Près de deux mois après la décoration de l'ex-commissaire Mahmoud Archane, qui a reçu la médaille d'or du Sénat français, une vingtaine d'associations et une centaine de personnalités sont montées au créneau pour contester cette action. Ils estiment qu'elle rend hommage à «l'un des grands chefs tortionnaires du régime marocain». Lors du 4ème congrès du Mouvement démocratique et social (MDS), organisé le 14 avril dernier au Théâtre Mohammed V à Rabat, l'ex-commissaire Mahmoud Archane a été décoré par la médaille d'or du Sénat français par le sénateur Christian Cambon, président de la Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat. Cette distinction a fait grincer des dents plusieurs associations et plus d'une centaine de personnalités qui ont signé une lettre ouverte au président du Sénat, dont Yabiladi a pu prendre connaissance. Parmi les signataires figurent le président de Transparency Maroc, Fouad Abdelmoumni, le président de BDS Maroc, Sion Assidon, l'historien et journaliste Maâti Monjib, l'écrivain Abdellatif Laâbi, l'ex-présidente de l'Association marocaine des droits humains (AMDH), Khadija Riyadi, le fils de Mehdi Ben Barka, Bachir Ben Barka, ainsi qu'une centaine d'autres noms. Vingt-cinq associations ont signé également cette lettre ouverte, parmi lesquelles l'AMDH Maroc, l'Association de défense des droits de l'homme au Maroc, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, le Comité pour le respect des libertés et des droits de l'homme en Tunisie, l'Association de parents et amis de disparus au Maroc, l'Association des travailleurs maghrébins en France et la Ligue des droits de l'homme. Une «insulte à la mémoire de tous les démocrates et résistants» Les signataires dénoncent la distinction de Mahmoud Archane, «l'un des grands chefs tortionnaires du régime marocain» qui a œuvré sous le règne de Hassan II pendant trois décennies. «Cet individu s'était funestement illustré dès le début des années soixante pendant les interrogatoires menés au centre clandestin de torture de sinistre mémoire ''Derb Moulay Cherif'' à Casablanca du groupe d'opposants politiques, connu sous le nom du ''Groupe Cheikh al-Arab'', ancien résistant au protectorat français au Maroc, et de centaines de militants de l'Union nationale des forces populaires (UNFP)», peut-on lire dans le document. Et d'ajouter : «Plusieurs d'entre eux ont été torturés à mort sous sa direction.» Le geste du sénateur LR Christian Cambon est qualifié «d'acte honteux et d'insulte à la mémoire de tous les démocrates et résistants». De plus, selon les signataires, cet acte «n'engage pas seulement sa personne et son groupe politique mais le Sénat tout entier qui doit prendre ses responsabilités». Ainsi, à la fin de la lettre, les organisations et les personnalités demandent à ce que le président du Sénat «[répare] et [efface] cette offense faite (…) à toutes les victimes de Mahmoud Archane, responsable de traitements cruels, dégradants et inhumains». En 2001, l'AMDH avait publié une liste de 45 personnes présumées responsables d'atteintes graves aux droits de l'homme lors des années de plomb. Mahmoud Archane faisait partie de cette liste. Ce dernier avait vivement contesté ces allégations, qu'il avait qualifiées de «mensongères».