Hamid Kanouni est décédé hier au centre hospitalier d'Ibn Rochd à Casablanca. Cet homme de 27 ans s'est immolé par le feu lundi 8 août sur l'avenue Achouhada, près du commissariat de permanence de la ville de Berkane. Si la cause entraîant sa mort ne fait pas de doute, les différentes sources divergent sur les raisons qui ont poussé le vendeur ambulant à mettre fin à ses jours. «Hamid Kanouni […] s'est immolé […] en signe de protestation contre la «hogra» des autorités locales […] (qui) lui avaient confisqué son outil de travail, une charrette et une balance, exactement comme Bouazizi […] Son action était pour la dignité !». A quelques détails près, voilà ce qu'on peut lire sur les réseaux sociaux. Si le vendeur de pain ambulant Hamid Kanouni, qui a rendu son dernier souffle hier à l'hôpital d'Ibn Rochd de Casablanca, est en passe de devenir le nouveau martyr de la justice sociale aux yeux des militants, l'agence officielle MAP a aussitôt publié une dépêche dans laquelle on y trouve une toute autre version des faits qui dément toute responsabilité des autorités locales. La MAP dément L'agence de presse nationale rejetait hier, en citant «une source policière», «les informations erronées rapportées par certains médias nationaux». La dépêche nous informe que Hamid Kanouni aurait eu une altercation verbale, dimanche dernier avec la propriétaire d'un four public, qui a conduit les deux parties au poste. A sa sortie du commissariat, et après sa réconciliation avec l'intéressé, Kanouni aurait trouvé sa marchandise saccagée «par un inconnu». C'est à ce moment là qu'il se serait imbibé d'essence et aurait mis le feu à ses vêtements. L'origine du litige entre le défunt et la propriétaire du four, selon la MAP toujours, remonte au jour où Hamid Kanouni a été contraint de s'improviser vendeur de pain ambulant après avoir été licencié par la propriétaire du four où il travaillait autrefois. Brûlé au troisième degré et transporté aux urgences de l'hôpital régional de Berkane, Hamid Kanouni a été transféré à Ibn Roch à Casablanca, vu la gravité des blessures. Il y laissera la vie mardi 9 août 2011. Rappelons que les «médias nationaux» avaient rapporté dans leur version que l'immolation de Hamid Kanouni aurait été causée par la confiscation de sa charrette, -donc outil de travail-, par les éléments de la police de Berkane. Selon Hicham, l'ami de Kanouni qui l'a accompagné dans l'ambulance en direction de Casablanca, suite au litige : «La police a soutenu la boulangère, et un des policiers lui a saisi sa carriole. Il a aussi été giflé et insulté, raconte-t-il à Lakome, Il s'est senti humilié, […] s'est aspergé d'essence et a mis le feu à son corps.» Qui dit vrai ? Des militants des droits de l'homme s'étaient rassemblés devant le commissariat, dès que l'affaire fut connue, demandant la vérité sur les circonstances réelles qui ont poussé Hamid Kanouni au suicide. Le parquet général a ordonné l'ouverture d'une enquête pour mettre la lumière sur cette affaire d'immolation. Selon la MAP, dans une première déposition faite par Hamid Kanouni avant son transfert à l'hôpital, ce dernier aurait imputé les raisons de son acte «à ses relations tendues avec la propriétaire du four qui l'employait dans son local avant de le renvoyer.». Pourtant, son ami Hicham soutient mordicus que les derniers mots de Hamid Kanouni furent «C'est la hogra. Ils m'ont méprisé. Mon gagne-pain est perdu.»