La majorité gouvernementale est secouée cette semaine par plusieurs clashs entre le groupe parlementaire du PJD à la Chambre basse et deux ministres du RNI. Une situation confirmée mardi soir par le ministre RNIste de la Justice, Mohamed Aujjar, qui accuse le parti de la Lampe de tenir un «double discours». Les divisions au sein de la majorité gouvernementale ne sont plus un sujet tabou. Preuve en est de la sortie médiatique, mardi soir, du ministre RNIste de la Justice. Invité de la première chaîne Al Oula, Mohamed Aujjar n'a pas mâché ses mots, tirant à boulets rouges sur le PJD en l'accusant de tenir un «double discours». Pour lui, le parti du chef du gouvernement fait aussi de l'opposition. «Parfois, nous sentons que le Parti de la justice et du développement exerce dans la majorité pendant cinq jours et passe à l'opposition en fin de semaine», déclare-t-il, ajoutant que le parti «gère depuis le gouvernement mais fait aussi de l'opposition à partir des autres appareils». «Nous disons que nous sommes dans le gouvernement et dans une majorité gouvernementale. On doit donc défendre les mêmes idées et les mêmes positions», confie-t-il à la chaîne publique. Le RNI veut «travailler dans la clarté» Le ministre de la Justice présente-t-il sa vision personnelle ou celle de sa formation politique ? Ses réponses laissent entendre qu'il s'agit plutôt d'un ras-le-bol exprimé par le parti de la Colombe. «Le RNI refuse ce double discours et veut un gouvernement transparent. Nous avons travaillé avec l'Istiqlal avec courage et détermination, pareil avec l'USFP et nous le ferons avec le PJD aussi», ajoute Mohamed Aujjar. Il va même jusqu'à emprunter la phrase fétiche du président du RNI, Aziz Akhannouch, «Agharass Agharass» (mot amazigh signifiant «rectitude»). «Sauf que, parfois, nous sommes confus avec ce double langage du PJD. Nous voulons donc travailler dans la clarté», finit-il par lâcher. Des messages destinés au PJD qui ne sont pas passés inaperçus. Hassan Hamoro, membre du Conseil national du PJD, a réagi ce mercredi à la sortie médiatique d'Aujjar, affirmant qu'«en dépit de toutes les tentatives, les complots et les coups, le PJD est toujours en mesure de formuler des réponses aux questions politiques dans ce pays». Il emprunte ensuite les mots d'Abdelaziz Aftati pour parler d'«Attahakoum» (l'ingérence), lequel «connaît très bien les points de forces nombreuses et renouvelées du PJD et fait en sorte de diversifier ses attaques». «Quand vous voyez certaines recrues du parti d'Akhannouch, à l'instar de Mohamed Aujjar et Rachid Talbi Alami qui promeuvent ce disque de double discours, sachez que le PJD travaille sur une initiative au profit du peuple et contre les néo-libéraux qui veulent transformer le Maroc en un grand marché et les Marocains en esclaves», lance-t-il. Un épisode sur le projet de loi relatif au CCJA A l'origine de ce nouvel épisode de guerre médiatique, un énième clash entre le groupe parlementaire du PJD à la Chambre basse et les ministres de la Colombe. Lundi, le Parlement a été le théâtre de deux incidents opposant les deux parties. Rachid Talbi Alami, ministre RNIste de la Jeunesse et des sports a failli retirer, à la dernière minute, le projet de loi 89.15 relatif au Conseil consultatif de la jeunesse et de l'action associative (CCJA). Un texte critiqué de manière virulente par les amis de Driss El Azami, à la tête du groupe parlementaire de la Lampe. «Sans l'intervention du chef du gouvernement, à travers son ministre chargé des relations avec le Parlement et la société civile, Mustapha El Khalfi, Talbi Alami aurait faire appel à l'article 144 du règlement intérieur de la Chambre basse pour retirer le texte de la séance de vote et le renvoyer en commission. Le texte aurait donc attendu la prochaine session parlementaire pour être voté», rapportent nos confrères d'Hespress. Le jour même, le ministre RNIste a été fustigé par les députés du PJD, qui lui reprochent de refuser de prendre en compte les propositions formulées par les représentants de la Nation. Un débat houleux s'en est suivi avant l'intervention du président de la Chambre basse, Habib El Malki, pour permettre au ministre de répondre aux critiques des élus. «Mon droit à m'exprimer a été confisqué. J'aurais voulu intervenir avant le débat pour répondre aux remarques des députés, mais je préfère me taire et m'asseoir pour ne pas dire des choses qui déplairont à certains», a lâché Rachid Talbi Alami. C'est finalement grâce au porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, que les deux parties ont réussi à trouver un terrain d'entente avant le vote de la loi. Le projet de loi 89.15 a finalement été voté par 110 députés, tandis que 49 se sont abstenus. Un autre bras de fer entre Aujjar et les députés de la Lampe La même situation s'est produite la semaine dernière, avec Mohamed Aujjar. Lors des discussions relatives au projet de loi n°33-17 sur le transfert des attributions du parquet général, au sein de la commission de la justice, de la législation et des droits de l'homme la semaine dernière, le groupe parlementaire du PJD a rejoint l'opposition et le PAM pour refuser l'un des articles dudit projet. Le ministre de la Justice a insisté pour qu'une proposition du PJD sur la fixation du déroulement et des prérogatives du parquet général par le chef du gouvernement, au lieu du procureur général du roi près la Cour de cassation, soit retirée. Une demande refusée par le PJD, ce qui a entraîné l'arrêt des travaux de la commission à maintes reprises avant de faire appel au président du groupe parlementaire de la Lampe pour trancher. Le texte a finalement été retiré par les élus du parti dirigé par Abdelilah Benkirane, même si certains députés ont campé sur leur position et ne se sont pas privés d'exprimer leur mécontentement dans les médias. Alyaoum 24 cite notamment Boutaina Qaraoui qui a confié, au lendemain du clash, que «malheureusement, l'ingérence (Attahakoum) exercée par certains partis sur leurs élus continue d'exister. Ces élus sont privés d'exercer leur rôle législatif en toute liberté», finit-elle par lâcher. Des clashs qui ne risquent pas de disparaître, menaçant ainsi la coalition gouvernementale formée en mars dernier par Saâdeddine El Othmani, après un blocage qui a duré cinq mois suite aux élections législatives d'octobre 2016. Article modifié le 26/07/2017 à 18h53