Dans «Marrakech, lumière d'exil» (Sabine Wespieser éditeur, 2002), Rajae Benchemsi expose la problématique de la femme marocaine, tiraillée entre modernité et patrimoine ancestral, demeurant en quête incessante d'un espace commun, sans pour autant rejeter ni l'un ni l'autre. Le texte de Rajae Benchemsi transmet une prestance subversive. D'un côté, le roman remet en question une certaine tradition littéraire habituée à présenter la femme comme une éternelle victime ; de l'autre, il met en scène des femmes autonomes qui se prennent en charge, désarçonnant ainsi la structure traditionnelle de l'ordre social. Toutefois, Rajae Benchemsi, tout en défendant la modernité, tente également d'éclairer les bornes et les périls de la modernisation de la société marocaine. Assurément, l'auteure ne nie pas les prérogatives de cette modernité, cependant, comme son texte le montre, si cette modernité se laisse concevoir tel un référent absolu et unique, il en ressort que tous les principes (ou leur majorité) de la tradition ancestrale seront rejetés, d'où l'aggravation de la crise identitaire que la société endure déjà. Le dialogue de l'Orient et de l'Occident L'auteure propose une alternative de communication et de complémentarité entre le passé et les différents aspects de la modernité, en vue de trouver une issue à cette problématique. Sa tendance à mettre en scène des femmes modernes admirant et respectant la tradition est une manière d'unir les sphères culturelles arabo-musulmane et occidentale. Le roman de Rajae Benchemsi déploie une adjonction entre ces deux univers, formant de la sorte un espace «entre-deux» qui, loin de toute cohésion, semble révéler une identité «plurielle», un espace où la corrélation et le dialogue règnent en maître. Subséquemment, dotée d'une forte sensation d'appartenance à une société traditionnelle où triomphe le communautaire, la femme moderne attribut une nouvelle définition au concept de l'identité féminine marocaine. Quand la confrontation se dissipe La perception de la nouvelle identité féminine devient une manière d'exprimer sa vision d'un Maroc où la confrontation entre tradition et modernité, au lieu de séparer les deux cultures – arabo-musulmane et occidentale – les réunit autour du dialogue. Ainsi, dans la bourrasque de la confrontation incessante entre deux champs culturels différents, l'écriture de Rajae Benchemsi, d'aspect «dialogique» et «progressiste», fait de son roman, à travers l'investissement de plusieurs éléments que sont l'histoire, la religion, le temps, l'espace et l'onomastique, une redéfinition du lien millénaire qui relie l'Orient et l'Occident et qui fuit les périls de l'exclusivité et de l'exclusion. Résolument, il n'y a pas que des échelonnements entre les deux civilisations, orientale et occidentale, mais des points de jonction qui édifient un terrain fertile d'échange et d'enrichissement, où la femme marocaine émancipée tire profit pour édifier une nouvelle identité composite.