Le Maroc est régulièrement confronté à la nécessité de mesurer avec de nouveaux indicateurs la performance des provinces et communes en matière de développement, l'approche fondée uniquement sur la pauvreté étant aujourd'hui dépassée. L'Observatoire national du développement humain (ONDH) a organisé, jeudi 28 septembre, une conférence-débat sur la cartographie du développement humain en 2014 au niveau régional, provincial et communal. Depuis le lancement du programme de priorité sociale baptisé BAJ1 en 1996 puis l'indice national de développement humain (INDH) en 2005, le Maroc est régulièrement confronté à une double nécessité : celle de mesurer, avec des indicateurs transversaux, la performance des provinces et communes en matière de développement, et celle de communiquer, avec des indicateurs composites, sur cette même performance, en direction des acteurs locaux de développement, souvent des non-spécialistes. C'est dire que l'approche de mesure du développement au niveau local gagnerait à se référer à un indicateur multidimensionnel, facile à communiquer. Sur ce registre, l'approche fondée sur la pauvreté monétaire montre aujourd'hui toutes ses limites : plus les niveaux de pauvreté sont bas, plus leur observation statistique est sujette à de larges marges d'erreur, ce qui en complique l'usage dans le ciblage des ressources publiques. Saisissant l'opportunité d'une base d'indicateurs communaux, provinciaux et régionaux établis par le Haut commissariat au plan (HCP) à partir du recensement général de la population et de l'habitat (RGPH 2014), l'ONDH a élaboré un indicateur multidimensionnel du développement humain. Cet indice est conçu pour appuyer l'évidence selon laquelle le renforcement des capacités humaines et l'amélioration de la qualité de vie devraient constituer les critères ultimes d'évaluation du développement, de la santé, l'éducation, l'emploi, le logement, l'accès aux services sociaux et le cadre de vie des ménages. La région Drâa-Tafilalet trinque Les régions dont le niveau de développement est significativement inférieur à la moyenne nationale de l'indice de développement local multidimensionnel (IDLM - 0,700) sont Drâa-Tafilalet, Béni Mellal-Khénifra, Marrakech-Safi et Tanger-Tétouan-Al Hoceima. Le sous-développement de ces régions est attribué, en premier lieu, à leurs zones montagneuses, difficilement accessibles et sous-équipées en infrastructures sociales. Inversement, les régions relativement développées sont, comme on devrait s'y attendre, Laâyoune-Sakia El Hamra, Casablanca-Settat, Eddakhla-Oued Eddahab et Rabat-Salé-Kenitra. Les régions du sud, tout comme l'axe Kenitra-Casablanca, se détachent ainsi, de par leurs performances économiques et sociales, du reste des régions. Les régions dont le niveau de développement est proche de la moyenne nationale sont Guelmim-Oued Noun, l'Oriental, Souss-Massa et Fès-Meknès. Source : ONDH La province de Casablanca toujours en tête de liste A l'échelle infrarégionale, les provinces enregistrant un très faible niveau de développement sont, elles aussi, souvent montagneuses et connues pour leur vocation rurale, voire agricole. Il s'agit en premier lieu de Chefchaouen, Taounate, Moulay Yacoub, Essaouira, Chichaoua, Sidi Bennour, Azilal, Ouezzane, suivies de Fahs-Anjra, Al Hoceima, Guercif, Sidi Ifni, Boulemane, Figuig, Zagora et Aousserd. Les provinces les plus développées sont Rabat et Casablanca, suivies de Oujda-Angad, Laâyoune, Salé, Fès, Tanger-Assilah, Agadir-Ida-Ou-Tanane, Inezgane-Ait Melloul, Tan-Tan et M'diq-Fnideq. Les autres provinces sont celles dont le niveau est relativement plus proche de la moyenne nationale. De grandes disparités à l'échelle communale Mesuré par l'IDLM, le niveau de développement communal s'établissait en 2014 à 0,700, signifiant que 70% du chemin vers des conditions de vie plus décentes a pour l'heure été parcouru à l'échelle nationale. Autrement dit, les déficits en développement s'élèvent à une moyenne de 30% dans chacune des dimensions du développement, l'éducation, la santé, le niveau de vie, le logement, l'activité économique et les services sociaux. Pour des raisons aussi bien historiques qu'inhérentes aux «accidents de développement», d'importantes disparités caractérisent la répartition territoriale et sociale du développement local. Comparées aux 20% des communes les plus développées, les 20% les moins développées présentent des déficits généralisés à l'ensemble des dimensions. L'écart entre ces deux classes est beaucoup plus élevé dans le domaine de l'activité économique et les services sociaux. Le déficit en activité économique parmi la classe la moins développée est 11,2 fois celui de la classe la plus développée. Il en découle que, outre l'éducation, la santé et le niveau de vie, la différenciation des niveaux de développement, faible et très élevé, s'explique en premier lieu par la forte conjonction des services sociaux et de l'activité économique. Il s'agit d'une part de l'accès aux réseaux d'eau, d'électricité, d'assainissement et des routes ; d'autre part, d'une économie marquée par le salariat et le plein emploi, par opposition à l'agriculture vivrière fondée sur la main d'œuvre familiale. De plus, les communes à développement local faible affichent, à côté des déficits sociaux, des comportements démo-socio-économiques contribuant au freinage de leur développement. Tel est le constat qui se dégage de la description du profil des populations selon le niveau de développement. Un développement longtemps inégal Au total, d'importantes disparités territoriales caractérisent le développement des régions, provinces et communes. Responsables d'une perte en développement à hauteur de 30%, pareilles disparités sont dues à un développement, longtemps inégal, de quatre vecteurs : l'éducation, l'économie locale, les services sociaux et la santé. L'allègement des déficits dans ces domaines, à l'aide d'un ciblage multidimensionnel des localités les plus déficitaires, induirait un développement territorial socialement équilibré ou en tendance de rattrapage. L'adoption de cette cartographie à l'échelle communale conduirait à un ciblage géographique beaucoup plus fin et nettement plus performant, à une économie considérable des ressources et à une plus grande efficience des politiques publiques.