Ce n'est un secret pour personne : les contournements de la loi en matière d'héritage sont légion au Maroc. Une étude réalisée par l'ADFM et présentée hier à Rabat, s'arrête sur ces pratiques contraires au droit successoral. Ces modes de contournement vont, selon cette étude, du testament à la pratique du Habous, en passant par la vente factice et la donation. Autant de pratiques qui semblent être encouragées par les règles du fiqh dont s'inspire la loi marocaine. Des règles que Mohamed SghirJanjar, directeur de la Fondation Ibn Abdelaziz qualifie de dépassées. «Ces dispositions sont marquées par l'immobilisme et représentent un système largement sécularisé, une sorte de survivance appartenant à un temps et à un mode d'organisation sociale qui ne sont plus les nôtres», a t-il dit. Ce docteur en anthropologie n'y va pas par quatre chemins : «la rigidité du droit successoral incite à la transgression de la loi. D'autant plus que la seule voie d'autonomie, à savoir le testament reste limité au tiers de l'héritage. Concrètement, les conclusions de cette étude permettront à l'AMDH de construire son argumentaire en faveur de l'ouverture d'un débat sur la révision de la législation successorale. Rabia Naciri, professeur de droit et membre de l'ADFM, affirme que «ce chantier est indispensable pour se conformer aux principes constitutionnelles». Selon elle, cette réforme est également dictée par l'évolution de la société. D'autant plus qu' «au Maghreb, le droit musulman est un droit de contexte», a-t-elle souligné. Selon elle, le maintien de l'inégalité successorale relève, en réalité, de stratégies temporelles visant la sauvegarde d'intérêts pécuniaires et patrimoniaux». Cela, «contrairement à ce qui est communément considéré comme des préceptes religieux relevant du sacré et de l'immuable, y compris parfois par les femmes elles-mêmes», a-t-elle déploré. D'ailleurs, l'ADFM et les militants des droits de la femme devront aujourd'hui composer avec les détracteurs de la réforme qui tiennent stricto sensu au texte coranique. L'étude de l'ADFM montre qu'à peine 31,9% des personnes sondées ne rejettent pas l'idée du partage équitable de l'héritage. Néanmoins, les femmes figurent parmi ces rigoristes. Elles sont plus nombreuses que les hommes à rejeter le principe de l'égalité successorale. Quoi qu'il en soit, la réforme s'avère quasi-impossible sous l'ère Benkirane qui avait accusé le CNDH de semer le désordre dans la société en raison de son rapport consacrant l'héritage successoral.