Les manifestations de la soif à Zagora ont cessé avec la condamnation à plusieurs mois de prison d'une quinzaine de manifestants. Depuis, l'ONEP a creusé de nouveaux puits pour améliorer la distribution d'eau potable dans la ville, mais le déficit d'eau est structurel dans la vallée du Drâa. La culture de la pastèque, pointée du doigt par une partie de la population locale, est subventionnée par le Plan Maroc Vert. Les pluies de l'hiver qui tomberont enfin sur Zagora ne suffiront pas à remplir les nappes phréatiques, dont le niveau baisse dangereusement. Alors que la vallée du Drâa, déjà naturellement désertique, souffre de surcroît du réchauffement climatique. Elle doit également compter avec le développement, depuis une dizaine d'années, de la culture de la pastèque. Or, celle-ci est subventionnée par le Plan Maroc Vert. A l'origine, le Programme national d'économie d'eau en irrigation (PNEEI) qui relève du Plan Maroc Vert vise à atténuer la contrainte hydrique, considérée comme le principal facteur limitant l'amélioration de la productivité agricole. Il rend possible la conversion massive de l'irrigation de surface, par aspersion en irrigation localisée. Objectif : convertir près de 550 000 ha pendant une période de 10 ans ; soit un rythme d'équipement moyen de près de 55 000 ha/an. Pour mettre en œuvre cette politique, le ministère de l'Agriculture subventionne l'irrigation localisée. «J'ai commencé avec 5 hectares de culture maraichère et de pastèques pour compléter mon activité touristique, explique Youssef, petit agriculteur et hôtelier à Zagora, parce que pour une si petite superficie, l'Etat prend en charge la totalité des investissements alloués à l'irrigation par goutte à goutte. Du forage en passant par le pompage, jusqu'au bassin de rétention : il s'occupe de tout ! On n'a qu'à garder les mains dans les poches !» Subvention des exploitations agricoles Ainsi, le Plan Maroc Vert ne subventionne pas simplement l'installation du matériel nécessaire à la mise en œuvre d'une irrigation localisée, mais également le forage des puits. Il ne subventionne pas la conversion d'un mode d'irrigation à un autre, mais plutôt l'extension de l'irrigation localisée, même lorsque cela signifie qu'il faille puiser directement dans les nappes phréatiques. Ingénieur agronome auprès de la société FloraTec et représentant de l'Association marocaine de l'irrigation par aspersion et goutte à goutte dans la région du Gharb, Abdelmoula Abdelouahab s'interroge : «Lorsque que l'irrigation passe par le circuit des subventions, l'agriculteur doit avoir une autorisation auprès de l'Agence du bassin hydraulique, pour pomper dans la nappe ou dans un fleuve. L'étude est faite pour minimiser l'impact sur les ressources, mais est-elle respectée par la suite ?» Tous ceux qui n'ont pas de titres de propriétés ne peuvent pas demander de subventions. Par conséquent, ils creusent des puits illégalement, comme tant d'autres. Dès lors, les calculs d'évaluation de la ressource réalisés par l'Agence du bassin hydraulique sont nécessairement faussés, lorsqu'il faut donner un permis à ceux qui le demandent pour obtenir les subventions de l'Etat. Une aide conditionnée uniquement à la superficie du terrain Pis, le ministère de l'Agriculture a conditionné l'aide de l'Etat uniquement à la superficie du terrain. Son objectif est d'aider les petits agriculteurs, quelle que soit la culture et l'endroit où elle s'implante. C'est ainsi que la culture de la pastèque, très gourmande en eau, s'est développée en plein désert avec le soutien de l'Etat. Abdelmoula Abdelouahab explique : «Durant la dernière décennie, trois provinces ont presque abandonné la production de la pastèque, à savoir Agadir, Guelmim et Tiznit. En revanche à partir de 2008, cette culture s'est répandue dans de nouvelles provinces, notamment Taroudant, Ouarzazate et Zagora. En effet, les conditions climatiques favorables de ces régions favorisent une entrée précoce en production, garantissant un prix de vente plus intéressant, indique une note de veille stratégique du ministère de l'Agriculture, publiée en 2015. L'évolution de la superficie cultivée dans les provinces du sud marocain montre que cette culture ne dure pas [sa superficie est déjà en baisse] dans le système oasien, entre autres vu la pénurie des ressources hydriques et la productivité faible à l'hectare de cette culture dans ces zones». Pourtant, «la culture de pastèques n'est pas la plus gourmande en eau, par rapport aux autres variétés de végétaux telles que le palmier dattier, la tomate et le poivron», assure le ministère. Aziz Bentaleb, géographe au Centre des études historiques et environnementales de Rabat, ne partage pas cette analyse : «Il y a deux ans, j'ai recensé 2 000 hectares de cultures de pastèque. Or, chaque hectare consomme 6 000 m3 d'eau par an, soit une consommation totale de douze millions de m3 : un cinquième de toutes les ressources en eaux superficielles du bassin du Drâa Moyen !»