Rachid Niny, directeur de publication d'Al Massae a été placé en garde à vue, jeudi 28 avril, par la brigade nationale de la police judiciaire. Le journaliste est accusé d'«atteinte à des corps constitués» et «atteinte à des personnalités publiques». L'Association marocaine des droits de l'homme condamne cette arrestation qu'elle qualifie d'« entrave à la liberté d'informer». «Le parquet général a donné ses instructions à la police judiciaire compétente pour mener des investigations minutieuses et détaillées au sujet des faits rapportés par ce journal, en particulier ce qu'a colporté comme idées leur auteur, Rachid Niny et visant à porter atteinte à la sécurité et à l'intégrité de la Nation et des citoyens», pouvait-on lire, jeudi 28 avril, dans le communiqué publié par le procureur du Roi auprès de la Cour d'appel de Casablanca. Le même jour, à 15h, Rachid Nini, répond à une convocation de la police judiciaire. Après son interrogatoire, il est placé en garde en vue pour 96 heures par la police. Les chefs d'accusation : «atteinte à des corps constitués» et «atteintes à des personnalités publiques». Cette nouvelle arrestation du journaliste serait la conséquence de ces récentes sorties médiatiques à l'encontre de certaines personnalités. Le directeur de publication d'Al Massae avait dénoncé des scandales de corruption dans l'entourage du Roi, en pointant notamment du doigt Fouad El Himma, leader du Parti l'Authenticité et Modernité (PAM). Pis, Rachid Niny avait aussi publié des informations concernant Abdellatif Hammouchi, directeur de la surveillance du territoire. En outre, il s'est dit favorable à l'annulation de la loi anti-terroriste. Condamnations unanimes Les réactions ne se sont pas faites attendre. Les organismes de droits humains ont unanimement dénoncé cette arrestation. Reporters Sans Frontières affirme que la garde à vue de Rachid Niny «va totalement à l'encontre des promesses formulées par le Roi Mohamed VI dans son discours du 9 mars 2011, au cours duquel il avait insisté sur l'engagement du Maroc sur la voie de réformes» notamment celles «des droits de l'homme et de la protection des libertés». RSF exige la «libération immédiate de Nini» et l'annulation des faits qui lui sont reprochés. Khadija Riyadi, présidente de l'Association marocaine des droits l'homme condamne «cette arrestation qui est contraire à la liberté d'informer». Rachid Nini ne sera pas seul dans son combat. Déjà, un groupe dénommé «Libérez Niniy» vient d'être ouvert sur facebook. Soutien virtuel mais réel aussi : vendredi 29 avril, à 16h, près de 200 personnes se sont mobilisées durant plus d'une heure, devant le siège du groupe Al Massae Media à Casablanca pour soutenir le Directeur de publication du journal arabophone, selon un journaliste de Al Massae qui participait a la manifestation. Des slogans demandaient la libération de Rachid Nini. Les journalistes ont regretté que «ce sont les journalistes plutôt que les voleurs de l'argent public qui sont arrêtés». Chronique d'une liquidation annoncée ? Parallèlement, lundi 25 avril, la justice a exigé le versement des amendes auquel le groupe Al Massae Media a été condamné le 31 octobre 2008. Quatre substituts du procureur du Roi de la ville de Ksar El Kebir avaient traduit Rachid Niny et son groupe devant la justice pour «diffamation». Condamné à payer 6 millions de DH de dédommagements et à verser 120 000 DH à la Trésorerie Nationale du Royaume, le groupe avait augmenté le prix du journal de 0,5 Dh, faisant appel à son lectorat pour payer l'amende. En dépit de cette condamnation, la justice n'avait pas demandé au groupe de presse de s'acquitter de cette amende. Selon l'avocat Ahmed Zyane ,«la procédure a toujours été enclenchée, mais elle a été bloquée arbitrairement dans les rouages de la Justice». Deux ans et demi après, la justice marocaine a décidé d'appliquer cette procédure. La décision est loin d'être anodine, selon le site Lakome.fr. L'auteur du blocage ne serait autre que le secrétaire général du Roi Mounir Majidi. Selon le journal électronique, ce sont les accusations de corruption soutenues par le Mouvement du 20 février à son endroit, qui ont précipité son revirement. L'obligation de payer les amendes va même toucher l'entourage immédiat de Rachid Niny. «La saisie ne portera pas seulement sur les actifs de la société, mais également ceux de Rachid Niny, ainsi que ceux de sa mère, sa sœur, son frère, ainsi que son épouse, de nationalité espagnole», affirme l'avocat Ahmed Zyane. Suite à son arrestation, jeudi, Rachid Niny devrait, dans les jours qui viennent, être présenté au procureur du Roi auprès de la Cour d'appel de Casablanca pour être fixé sur son sort.