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Rabat a-t-elle franchi le pas vers l'interculturalité ? (1/2)
Publié dans Yabiladi le 10 - 03 - 2018

Considéré comme un carrefour civilisationnel, le Maroc est connu comme un pays symbolisant la tolérance, l'ouverture et la diversité. En effet, il tient cet aspect éclectique de sa diversité religieuse, ainsi que de sa mosaïque multiculturelle : arabe, amazighe, saharo-hassanie, africaine, andalouse, hébraïque et méditerranéenne [1].
Le terme «étranger» n'est pas étrange au Maroc et chez les Marocains, d'autant plus que le tourisme constitue le second secteur en termes de contribution au PIB national après l'agriculture. Par ailleurs, près de 5 000 000 de Marocains (soit presque 15% de la population) sont résidents à l'étranger.
Toutes ces données laissent entendre que le Maroc est une terre cosmopolite. Mais dans la pratique, le pays a-t-il suivi cette évolution ? Quelles sont les nouvelles données relatives aux ressortissant étrangers établis dans le royaume ? Rabat est-elle en soif d'interculturalités ? Enfin, la Ville Lumière s'est-elle réellement engagée pour consacrer l'interculturalités dans la vie de tous les jours ?
Transition d'un pays d'émigration à un pays d'immigration
Traditionnellement pays d'émigration, en raison de sa position géographique limitrophe de l'Europe, le Maroc a d'abord constitué un territoire de transit des migrants d'Afrique subsaharienne. Mais à partir des années 2000, la question migratoire a commencé à prendre des dimensions de plus en plus sécuritaires, au vu du nombre de migrants sans papiers.
Face à cette situation, les pays de l'Union européenne ont adopté des mesures restrictives, notamment par le biais d'un contrôle plus drastique des frontières. Ainsi dans cette approche sécuritaire, l'UE a même engagé les Etats de la rive sud de la Méditerranée, comme le Maroc. Face à une évolution rapide du flux migratoire et le caractère de plus en plus infranchissable de la «la forteresse Schengen», les immigrés subsahariens s'arrêtent désormais à mi-chemin, faisant du Maroc leur nouvelle terre d'accueil.
Ce n'est pourtant pas avec cette nouvelle donnée que le Maroc s'est ouvert aux non-Marocains. En effet, la présence de ces derniers et leur contact avec la société locale remontent à bien plus longtemps, d'autant plus que le pays est une destination touristique phare. Le phénomène nouveau est que le royaume n'attire plus seulement des étrangers en vacances, ou des investisseurs en quête de main d'œuvre moins chère ou d'avantages fiscaux. Il accueille désormais des étrangers qui sont à la recherche de meilleures conditions de vie et de travail, autrement dit, des immigrés économiques.
Les défis de la cohabitation : Assimiler la notion de l'Autre
Dans son ouvrage Etrangers à nous-mêmes, la philologue et psychanalyste Julia Kristeva pousse une réflexion sur ces notions :
«Etrangement, l'étranger nous habite : il est la face cachée de notre identité… De le reconnaître en nous, nous nous épargnons de le détester en lui-même. Symptôme qui rend précisément le "nous" problématique, peut-être impossible, l'étranger commence lorsque surgit la conscience de ma différence et s'achève lorsque nous nous reconnaissons tous étrangers, rebelles aux liens et aux communautés.»
0,25%, c'est la proportion de la population étrangère résidant au Maroc. En d'autres termes, moins d'1% de la population vivant dans le pays est française, espagnole, irakienne, syrienne… Les immigrés d'Afrique subsaharienne représentent donc une minorité qui subit des traitements racistes banalisés, s'illustrant dans des réflexions quotidiennes, des attitudes dans la rue ou dans les transports en commun.
Le Maroc est un pays d'Afrique du nord, mais son appartenance géographique, culturelle et identitaire au continent n'a pas toujours été mise en valeur. Principalement pour des raisons politiques liées au conflit du Sahara, le royaume s'est retiré de la gestion des affaires de son continent, après sa sortie de l'Union africaine (OUA) en 1984, suite à l'admissions de la «République arabe sahraouie démocratique (RASD)» au sein de l'instance.
Ce retrait n'a pas pour autant impacté le Maroc en tant que destination privilégiée des ressortissants subsahariens, qui affluent en grand nombre pour le pèlerinage annuel de la «Zaouia Tijaniya» à Fès, ou qui s'installent dans le royaume pour leurs études. Depuis le début des années 2000, d'autres Subsahariens s'installent dans le royaume par dépit, n'ayant pu regagner les côtes du sud de l'Europe.
Ainsi, la présence des immigrés subsahariens sur le sol marocain a connu une évolution répartie en phases :
* Début des années 2000 : Les affluents, sans-papiers, vivent dans la précarité, cachés dans des camps où ils logent dans des conditions inhumaines. Des confrontations avec les autorités se produisent, suite auxquels ces migrants sont souvent expulsés vers leurs pays d'origine.
* Janvier 2014 : La première phase de régularisation des immigrés en situation irrégulière a été lancée. 25 000 demandes ont été acceptée et des permis de séjour d'un an ont été délivrés.
* Décembre 2016 : Une deuxième phase exceptionnelle de régularisation a été lancée, parallèlement à la prolongation de la durée de validité du permis de séjour à 3 ans.
Cependant, cette évolution juridique n'a pas été au même gré du point de vue social. Dans le monde, les immigrés africains représentent encore une catégorie de migrants en situation fragile (travailleurs maghrébins et subsahariens en France, en Espagne…). Ils ont été amenés à habiter dans des quartiers dits populaires, où l'interaction au quotidien avec les riverains est fréquente, mais parfois avec des heurts. Agressions, violence, actes racistes et xénophobes sont les aspects de cette relation de tensions traduisant un rejet.
Des appellations péjoratives comme «azzi» (qui signifie «noir» en dialecte marocain), Ebola (porteur de la maladie Ebola), reflètent un racisme banalisé dont souffrent ces immigrés au Maroc. Les Marocains ne se considèrent-ils pas comme des «Blancs» qui «n'aiment pas la peau noire» [2]?
[1] Préambule de la constitution 2011.
[2] http://www.slateafrique.com/99053/etudiants-afrique-maroc-rabat-racisme-violences-casa


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