Le site Mediapart a révélé lundi de multiples usages administratifs à Toulouse, contournant la loi et créant d'autres critères à l'habitat en HLM. Dans une enquête, le média indique que ces discriminations restent impunies, voire encouragées par certains administrateurs. A Toulouse, les attributions des logements en HLM ne se font pas seulement sur la base de la situation financière de chaque ménage. Elles sont aussi et surtout faites sur la base de l'ethnie, de la religion, du nombre d'enfants ou même de la nature du mariage (mixte ou non). A la veille de la Journée internationale pour l'élimination de la discrimination raciale (21 mars), Mediapart rappelle que certaines pratiques sont encore tolérées en matière de quotas concernant les origines des résidents en HLM. Documents et échanges de mails à l'appui, Mediapart indique ainsi que ces pratiques ont été fréquentes au début des années 2010. En effet, l'Office public de l'habitat (OPH) de la Ville de Toulouse a exigé, par exemple, de «demander de refuser les Tziganes sur ce secteur», a notifié des remarques comme «famille religieusement très marquée», «attention, Monsieur est Ivoirien», ou encore «pas d'étrangers», ce qui constitue un sérieux dérapage des critères officiels. Des discriminations au nom de la mixité sociale Contacté par Mediapart dans ce sens, un ex-salarié de l'OPH de Toulouse confie s'être déjà inquiété auprès de sa hiérarchie de ses difficultés «à positionner des candidats à consonance étrangère de par leur nom et de nationalité française, sur certains quartiers dits sensibles». Il dit s'être entendu répondre : «Mixité sociale». L'ancien employé rappelle à Mediapart avoir notamment observé certaines pratiques comme le fait de «demander à la Commission d'attribution des logements (CAL) de refuser les passages de demandes de Tziganes sur ce secteur (…). Arrêt des prospections sur secteur Cépière pour les Tziganes, souhait d'attribuer à d'autres populations pour équilibrer et respecter la mixité sociale», ou encore des remarques écrites : «Cette famille de 5 enfants dont le père est 'commerçant ambulant' sur les marchés et Madame, mère au foyer, est religieusement très marquée (…) Je n'ai pas encore le dossier en main, donc je ne sais pas quelles sont les ressources, par contre, Monsieur est ivoirien (donc hors programme à loyer réduit pour le xxx).» De son côté, Mediapart ajoute que d'autres critères comme «UE / Hors-UE» ont été pris en compte jusqu'en 2017 pour attribuer des logements, pas souvent conformément aux lois en vigueur. Contacté par la même source, Christophe Noël, avocat spécialiste des discriminations dans le droit au travail, estime que «tenir compte de la nationalité ou avoir des quotas en fonction des origines pour attribuer un logement relève bien sûr de la discrimination». Et d'ajouter : «On ne choisit pas qui on mélange en fonction des origines. Et le fait que l'administration ait recours à cette catégorisation UE / HUE ne change rien. Je dirais même que les discriminations qui proviennent de l'administration sont les plus pernicieuses : cela permet de s'abriter derrière le fait que tel organe ou commission de contrôle a validé tel critère. Mais ce n'est pas parce que vous validez une discrimination dans un document administratif qu'elle est pour autant légale !» Un cas non-isolé Ce n'est pas la première fois qu'un média français pointe du doigt des discriminations dans l'accès au logement pour les ressortissants étrangers. En effet, cinq personnes ayant utilisé des noms d'emprunts ont fait un «testing» sur cette question. Rapportés en décembre 2017 par Le Monde, les résultats indiquent que les personnes au nom ayant une consonance africaine «ont globalement 26% de chances de moins que la moyenne de pouvoir ne serait-ce que visiter un logement». Sur la base de ces résultats, une étude a été publiée vendredi 15 décembre 2017 par le laboratoire de recherches du CNRS Travail emploi et politiques publiques (TEPP). «D'une ampleur inédite», d'après Le Monde, ce document s'ajoute à une précédente note, tout aussi inédite, élaborée en 2001 déjà par le Groupe d'étude et de lutte contre les discriminations et citée par l'enquête de Mediapart. Intitulé «Les discriminations raciales et ethniques dans l'accès au logement social», le document soulève que «le problème n'est pas celui des dérapages individuels, mais celui d'une logique impulsée par un système de gestion – financier, administratif et politique – qui échappe à toute intention directement discriminatoire, mais met en œuvre des mécanismes de sélection prenant en compte l'origine ethnique et raciale des ménages».