Depuis plusieurs années en Espagne, les examens osseux sur les mineurs étrangers en errance posent la question de la fiabilité de cette expertise, dont le taux d'erreurs reste élevé. Le dernier cas en date est celui d'une Marocaine de 16 ans, sortie d'un centre de protection puis réadmise. C'est l'histoire d'une mineure marocaine isolée en Espagne, mais elle peut être celle de plusieurs parmi ces jeunes en errance de l'autre côté de la Méditerranée. Ses papiers prouvant qu'elle a moins de 18 ans, elle a été prise en charge dans un centre d'accueil à Madrid, depuis août dernier. Selon les estimations du ministère espagnol de l'Intérieur, 11 000 enfants de différentes nationalités seraient livrés à eux-mêmes dans le royaume ibérique. Du jour au lendemain, la jeune marocaine s'est retrouvée à la rue par une décision de justice la considérant comme majeure. Son histoire a été rapportée vendredi par El Pais, qui indique que l'enfant a été réadmise dans le lieu initial de son hébergement, en attendant la fin des investigations sur son âge. Depuis le Maroc, la mère de la ressortissante a envoyé en juin dernier toutes les pièces possibles attestant que la concernée a 16 ans, selon le média. Acte de naissance, certificat d'enregistrement à l'état civil, photo, copie conforme du livret de famille… Une justice à plusieurs vitesses Aucun de ces documents n'a été retenu par le juge, qui a préféré se fier aux examens médicaux, selon lesquels l'enfant ne serait pas mineur et n'aurait donc plus le droit à une prise en charge adaptée. El Pais rappelle que l'adolescente est arrivée en Espagne par voie maritime à La Línea de la Concepción, commune andalouse frontalière avec Gibraltar. A ce moment-là, son âge n'a pourtant pas été remis en question, elle a même rapidement pu s'inscrire au registre des mineurs étrangers en errance. «Elle a brièvement traversé deux centres pour mineurs en Andalousie, pour arriver à Madrid en août, ajoute la même source. C'est là-bas que sa mère a envoyé les documents originaux qui attestent de son âge, soit 16 ans en juin.» De son côté et pour la faire bénéficier ou non de la tutelle de la commune, le Parquet de Madrid ne s'est fié qu'à l'expertise médicale, bien que jugée imprécise par nombre d'avocats. De plus, ce rapport n'est pas contraignant en Espagne, mais le procureur a le dernier mot pour en tenir compte ou le rejeter. Face à l'intransigeance des juges, la jeune fille a été sortie du centre. Pendant cette période, elle a été surveillée à distance par ses ex-éducateurs, qui selon elle, lui ont donné l'adresse d'une auberge de jeunesse. Ils lui ont également confié les documents nécessaires pour qu'elle puisse avoir un lit au centre de sans-abris. En espérant qu'elle ne sera pas exposée à des abus de la part de pensionnaires plus âgés, le SAMU social a été averti sur son cas. Les examens osseux remis en cause Ce cas rappelle celui des mineurs marocains en errance dans le 18e arrondissement parisien, dont un groupe a fait l'objet, en octobre dernier, d'enquêtes approfondies pour l'identification des âges. Sept de ces nationaux ont été expulsés. Contacté par Yabiladi, Emmanuel Daoud, avocat au barreau de Paris, a expliqué dans ce sens que ces procédures reposaient sur une vérification de l'authenticité des documents présentés par les mineurs, auprès d'une administration de la police des airs et des frontières. Vient ensuite l'étape d'un long interrogatoire avec les concernés, puis un examen osseux censé – théoriquement – établir leur âge avec plus d'exactitude, mais dont le taux d'erreur reste très élevé. C'est cette expertise médicale qui, en Espagne également, est «controversée depuis des années» comme l'indique El Pais. Dans le pays, l'article 35 de la loi sur l'immigration prévoit ces test sur tout étranger «dont la minorité ne peut être établie avec sécurité». Cependant, ces examens sont effectués, par extension, même sur des mineurs détenteurs de papiers vérifiés, sous le motif du «manque de fiabilité des documents de certains pays», souligne le média espagnol. Celui-ci rappelle qu'en 2014, la chambre civile de la Cour suprême ibérique a décidé que ces expertises médicales «ne pouvaient pas être généralisées et que le passeport et autres documents d'identité officiels devaient être considérés comme des preuves valables, sauf 'justification raisonnable' du contraire». Le journal souligne également que les plaintes à ce sujet s'accumulent, ce dispositif étant critiqué par des spécialistes qui alertent que la marge d'erreur peut atteindre deux ans. Dans le cas de cette mineure de 16 ans éjectée du centre de protection des enfants, la Fondation Raíces a souligné que la concerné s'était vue refuser l'aide aux moins de 18 ans sans que ne lui soient présentées les preuves recevables sur son âge. Sous la pression de la Fondation en fin de semaine, l'enfant a été momentanément réadmise au centre de protection des mineurs à Madrid par une nouvelle décision de justice en attendant que son âge soit fixé, mais son cas rappelle celui d'autres jeunes qui peuvent même être expulsés, lorsqu'ils ne sont pas condamnés à vivre dans la rue. Article modifié le 2018/11/03 à 20h49