Président de l'association chiite «Ressalis progressistes» interdite par les autorités et détenu depuis juillet 2016 pour une affaire de «détournement de fonds publics», le chiite marocain Abdou Chougrani vient d'adresser une lettre depuis la prison de Bourkaiz de Fès. Détails. Les lettres en provenance des prisons marocaines se multiplient ces derniers temps bien qu'elles soient remises en doute par la Délégation générale de l'administration pénitentiaire et de la réinsertion (DGAPR). Après le courrier de Nasser Zefzafi, c'est au tour d'Abdou Chougrani, président de l'association chiite «Ressalis progressistes», interdite par les autorités, de s'adresser à l'opinion publique depuis la prison de Toulal à Meknès. Dans sa lettre, parvenue à Yabiladi par le biais d'un membre de «Ressalis progressistes», le président de l'ONG non reconnue par le ministère de l'Intérieur appelle à l'ouverture d'une enquête transparente sur son maintien en détention malgré qu'il ait purgé sa peine. Abdou Chougrani a été condamné en novembre 2016 par la justice à un an de prison ferme. Il est accusé de «détournement de fonds publics» - environ 140 000 dirhams d'une agence Barid Al Maghrib à Taounate - et de «faux et usage de faux». Il estime aujourd'hui dans sa lettre que des parties - qu'il ne cite pas - cherchent à le maintenir derrière les barreaux. Kidnapping, injustice et abus Le document écrit à la main par le président de l'association chiite marocaine revient notamment sur «l'injustice» et «l'abus» dont il se dit victime, affirmant avoir été jugé deux fois dans le cadre du même dossier. «Une manière frauduleuse et délibérée dans le but de se venger de moi en dehors de la loi. Il s'agit de parties que je me réserve le droit de ne pas mentionner pour l'instant», écrit-il. Abdou Chougrani, qui porte le numéro de détention n°26176, rapporte avoir été «kidnappé dix jours avant la fin de sa peine initiale». «J'ai été enlevé de prison Toulal 1 de Meknès par trois gendarmes et deux individus en tenue civile. Le directeur de la prison s'est même opposé à me livrer à eux. Les négociations ont duré de 9 heures du matin à 18 heures avant qu'il finisse par leur obéir.» Il ajoute dans cette lettre qu'il compte faire savoir aux organisations des droits de l'homme et aux institutions constitutionnelles que ses vêtements, ses livres et ses dossiers ont été confisqués. «J'ai été transféré à la prison locale Bourkaiz de Fès sans rien, ce qui m'a poussé à déposer une plainte auprès du procureur du roi, du juge d'instruction et du directeur de la prison. Mais je n'ai pas reçu d'explication ou de réponses à ma requête», indique le détenu. Discrimination et haine due aux croyances religieuses Le président de «Ressalis progressistes» exprime ensuite son refus d'un nouveau procès dans le cadre de la même affaire, estimant que son «kidnapping» entre dans le cadre d'une «guerre menée contre [ses] droits fondamentaux y compris la liberté de croyance et de culte». Il affirme à cet égard que les discriminations basées sur les croyances continuent d'exister au Maroc, «en dépit des efforts entrepris par le Roi». A travers sa lettre, Abdou Chougrani exhorte les autorités à ouvrir une enquête «sérieuse et transparente sur ces événements». «Je réclame ma libération conformément à la loi et [demande] de ne pas se plier à des parties de l'Etat marocain qui combattent un projet royal visant la création d'un Etat civil moderne où les formes de discrimination et la haine sont inexistantes. Une discrimination et une haine que je subies au sein de la prison», poursuit le détenu. Dans une déclaration accordée à Yabiladi ce mardi, l'activiste chiite Issam Hassani, également porte-parole de l'ONG non reconnue par les autorités, nous rapporte que Chougrani fait face «aux mêmes accusations avec la même partie plaignante qui est une institution publique de l'Etat marocain». Pour lui, le dossier devait être clos par l'inspecteur des finances après le verdict. «A l'approche de la fin de la peine de Chougrani, la partie plaignante est arrivée avec des accusations pour le garder le plus longtemps possible derrière les barreaux pour des raisons inconnues», conclut-il.