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Jerada : Les conséquences économiques et démographiques de la fermeture officielle de la mine
Publié dans Yabiladi le 29 - 12 - 2017

Elle a été incapable d'augmenter sa production pour couvrir son déficit. Charbonnage du Maroc, gérante de la mine à Jerada, a fermé en 1998 en laissant des milliers de travailleurs sans emploi. Les ouvriers qui ont résisté à l'exode se battent depuis plus de 15 ans contre la précarité. Un combat qui illustre toutes les problématiques socioéconomiques des habitants de Jerada.
Jerada est née de l'extraction minière. Une activité qui a fait de cette ville un véritable poumon de l'économie nationale et une cité historiquement ouvrière. Cependant, la vie des travailleurs de Charbonnage du Maroc (CdM) qui ont fait la prospérité de cette industrie a basculé en 1998.
Cette année-là, l'entreprise étatique chargée de l'exploitation du charbon dans la mine a décidé de fermer ses portes, mettant fin à l'unique activité économique et industrielle de Jerada. Le déclin a commencé ainsi, impactant dangereusement le marché de l'emploi et forçant des milliers de familles à quitter une ville où elles vivaient des décennies durant.
Un prêt de la Banque mondiale
Tout a commencé lorsque Charbonnage du Maroc a sollicité l'aide de la Banque mondiale. L'entreprise a opté pour un plan de modernisation et d'expansion, censé stimuler et améliorer la production. Dans une étude détaillée, l'organisme financier explique les objectifs de ce projet soumis en 1985.
Intitulé «Jerada coal mine modernization and expansion project», le rapport de la Banque mondiale indique que CdM a demandé un prêt de 27 millions de dollars, «remboursable sur 15 ans et dont le crédit à taux variables est exonéré d'intérêts les quatre premières années».
Avec cette somme, CdM a promis d'accomplir la «modernisation et l'expansion de la mine de Jerada à l'horizon 1988», ainsi que «le renforcement de ses capacités opérationnelles et de planification». Par ailleurs, l'entreprise a indiqué que ce plan «concentrerait la production dans une seule mine, mettrait à niveau son infrastructure, augmenterait sa production et améliorerait la sécurité, la santé et les conditions de travail des ouvriers».
Ces promesses trop ambitieuses ont été faites 8 ans avant la publication d'un deuxième rapport de la Banque mondiale. Après l'approbation du projet de CdM le 21 décembre 1985, l'institution a publié une étude selon laquelle «le prêt consenti à Charbonnages du Maroc (…) avec des décaissements totaux de 13,5 millions de dollars» en 1988 avait été annulé.
«Le projet n'a pas atteint ses objectifs en raison de problèmes géologiques, ainsi qu'une baisse imprévue des cours mondiaux du charbon.»
Géologiquement, l'échec du projet de CdM est également lié à «l'inclinaison défavorable, les fissures et les failles, les intrusions de basalte, le charbon poussiéreux et les températures élevées».
La Banque mondiale retient que Charbonnage du Maroc n'a pas honoré ses engagements conformément au plan de modernisation. Le taux de rentabilité économique a légèrement augmenté, mais ce n'est pas assez : Il est demeuré négatif et les indicateurs de production sont toujours restés dans le rouge. Plus question donc d'appuyer une entreprise déficitaire qui n'arrive plus à rebondir.
La fermeture de Charbonnage du Maroc
Toutes ces difficultés ont accéléré la fermeture des mines et la fin des activités de Charbonnage du Maroc. Un tournant pour l'économie nationale, mais surtout régionale, d'autant plus qu'aucune reconversion professionnelle n'a été proposée aux ouvriers licenciés.
Entre le marteau et l'enclume, le choix a été laissé à ces travailleurs entre deux possibilités tout aussi absurde l'une que l'autre : trouver un nouvel emploi dans une ville où aucune autre alternative économique n'est prévue, ou refaire sa vie dans une autre région. Mustapha Selouani, un syndicaliste de l'UMT basé à Jerada, a affirmé à Yabiladi qu'au lendemain la fermeture des mines, rien ne s'était passé comme prévu.
«Lorsque Charbonnage du Maroc a fermé en 1998 et que les activités minières ont été abandonnées, le gouvernement a promis de soutenir la région et de trouver d'autres moyens de la rendre attractive. Jerada a accueilli des travailleurs venus de tout le Maroc, de Tiznit, de Demnat, du Rif… Le but devait être de les garder dans la région et non pas de les faire partir.»
Pour renforcer le statut économique et social des travailleurs licenciés, deux accords ont été signés pour palier la fermeture de CdM. «Le premier, à caractère social, est censé fournir des services et prestations à ces travailleurs, un logement, une éducation…», explique Mustapha Selouani.
Dans un entretien avec Yabiladi, le militant a indiqué qu'«un musée devait également être créé pour préserver les aspects historiques de la ville minière». Il nous a même affirmé que «tous les biens matériels et fonciers de Charbonnage du Maroc devaient être cédés à la province de Jerada, pour en faire profiter les mineurs, dans le cadre de leur dédommagement».
Par ailleurs, l'accord à caractère économique prévoyait une relance de l'activité de la ville. «Le projet était de créer des opportunités d'emploi et surtout de ramener des investissements», ajoute Selouani, qui insiste sur le fait qu'aucune de ces promesses n'ont été tenues par CdM.
A Jerada, l'exode comme seule solution
Le syndicaliste ajoute que la plupart des ouvriers licenciés et ayant reçu des indemnités ont préféré quitter Jerada. Un phénomène d'exode confirmé par les statistiques de l'Observatoire national du développement humain (ONDH), qui montre comment la population de Jerada a diminué après la fermeture des mines. Selon le dernier Recensement général de la population et de l'habitat (2014), 43 506 personnes vivent à Jerada, contre près de 60 000 en 1994.
Mustapha Selouani affirme que ces ouvriers ont eu des raisons légitimes de partir, avec la fermeture de CdM. Souffrant de chômage, ils ont dû faire leurs bagages et chercher de nouvelles opportunités.
«Les choses ne cessent d'empirer, depuis le temps, déplore le membre de l'UMT. Ceux qui ont quitté la ville à l'époque ont réussi tant bien que mal à s'assurer une vie décente. Aujourd'hui, ils arrivent à envoyer à leurs proches 1 000 dirhams par mois.»
Presque pas d'opportunités de travail
La ville n'a pas été préparée à ce changement brutal et la population locale en subit depuis les conséquences. Mustapha Selouani explique que les jeunes de Jerada ne trouvent pas d'emploi. Même les usines construites dans l'Oriental restent en deçà des besoins de la région.
«Un quartier industriel a été prévu pour accueillir des entreprises et des fabriques. Mais il a malheureusement été transformé en zone résidentielle», poursuit le militant. Selon lui, une centrale thermique a été construite par la Russie en 1967. Tenue aujourd'hui par des entrepreneurs chinois, elle est dotée de trois sections et une quatrième devrait voir le jour. «Cependant, peu de personnes vivant à Jerada y travaillent, nous déclare-t-il. Seuls 75 emplois leur bénéficient». Selouani nous explique que «les entrepreneurs de la centrale se fournissent en main-d'œuvre qualifiée de l'extérieur» et qu' «ils ne sont pas pressés d'embaucher de nouveaux salariés».
La situation dans la région continue de s'aggraver. Selon les données de la Direction de la planification (HCP), le taux de chômage dans l'Oriental a grimpé à 27,5% dans les zones urbaines en 2000, soit deux ans après la fermeture de la mine. Ce chiffre a ensuite baissé pour se stabiliser autour de 20%. Cependant, Jerada reste la province la plus marquée par le chômage dans l'Oriental.
L'exode, le manque d'attrait économique et les promesses de projets n'ayant jamais vu le jour ont ainsi conduit cette ville à la crise inextricable actuelle. Certains n'ayant comme seule issue que de continuer clandestinement les activités minières.
«Nous souffrons du chômage et les possibilités d'emploi manquent cruellement, indique Mustapha Selouani. Le seul refuge pour ces personnes est le travail dans la mine clandestine, ou plutôt l'exploitation. Ces ouvriers œuvrent à extraire le charbon dans des conditions très pénibles. En fin de journée, ils reviennent avec un sac de charbon pesant entre 80 et 90 kilogrammes, qu'ils vendent entre 70 et 90 dirhams.»
Garder sa dignité, avoir un emploi décent et lutter pour rester dans sa ville natale, autant de combats que mènent les ouvriers des mines clandestines de Jerada. En plus de ce quotidien difficile, beaucoup doivent lutter contre la maladie et les séquelles de longues années de travail dans les galleries enfouies dans les profondeurs de la terre. Qu'ils soient travailleurs actuels de la mine clandestine ou anciens employés de Charbonnage du Maroc, leurs problèmes de santé ainsi que les conséquences d'accidents de travail pèsent toujours autant le poids du charbon qu'ils ont porté.


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