Le 18 décembre marque la Journée internationale des migrants. Cette année, l'Organisation des Nations unies la place sous le signe de la dignité. Ce principe a-t-il accompagné tous les aspects de la politique migratoire du Maroc ? Cette année, la commémoration de la Journée internationale des migrants (18 décembre) est placée par l'ONU sous le thème «migration avec dignité». Cette campagne, portée notamment par l'OIM, rappelle que «près de 3 400 migrants et réfugiés ont perdu la vie» en 2018. «Traiter chaque migrant avec dignité est l'une des exigences fondamentales qui doit guider chacune de nos actions», soutient l'agence onusienne. Celle-ci indique que «la migration est le grand enjeu de notre époque» et qu'elle «représente également un moteur pour la dignité, car elle permet aux individus de choisir de participer plutôt que de s'isoler». Une semaine après le vote du Pacte de Marrakech par les Etats membres de l'ONU, l'OIM appelle à l'occasion de cette journée à ce que les migrations «soient sûres, régulières et dignes pour tous». La protection et l'autonomisation des mineurs Entre Rabat et Casablanca, Diop Mountaga, juriste de formation, préside l'Association Kirikou Maroc, dont l'action est portée sur la dignité des migrants et particulièrement les mineurs parmi eux. Il explique à Yabiladi que son association a réussi à «intégrer un nombre de mineurs isolés qui étaient dans une situation de vulnérabilité, en les accompagnant dans la création de projets de vie». «80% des mineurs que nous avons pris en charge ont réalisé un projet de vie, mais nous accueillons un nombre limité pour les encadrer et les accompagner plus efficacement, en veillant à une certaine parité entre les filles et les garçons, les enfants marocains et les migrants.» Diop Mountaga, président de l'Association Kirikou Maroc S'il n'existe pas de chiffres officiels concernant le nombre de mineurs étrangers présents au Maroc, l'association identifie «20 à 30 nouveaux cas par mois» à son niveau. «La plupart restent dans l'invisibilité pour se protéger et il est donc difficile de les comptabiliser, mais cette année, un grand nombre de primo-arrivants a été accueilli à Casablanca», souligne Diop Mountaga qui espère «installer une structure d'accueil et de prise en charge à Nador». Mais malgré ce travail, l'accompagnement des mineurs en errance pour leur garantir protection et encadrement ne bénéficie pas de politiques publiques clairement définies, ce qui pousse nombre de ces enfants à vivre en situation de rue, où ils sont exposés à la consommation de drogues, à la délinquance ou à l'exploitation. C'est le point de vue de Khadija Inani, vice-présidente de l'Association marocaine des droits humains (AMDH), qui rappelle par ailleurs que des mineurs marocains en Espagne et en France ont été reconduits ou menacés de l'être. Une année 2018 marquée par les «bavures policières» Contactée par Yabiladi, la militante estime que «l'année 2018 a connu beaucoup de régressions en matière de droits des migrants et des réfugiés dans notre pays, malgré les déclarations de l'Etat sur le respect de ces droits-là». «Depuis au moins l'été dernier, nous avons été confrontés à de nombreuses violations. Des ressortissants subsahariens ont été déportés du nord vers d'autres régions. Ils ont vécu des bavures et des interventions policières à l'intérieur de leurs maisons, où ils ont été dépouillés de leurs biens.» Khadija Inani, vice-présidente de l'AMDH La vice-présidente de l'AMDH fait aussi état de «détentions arbitraires qui ne sont pas le résultat d'une décision de justice, avec les garanties nécessaires au respect des droits des migrants ayant été visés». Elle souligne que «ces enfermements se sont faits dans l'illégalité et dans des espaces qui ne sont pas destinés à cela, comme dans le centre d'estivage d'Arekmane qui dépend du ministère de la Jeunesse et des sports». Khadija Inani rappelle aussi «les déclarations de l'Etat marocain affirmant que toute personne qui tente de traverser illégalement la frontière sera refoulée vers son pays d'origine». Dans ce sens, elle précise que «cela s'est fait d'une autre manière en coopération avec l'OIM à travers son programme de retour volontaire». «Nous ne pensons pas qu'un migrant ayant vécu des épreuves aussi difficiles pour arriver au Maroc décide ensuite de rentrer volontairement chez lui, alors que la plupart fuient des zones de conflit, des guerres, une persécution politique ou d'un autre problèmes», affirme encore Khadija Inani. Des disparités entre «discours et réalité» C'est pour ces raisons que Mohamed Benaïssa, président de l'Observatoire du nord pour les droits de l'Homme (ONDH), soulève auprès de Yabiladi «une différence entre le discours et la réalité». «Le Maroc n'a pas modifié sa législation depuis un certain temps, à l'exception de son accord avec l'Espagne prévoyant l'expulsion vers le Maroc des migrants subsahariens ayant franchi la clôture de Ceuta et de Melilla», déplore le militant. Bien que le Maroc ait confirmé à plusieurs reprises qu'il est devenu de plus en plus un pays d'accueil, «les attitudes du ministère espagnol de l'Intérieur ou encore de l'agence de surveillance des frontières de l'UE, Frontex, indiquent bien le contraire», selon Mohamed Benaïssa. Depuis 2013, le Maroc dispose d'une Stratégie nationale de l'immigration et de l'asile, dans le cadre de laquelle deux opérations de régularisation de migrants ont été effectuées. Par ce biais, près de 50 000 personnes ont obtenu un titre de séjour. Cependant, Mohamed Benaïssa considère que «le Maroc est devenu un garde-frontière attitré de l'Europe, surtout qu'il bénéficie du soutien politique et financier de l'UE, notamment en matière de contrôle aux frontières et de réduction du flux migratoire de l'Afrique vers l'Europe».