Pour la deuxième fois consécutive, la célèbre plateforme Numbeo a sorti cette semaine son Global Crime Index, qui évoque la sécurité et la criminalité dans les pays du monde. C'est surtout la nième fois en quelque mois que les médias marocains font l'éloge de cette plateforme et son classement qui n'est finalement qu'une estimation grossière basée sur un système de sondage auprès des internautes. Re-désintox. Le Global Crime Index 2017. Voilà un indice dont l'appellation donne l'impression qu'il s'agit bel et bien d'un institut de recherche ou d'un Think Tank sérieux que les médias marocains reprennent en chœur, pour la deuxième fois consécutive cette année, malgré son côté léger au niveau scientifique puisque basé sur des estimations très approximatives des internautes. Dans ce classement, repris notamment par Hespress, Febrayer, Goud et même des journaux papiers, comme Akhbar Alyaoum, le royaume occupe cette année la 43e place sur 110 pays après avoir été 40e l'année dernière parmi…117 Etats. La plateforme n'explique guère pourquoi 7 pays ont été rayés depuis l'édition 2016. Ceci dit, le Maroc serait -toujours selon Numbeo- l'un des pays qui connaissent un taux de criminalité parmi les plus bas, si on se fie à la logique. Ainsi les médias marocains soulignent que le classement accorde au Maroc une note de 48,74 pour la criminalité et de 51,26 pour la sécurité. Mais cette position et ces notes ne sont basées que sur l'avis de… 163 contributeurs seulement, indique Numbeo elle-même sur la page réservée au Maroc. Numbeo classe le Venezuela, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, le Honduras, l'Afrique du Sud et Trinité-et-Tobago en tête des pays où le taux de criminalité dépasse les 70 points. En bas du classement, on retrouve les Emirats arabes unis, l'Australie, Taiwan, le Qatar et Singapore. La situation au Maroc selon l'IPM En plus de la méthodologie douteuse de ce classement, les résultats affichés par la plateforme, que nous avions signalé il y a tout juste un an, restent incohérents avec la réalité telle qu'étudiée par les rapports mondiaux de renom. A titre de comparaison, l'indice de paix mondial (IPM), publié annuellement par l'Institut pour l'économie et la paix, un Think tank international dédié au développement des mesures de développement afin d'analyser la paix et quantifier sa valeur économique reste une référence en la matière. L'institut basé à Sydney s'appuie sur 23 indicateurs qualitatifs et quantitatifs comme la perception de la criminalité dans la société (étudiée par des analystes), les agents de sécurité et de police, l'instabilité politique, l'importation d'armes conventionnelles ou encore l'impact du terrorisme. Pour l'année en cours, l'IPM classe le Maroc à la 75e alors qu'il était en 91e position l'année dernière. Une position accordée suite à plusieurs notes attribuées sur la base des indicateurs contrairement au Global Crime Index de Numbeo. Ce dernier «indice» n'est qu'une estimation grossière basée sur un système de sondage auprès des visiteurs de cette plateforme sans aucune rigueur scientifique. Mais Numbeo n'y est pour rien, puisque la plateforme précise sur son site que «ces données sont basées sur les perceptions des visiteurs de ce site au cours des 3 dernières années». D'ailleurs, ce n'est pas le premier excès de vitesse des médias marocains au sujet d'un classement Numbeo. L'année dernière, plusieurs confrères avaient ainsi affirmé que Casablanca serait la 5e ville la plus polluée au monde, avant de relayer le Global Crime Index de la plateforme quelques semaines plus tard. Numbeo avait même été qualifié par un confrère de «célèbre centre américain spécialisé dans les études sur le niveau de vie, la sécurité, la pollution, la couverture sociale, l'habitat et l'environnement (sic)». Comme quoi, on n'apprendra jamais assez de nos propres erreurs…