La séquence d'Edward Price, porte-parole du département d'Etat des Etats-Unis, qui a déclaré le 9 juin que l'administration Biden adopte ses propres approches à l'échelle régionale, a été abusivement surinterprétée par quelques médias marocains à travers une analyse surchargée. «Blinken tend à dissocier le dossier du Sahara des Accords d' Abraham» glose LeDesk, «Marocanité Sahara : L'administration Biden revendique une "certaine discontinuité" avec la ligne de Trump» renchérit Yabiladi : la séquence d'Edward Price, porte-parole du département d'Etat des Etats-Unis, a été exposée avec quelque exagération et un sens de l'amplification par des médias marocains, lesquels l'ont défigurée par un grossissement assez équivoque. L'intervention d'Edward Price n'a nullement démontré que la position de l'administration Biden est à rebours de la position de sa devancière concernant l'affaire du Sahara. En janvier, faut-il le rappeler, Antony Blinken, secrétaire d'Etat des Etats-Unis, a déclaré que Washington «soutient fermement les Accords d'Abraham», ajoutant que «la normalisation des relations d'Israël avec ses voisins et les autres pays de la région est une évolution très positive, c'est pourquoi nous les avons applaudis et nous espérons qu'il sera possible d'édifier sur cette base dans les mois et les années à venir». Les déclarations de M. Prince interviennent alors que les négociations politiques menées par l'ONU piétinent et au moment où António Guterres peine à trouver le profil idéal pour chapeauter le dossier du Sahara (deux ans sans titulaire). Le président américain élu Joe Biden n'a pas encore pris position de manière officielle sur ce dossier. Toutefois, il est à constater que l'administration actuelle a déployé au pas de charge les dispositions de l'accord tripartite conclu sous l'administration de Trump. L'ancien ambassadeur des Etats-Unis au Maroc David Fisher avait déclaré fin 2020 que «le président Trump a reconnu l'inévitable et formulé l'évidence : cette région est marocaine et le Maroc a la seule solution fiable et durable pour résoudre le destin de ce territoire», une position fermement soutenue dans les couloirs diplomatiques américains. Seul TelQuel a adopté un ton nuancé, déclarant que «la diplomatie américaine affirme ne pas être dans la "continuité" de Trump… tout en maintenant sa reconnaissance de la marocanité du Sahara», rapportant les propos de M. Price qui a affirmé «que les discussions sur le dossier du Sahara sont toujours en cours», appelant à considérer cette affaire «dans le cadre d'une approche plus large de la région par l'administration précédente dans le contexte des accords d'Abraham», et ce sans nullement contester les fondements de l'accord tripartite, évoquant seulement «une certaine discontinuité d'approche» sans aucun autre détail. Les éléments constitutifs de l'accord tripartite sont toujours en vigueur, incontestés et largement appliqués. La nouvelle carte du Maroc intégrant le territoire du Sahara, adoptée par Washington trois jours après l'annonce de l'accord, a été consacrée officiellement par Washington. Le consulat «virtuel», destiné à dynamiser les échanges bilatéraux, fonctionne toujours. L'enveloppe de 3 milliards de dollars (2,4 milliards d'euros), débloquée par la Banque américaine de développement (DFC) pour le «soutien financier et technique de projets d'investissements privés» au Maroc et en Afrique subsaharienne, à laquelle s'est ajouté quelque 818 millions d'euros de la DFC pour l'entrepreneuriat féminin dans la région, ont été déployés. Ces derniers jours, le site officiel des Centres pour le contrôle et la prévention des maladies américains (CDC) a diffusé les destinations de voyages concernées par l'évolution de la situation sanitaire avec une carte complète du Maroc. Au-delà de la réponse accordée au quotidien catalan La Vanguardia, surinterprétée par certains médias, il est utile de rappeler que l'accord attestant la reprise des relations entre le Maroc et Israël s'est accompagné de la reconnaissance américaine de la souveraineté marocaine sur le Sahara et l'annonce de l'ouverture d'un consulat. Interrogée en janvier sur la possibilité si le président Biden pourra changer quelque chose à la décision de Trump, la politologue Khadija Mohsen-Finan a déclaré : «Non. Je pense que ça ne changera rien. Il ne changera rien d'abord parce que c'est difficile de le faire, d'autre part parce qu'il n'a pas très envie de le faire et de se brouiller avec le Maroc. Biden peut effectivement ajouter une ou deux closes (…) mais fondamentalement, ça ne changera rien à mon avis».