A partir d'aujourd'hui, et jusqu'au 10 décembre, la campagne nationale «16 jours d'activisme» est lancée, en cette journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Khadija Ryadi, ex-présidente de l'Association marocaine des droits humains et Saida Kouzzi, fondatrice de l'association MRA ont répondu à quelques questions sur l'évolution des violences faites aux femmes au Maroc. Détails. Comme chaque année, le 25 novembre est la journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, mais aussi le coup de départ national et international pour les «16 jours d'activisme» qui durent jusqu'au 10 décembre. Cette année, au Maroc, le thème abordé sera «les violences faites aux femmes dans l'espace public». L'occasion de faire un bilan avec quelques associations marocaines sur ce qui se passe au Maroc et les évolutions concernant ce fléau. En chiffres, quatre marocaines sur dix sont victimes de violences dans les villes, 40,6% sont victimes au moins une fois d'actes de violences de tous types dans l'espace urbain. Une femme sur trois est victime de violence psychologique, les cas de violences physiques ne concernent que 14,2% des citadines, c'est ce qu'avait révélé l'enquête nationale sur la prévalence de la violence à l'égard des femmes (ENPVEF) réalisée en 2009 dévoilée par le Haut-Commissariat au Plan (HCP), en août dernier. Ce document s'attardait principalement sur le cas des femmes en milieu urbain. «Des chiffres alarmants», comme l'indique Khadija Ryadi, ex-présidente de l'association marocaine des droits humains (AMDH) contactée par Yabiladi. «Le Maroc fait partie des pays dans la région où la violence est énorme. On ne peut pas dire que les choses ont vraiment bougé depuis 2010. On a l'impression que malgré toutes les stratégies de gouvernance mise en place, malgré tous les discours qu'on a entendus sur la question, les choses ne bougent pas», explique la militante pour les droits humains. «On voit des femmes qui meurent, à cause de la violence conjugale en général. Les valeurs de la société sont en crise. L'image de la femme se dégrade. On ne voit pas d'efforts pour changer cette situation là.» «Il faut prévenir et éduquer pour changer les mentalités» Selon un rapport de l'Onu femmes présenté à Beyrouth, en mai dernier, près de la moitié des femmes marocaines disent que c'est leur devoir d'épouses de supporter la violence de leurs maris. Du côté des hommes, 62% des Marocains affirment que c'est du devoir de leurs épouses de faire avec les violences conjugales. Selon Khadija Ryadi, c'est dû à «une absence de formes pour la prévention contre la violence». L'activiste indique que pour protéger les femmes «il faut prévenir et éduquer pour changer les mentalités». Les violences à l'égard des femmes ne sont pas seulement physiques, il y a aussi l'aspect économique. «La violence ce n'est pas seulement les femmes battues par leurs maris, c'est aussi les politiques de l'Etat», explique la militante. Comme exemple, elle rappelle le drame de Sidi Boulaalam, près d'Essaouira qui a eu lieu dimanche dernier. «C'est un aspect brutal de la violence envers les femmes. On a vu comment elles se bousculaient pour quelques kilos de farine», indique Khadija Ryadi. «La discrimination dans le travail, dans le salaire, tout ça c'est des violences à l'égard des femmes, qui renforcent en plus l'image dégradée de la femme. Une femme qui ne mérite pas le même salaire que l'homme, c'est justement une femme qui n'a pas la même valeur que l'homme, donc c'est une femme que l'homme peut battre.» L'éducation et l'école publique joue un rôle dans la sensibilisation aux violences envers les femmes, explique l'ex-présidente de l'AMDH. «Parmi les résultats de la faillite de l'école publique, c'est la crise des valeurs de la société, la femme paie toujours le prix de cette dégradation, parce qu'elle constitue le maillon faible de la société», ajoute-t-elle. Un projet de loi en stand-by Le projet de loi n°103-13 a été déposé en 2013, sous la pression des ONG, il a été adopté en 2016. Soumis au Parlement, il est depuis en attente à la chambre des conseillers. Une campagne de plusieurs associations de droits des femmes «agissent pour que le projet de loi soit retiré du parlement, pour qu'il soit rediscuté», indique Khadija Ryadi. Il faudrait prendre exemple sur des lois dans le monde qui protègent les femmes contre les violences. «La loi tunisienne devrait être prise comme exemple, puisque c'est la plus proche du Maroc, et c'est un pays arabe», explique à Yabiladi Saida Kouzzi, juriste et associée de l'association Mobilising for Rights associates (MRA). Le législateur tunisien a pu intégrer certains points «intéressants», par exemple «le viol conjugal». «Il est intégré d'une façon qui permet de protéger les femmes mariées du viol, d'une façon assez intelligente.» Le projet de loi n°103-13 est loin de «garantir un changement dans le vécu des femmes». Il s'agit simplement «d'une réforme de plusieurs articles dans le code pénal et du code de procédure. Ils ne touchent pas du tout aux vrais problèmes relatifs aux violences contre les femmes», explique l'une des fondatrices de l'association MRA. Tout est à faire, pour «encourager les femmes à déposer plainte», puisqu'elles ne dénoncent même pas les violences auxquelles elles font face, «elles n'osent pas parler devant les policiers». Avec la campagne des «16 jours d'activisme», un message peut être passé à la chambre des conseillers. «Un message clair qui dit, voilà ce qu'on veut».