 de séparation des Eglises et de l'Etat, afin de «conforter, par la loi, le principe de laïcité», poursuit-on de source élyséenne. Plutôt qu'une révision, il s'agirait d'un «renforcement de la loi». L'objectif serait notamment d'«assurer la transparence et un meilleur contrôle du financement des lieux de culte en incitant les associations gestionnaires à quitter leur statut associatif de loi 1901, de type culturel, dont relèvent plus de 90% des mosquées, à un statut de loi 1905, de type cultuel, jusqu'à présent plus contraignant», résume Anouar Kbibech, vice-président du CFCM, reprenant les explications du ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, présent, aux côtés du Premier ministre Edouard Philippe, lors de l'entretien. La crainte d'un retour en arrière Certains représentants des cultes sont vent debout contre tout amendement à la loi de 1905, redoutant une «atteinte à la laïcité». Ils y voient une «tentative d'ingérence de l'Etat dans les affaires du culte, et de l'Islam en particulier». Les associations laïques montent également au créneau : certaines ont récemment signé une pétition, baptisée «appel des 113», «contre toute modification» de la loi de séparation des Eglises et de l'Etat. «L'organisation d'un culte et a fortiori ses principes théologiques ne regardent pas l'Etat mais les croyants et les pratiquants. La transparence du financement privé des cultes peut être assurée par des mesures de police fiscale et par des contrôles étroits autorisés par les lois françaises», revendiquent notamment les signataires. A l'Elysée, on tempère : «Il ne s'agit pas de revenir sur les fondamentaux de cette loi mais de l'adapter aux réalités d'aujourd'hui», tout en «responsabilisant davantage les acteurs religieux». De son côté, le président du CFCM, Ahmed Ogras, tente de se rassurer : «Le président nous a assuré que rien n'était encore défini. Nous sommes dans une phase d'échanges, de "co-construction"». «Il ne prendra pas la parole sur le sujet avant d'avoir trouvé un consensus», confie-t-il encore au Monde. Pour rappel, lors d'un congrès organisé par le CFCM dimanche 9 décembre à l'Institut du monde arabe (IMA), à Paris, les responsables des fédérations de la deuxième religion de France s'étaient montrés réticents à l'idée d'un amendement de la loi de 1905. Ils avaient fait part de leurs craintes que le culte musulman fasse l'objet d'un traitement différent des autres, et mis en garde contre la tentation «d'une immixtion de l'Etat dans les affaires cultuelles», précise le quotidien. «Le CFCM redoute un retour en arrière, inspiré par une vision sécuritaire du culte», avait déclaré Ahmet Ogras.