L'Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM) a tenu hier à Rabat une rencontre-débat, en préparation à la sortie d'une publication englobant l'ensemble de ses recommandations liées à l'égalité dans l'héritage. Rassemblées hier lors d'une rencontre-débat, des membres de l'ADFM, des chercheuses, mais aussi d'autres militantes de la société civile, ont donné leurs remarques sur les constats et les recommandations levées par l'ONG pour mettre en œuvre une réforme égalitaire du droit successoral. Cette rencontre a permis à l'ADFM d'insister une nouvelle fois sur le fait que les dispositions de la loi concernant l'héritage doivent être réformées en totalité, pour supprimer les inégalités qui les minent et qui mènent souvent les femmes à la précarité, en cas de décès d'un proche ou d'un époux. C'est principalement pour cette raison et sur la base d'études de terrain effectuées sur dix ans que l'ADFM, a recommandé lors de sa présentation, de n'inclure parmi les héritiers que les descendants et les ascendants, ainsi que la veuve ou le veuf de la personne décédée. Elle préconise notamment de lever les dispositions de taâssib, qui prévoient de faire hériter les oncles paternels et les frères germains en l'absence d'un descendant masculin. Dans ses recommandations, l'ADFM appelle aussi à lever l'exclusion de l'héritage visant les veuves non-musulmanes ou les descendants de mère non-convertie. Des lois parsemées de contradictions Dans son exposé, Rabéa Naciri en sa qualité de membre fondatrice de l'ADFM, a souligné que l'exclusion de l'héritage basée sur la religion était «en totale contradiction» avec d'autres termes liés au régime successoral, prévus dans le Code de la famille. Tout d'abord, ce même texte autorise et reconnaît le mariage légal avec une non-musulmane. Ensuite, il retient les liens maritaux et sanguins comme des raisons rendant l'héritage obligatoire. Par ailleurs, il reconnaît le lien de parenté du père, de la mère ou des deux comme un cas où les descendants deviennent obligatoirement des héritiers. «Les dispositions légales de l'héritage deviennent tellement en déphasage avec la Constitution et les termes du Code de la famille qu'on les considèreraient d'un autre âge», a fait remarquer Rabéa Naciri, également membre du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH). Elle a souligné, par ailleurs, que «les contextes économique, national et international font que la réforme du système successoral doit tenir compte de l'évolution sociétale au Maroc». Affirmant lors de son exposé que «nombre de femmes fournissent aujourd'hui les sources de revenu principal à leurs familles ou ménages», la militante indique que «les dispositions en matière d'héritage leur reconnaissent encore un statut d'assistées, menacées de précarité dès le décès d'un parent ou d'un époux». Pour une levée totale des inégalités L'exposé a permis, en outre, d'appeler à la levée des discriminations basées sur le genre, dont font l'objet les héritiers au même niveau de descendance ou d'ascendance. Les échanges, les remarques retenues et les modifications proposées à l'issue de cet exposé permettront à l'ADFM d'enrichir ses recommandations, en vue de publier en janvier 2018 une version finale du mémorandum qui sera intitulé «Pour un régime successoral garantissant l'égalité et la justice». Rabéa Naciri a déclaré à Yabiladi que ledit document représentait une suite de l'étude «Pour un débat social autour du régime successoral : Les marocaines entre la loi et les évolutions socio-économiques», présentée par l'ADFM en 2015. «L'étude est parue parce qu'avant de passer aux recommandations à caractère politique, il a fallu d'abord fournir aux citoyennes et aux citoyens des éléments de compréhension, pour qu'ils aient mieux connaissance de la situation sociale, économique et juridique qui nous impose aujourd'hui de nous saisir de ce débat», nous explique la militante. Les constats, les contradictions soulevées en matière de droit successoral et les recommandations à ce sujet seront donc rassemblés dans le cadre de cette prochaine publication.