Refoulés d'Algérie la semaine dernière, une quarantaine de réfugiés syriens sont bloqués à la frontière maroco-algérienne. Entourée de soldats marocains au niveau de la zone tampon frontalière, l'une des femmes enceintes a accouché hier sans assistance médicale. Rabat et Alger, eux, se renvoient la balle. Détails. La situation humanitaire d'une quarantaine de réfugiés syriens bloqués à la frontière maroco-algérienne, à proximité de Figuig (région de l'Oriental), est alarmante. Alors que les autorités marocaines et algériennes se renvoient la balle sur la provenance de ces réfugiés, des sources associatives s'inquiètent de voir la situation s'empirer. Une Syrienne donne naissance sans assistance médicale Dimanche soir vers 22h30, parmi les femmes syriennes enceintes, l'une aurait donné naissance, sans assistance médicale ni soins, dans la zone tampon située à la frontière entre le Maroc et son voisin de l'Est. L'information a été confirmée par Hassan Ammari, représentant local de l'ONG internationale Alarm Phone. «Elle était enceinte de huit mois. Elle a accouché hier soir vers 22h30, cinq jours après son arrivée au Maroc», nous dit-il. Ce dernier est catégorique sur la primature du droit international dans une situation pareille : «Actuellement, ils sont toujours 'emprisonnés' dans une zone qui regorge d'insectes, de scorpions et de serpents, où il fait très froid la nuit et très chaud le jour. Cette situation alarmante impose une intervention humanitaire quel que soit le problème, même si je suis contre l'idée de déployer cette aide seulement en cas d'urgence. Pour moi, un réfugié ayant demandé l'asile doit en bénéficier.» D'après ce militant associatif, un infirmier de Figuig «a pu ausculter les enfants et les femmes et a tiré la sonnette d'alarme s'agissant de l'état de santé de plusieurs membres du groupe». L'infirmier a également jugé de «l'urgence de dépêcher un médecin spécialiste pour examiner trois cas préoccupants : cette femme enceinte, un enfant et une petite fille souffrant d'infection». Selon Hassan Ammari, «les autorités locales n'ont pas suivi les conseils de l'infirmier, arguant qu'elles attendent les ordres des hautes autorités». «Rien n'a été fait jusqu'au drame d'hier soir. Ce matin, la situation n'a toujours pas changé. L'apport des repas n'est pas régulier et dépend de la volonté et de l'humeur des personnes sur place, d'après les témoignages des personnes qui suivent de près la situation. Il faut savoir qu'il s'agit d'une zone miliaire qu'aucun civil n'a le droit de franchir. Les habitants et les ONG fournissent les denrées aux soldats marocains. On ne sait pas si elles leur parviennent et si c'est suffisant pour tout le monde.» Responsabilités partagées entre Rabat et Alger Le représentant local d'Alarm Phone ne manque pas de fustiger les institutions averties pour ces cas de réfugiés. «Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, l'Organisation internationale des migrants, le Conseil national des droits de l'homme et les autorités ont été avertis mais aucune organisation n'est intervenue, ne serait-ce que pour porter assistance à cette femme enceinte», s'indigne-t-il. Il fait aussi savoir que ces Syriens ont adressé un appel d'urgence à plusieurs ONG et organisations, dont Alarm Phone. Alors que le Maroc a convoqué l'ambassadeur algérien à Rabat, tout comme les autorités d'Alger qui ont protesté auprès du représentant du Maroc à Alger, Hassan Ammari tire à boulets rouges sur les deux pays : «Dans ce genre de situation, la Convention de Genève pour les réfugiés est claire. Les autorités des deux pays auraient dû prendre leurs responsabilités.» Pour lui, Rabat et Alger étaient censés accorder une attention particulière et une aide humanitaire aux enfants, aux mineurs et aux femmes. «Ils ont le droit de demander l'asile. De même, le HCR aurait dû se mobiliser. C'est malheureux que le droit international n'ait pas été appliqué.» «Cet échange d'accusation est familier; ça n'a rien d'étonnant. Mais les deux pays sont responsables. Il faut qu'ils fassent quelque chose sur le plan humanitaire avant de régler les problèmes diplomatiques. La priorité est de penser à ces enfants et ces femmes enceintes.» Hassan Ammari rappelle que le royaume avait pourtant lancé des initiatives au niveau des frontières orientales et que des réfugiés avaient été auparavant accueillis. Il insiste aussi sur le débat opposant aujourd'hui le Maroc à son voisin de l'Est quant à la provenance de ces Syriens. «Selon les témoignages recueillis lorsqu'on était en contact direct avec ces réfugiés, je vous assure que ces derniers ont affirmé venir d'Algérie et avoir traversé la frontière», dit-il. Le représentant local d'Alarm Phone de conclure : «Le fait de les abandonner en plein air est inacceptable, autant pour la conscience humaine que pour le droit international.»