Les poissons flottants sur les eaux de Moulouya ne seraient pas morts à cause des toxines contenues dans le fleuve, mais par... asphyxie. Une asphyxie due à une pollution de l'oued par des matières organiques dont on ignore toujours la source. C'est en tout cas ce que rapporte l'agence officielle MAP, dans une dépêche reprenant les résultats préliminaires des commissions techniques, mandatées par les gouverneurs des provinces de Nador et de Berkane afin d'élucider le mystère de la mortalité des poissons de la Moulouya. Une hypothèse qui se tient, mais qui ne fait pas l'unanimité. Les poissons de l'oued Moulouya, vers la région de Zaio (dans le rif, nord-est du Maroc), seraient morts asphyxiés à cause de la faible teneur de l'eau en oxygène dissout, le 17 juillet dernier, date à laquelle les premiers signes de cette catastrophe auraient été visibles. Dans son rapport sur les résultats préliminaires rendu par les commissions techniques, la quantité d'oxygène dans les eaux de la Moulouya est en effet deux fois inférieure à la moyenne. Elle est «de l'ordre de 5mgO2/l, sachant que la teneur moyenne des eaux de rivières et de ruisseaux est plutôt de l'ordre de 10 mgO2/l […] les poissons ont besoin d'une quantité minimale d'oxygène dissout de 7 à 8 mgO2/l pour vivre», explique M. Hascoet, spécialiste en mécanique des fluides. «La baisse de la concentration en oxygène dissout peut être due à une hausse de la température de l'eau, ou bien à la présence d'une pollution causée par des matières organiques» poursuit M. Hascoet. Une hypothèse qui ne convainc pas tout le monde Mis à part les activistes écolo qui s'indignent sur le groupe facebook dédié à la catastrophe de la Moulouya, Néjib Bachiri, écologiste fondateur de l'association Homme et Environnement (HEE), n'est pas convaincu de la crédibilité du rapport. Selon lui, ce dernier n'est pas «scientifiquement fiable» : les prélèvements n'ont été faits que plusieurs jours après la catastrophe, sur huit points différents qui «n'ont pas été précisés», alors que le déversement des matières organiques s'est fait de manière brutale et éphémère. «Je ne suis pas d'accord avec le contenu du communiqué, il y a des contradictions, assure-t-il. Si eux parlent de pollution organique, les Eaux et Forêts (Haut Commissariat aux Eaux et Forêts, ndlr) parlent d'acidité […] alors que le service sanitaire du ministère de l'Agriculture s'est basé sur la présence de pesticides». A qui la faute ? Selon M. Bachiri, les paysans ne sont pas responsables, et l'unité de traitement des eaux de l'ONEP non plus. Pour lui, le seul responsable plausible dans cette région très peu industrialisée est Sucrafor, usine sucrière filiale de Cosumar. «Si c'est de la pollution organique, pourquoi ils ne demandent pas à Sucrafor ce qu'ils déversent dans la rivière ? Et avec quoi ils lavent leurs machines et quand l'ont-ils fait pour la dernière fois ?». Le fondateur de l'association HEE qui avait accusé Sucrafor dès le lendemain de la catastrpophe, assure aujourd'hui que l'usine déverserait ses eaux usées «depuis des années dans la Moulouya sans autorisation». Il demande que les résultats d'analyses des échantillons recueillis par la gendarmerie royale, puisqu'elle était la première à arriver sur le terrain le 18 juillet dernier, soient rendus publiques, et qu'une enquête soit menée auprès de ladite usine. La MAP rassure... Contacté par Yabiladi, Mohamed Chtioui, directeur de l'Agence Hydraulique du bassin de la Moulouya reste évasif : «Ce n'est que les résultats préliminaires, les résultats définitifs ne sont pas encore disponibles […] on ne sait pas encore quand on les aura». En attendant, la MAP rassure : «Une campagne de sensibilisation de la population riveraine et des opérations d'enfouissement des cadavres de poissons amoncelés ont été opérées», et une question subsiste : D'où viennent ces matières organiques ?